Attention : 100 % tendance. Cet hiver, cols en chinchilla, capes en renard, étoles en hermine supplantent le traditionnel manteau en vison. Glamoureusement modernisée, la fourrure se porte fashion… En accessoires.

Carnet d’adresses en page 114.

C’ est l’habit originel. La fameuse peau de bête dont se recouvraient les hommes et les femmes préhistoriques porte le nom de fourrure à partir du Moyen Age. A cette époque, ce sont les croisés qui introduisent l’habitude de rehausser les vêtements de passementeries en fourrure. En l’an 800, Charlemagne portait comme tenue quotidienne une cape bordée de fourrure. La mode est alors lancée et se poursuit jusqu’au xvie siècle. La fourrure, on en use autant comme ornement que pour se préserver du froid, été comme hiver.

Sous l’Ancien Régime, l’hermine blanche est l’apanage des rois. Au xixe siècle, la folie des ajouts reprend de plus belle : cols, manches, manchons en fourrure… Après avoir été un vêtement de survie, la fourrure devient un luxe. Plus près de nous, au xxe siècle, dans les années 1980, avoir son manteau en vison est un signe de reconnaissance sociale… avant d’être une abomination. Après la crise traversée dans les années 1990, suite aux actions spectaculaires des mouvements de défense des animaux, la fourrure fait, depuis quelques saisons, son come-back. Mais, aujourd’hui, elle ne s’affiche plus en total look. Exit le manteau en vison ou la veste en renard ! Elle revient par petites touches subtiles sur les accessoires… comme autant de réminiscences de l’art de vivre du xixe siècle.

Cet hiver, la collection Vuitton va plutôt puiser dans les codes vestimentaires de l’Ancien Régime : on voit ainsi apparaître des étoles en vison Monogram, des étoles en hermine attachées par un n£ud, des étoles en putois avec un n£ud plat en satin. Les jupes et chaussures sont bordées de fourrure, les sacs à main déclinent le Monogram en version poils. La fourrure se faufile partout : sur les cols chez Dior, sur les manches chez Lacroix, sur les chapeaux, chez John Galliano… Pour agrémenter une robe de soirée, Celine propose de belles étoles, et aussi des sacs ainsi que des mules tout en poils. La fourrure ? Ann Demeulemeester, elle, la marie au cuir.

De New York à Paris en passant par Milan, c’est le même engouement. Irrésistibles : les manchons en fourrure griffés Torrente, les cols et surtout cette écharpe colorée verte et rehaussée d’une grosse broche rouge accompagnant un pantalon en bandes de renard, signé Lacroix. Caroline Herrera introduit l’hermine blanche sur la chemise. Dior habille une robe haute couture d’une traîne en fourrure et sème des pompons sur une robe du soir. Valentino, lui, réchauffe une robe en satin rouge d’une étole en renard… rouge, elle aussi. Le couturier italien joue sur les teintes vives avec une cape écarlate et propose aussi des boléros, des épaulettes, des manches, des cols et même des revers de gants en renard. Jean Paul Gautier réintroduit le renard sur capuches, capes, et chapeaux. Ralph Rucci présente des pantalons aux franges… en fourrure. Chez Etro, les écharpes sont rayées noir et bleu et adoptent aussi le rouge. Chez Dolce & Gabbana, les boas en renard ou en vison prennent des couleurs, et les accessoires se déclinent aussi en chinchilla ou en hermine. On observe également le retour de la zibeline.

La fourrure revient là où ne l’attendait pas, parée de mille et un coloris. Elle est  » la  » touche qui finit la tenue et s’associe à des matières plus modernes, comme le cuir, chez Sportmax ou Dolce & Gabbana, ou le jeans chez Just Cavalli. Sauvage, naturelle, rasée, colorée, tricotée ou tissée, bref modernisée et allégée, elle est devenue le dernier accessoire branché. Bénéficiant de nouvelles techniques qui permettent dans les tanneries, d’imprimer, de raser au laser, de donner du relief et de la couleur à la peau, elle revêt de nouvelles formes. Et s’est débarrassé, au passage, de son étiquette d’appartenance à une classe sociale. Du coup, elle séduit de plus en plus un public jeune.

La fourrure et les jeunes créateurs

Chez les jeunes créateurs aussi, la fourrure est nouvelle source d’inspiration. A Bruxelles, Kobe Lecompte a décidé de poursuivre la tradition familiale. Depuis qu’il a 9 ans, l’âge où il jouait dans les ateliers de son père Walter, il rêve d’être fourreur. A 25 ans, après avoir fait ses classes, à Bruges, au Technisch Instituut Heilige Familie, et son apprentissage chez son père, avec qui il a travaillé pour Dries van Noten, Jean Paul Knott ou encore José Enrique chez Loewe, il explore des nouvelles méthodes et propose une gamme d’accessoires des plus inattendus. Dans son atelier du Trade Mart à Bruxelles, ce jeune fourreur à l’allure de dandy, confectionne des jambières et des capes, des écharpes en lapin rasé aux imprimés pieds-de-coq, des moufles, des ceintures en lapin et en loup. Son imagination le pousse même à des inventions inattendues, comme cette lingerie qui associe un top bandeau et une culotte boxer en fourrure. Il réalise aussi des sacs à main en lapin, des bijoux ou des étuis à cigarettes en poils de bête. N’hésitant pas à proposer des objets pour la maison recouverts de fourrure comme un ensemble de tasses à café en lapin rasé.  » On peut imaginer plein de choses, s’enthousiasme-t-il. Aussi bien des vêtements que des objets pour la maison, des tapisseries, des tapis…  » Son prochain défi, à l’occasion d’une prochaine exposition de son frère jumeau Wannes ? Des cadresà en fourrure.

Mais pour Kobe Lecompte, le retour à la fourrure ne s’envisage pas sans une dimension éthique. Il se veut en effet soucieux de la traçabilité des peaux qu’il achète en Allemagne, en Italie ou en Grèce.  » Des pays où je sais que l’élevage est fait dans de très bonnes conditions, souligne-t-il. De toutes façons, quand je vois une peau, je sais si l’animal a été bien élevé…  » Reste toutefois qu’il faut tuer la bête avant de la vendre…  » Là encore, il existe des moyens pour ne pas faire souffrir l’animal « , affirme le jeune fourreur. Aussi, il travaille beaucoup le lapin, une fourrure qui permet de concevoir des vêtements à des prix abordables.

Avec des accessoires à moins de 100 euros, Kobe Lecompte touche une clientèle jeune et a même réussi à faire entrer la fourrure dans les boîtes de nuit. Dernièrement, il accessoirisait le défilé du styliste Bernard Gavilan, organisé lors d’une soirée Dirty Dancing, à la discothèque bruxelloise Le Mirano, et présentait moufles, guêtres et sacs.  » Les nouvelles techniques nous permettent d’assouplir la fourrure qui parfois pouvait avoir un côté lourd, explique-t-il. Par exemple, il nous arrive de la tailler à l’aide d’une perceuse ce qui nous permet d’obtenir des résultats surprenants. Désormais on fait bouger la fourrure en faisant des petites entailles dans la doublure.  » Décoincer, dérigidifier, assouplir la fourrure pour lui redonner son sens premier, celui de vêtement naturel. Le retour aux origines est dans l’air du temps.

Agnès Trémoulet

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