Le sellier français se lance dans l’édition de meubles, adjoignant un nouveau  » métier  » à son portfolio d’activités en pleine croissance. Une santé financière qui attise la convoitise de la plus grosse fortune de France.

Chez Hermès, on ne fait jamais les choses à moitié. Qu’il s’agisse de lancer une collection de meubles d’un luxe inouï. Ou de répondre avec véhémence à l’entrée par surprise de Bernard Arnault dans le capital de l’entreprise. Un coup de poker boursier que l’actionnariat majoritairement familial du sellier français n’est pas près de pardonner au patron du groupe LVMH (lire aussi en page 14). Si l’homme d’affaires ajouterait volontiers ce joyau du luxe français à sa couronne pourtant déjà bien chargée, c’est qu’Hermès affiche une santé financière éclatante, réussissant l’exploit de surperformer dans un environnement économique plombé par la crise.

Celle qui n’était à l’origine qu’une petite maison spécialisée dans les harnais et les accessoires équestres a toujours su s’adapter aux attentes de son temps, se faisant maroquinier lorsque l’automobile prend le pas sur le cheval, se lançant dans la soierie puis dans le prêt-à-porter. Des  » métiers  » – on en dénombre 16 aujourd’hui – tous liés à des savoir-faire pointus dans lesquels elle entend bien être la meilleure dans la petite cour des géants du luxe presque tous passés sous pavillon LVMH, PPR ou Richemont. L’arrivée à la tête de l’entreprise de Jean-Louis Dumas, en 1978, fera basculer Hermès dans l’ère de la mondialisation sans perte de prestige, ni d’exclusivité : malgré les demandes pressantes, en provenance du marché asiatique notamment, les sacs sont toujours fabriqués à la main – deux nouveaux ateliers ont d’ailleurs ouvert en Charente fin 2011 pour satisfaire les commandes – par des artisans français, ce qui ralentit la production et engendre les désormais célèbres  » listes d’attente « , l’acheteur devant parfois patienter plusieurs mois avant de recevoir son Birkin ou son Kelly.

 » L’objet Hermès a sa temporalité propre, détaille Pierre-Alexis Dumas, actuel directeur artistique de la marque à la calèche. Il se patine, il dure. Il influence nos émotions et nos comportements. Il vous donne du temps. Il vous invite à ralentir.  » Une philosophie de vie, de management aussi, qui a toujours refusé d’entrer dans la spirale frénétique de la nouveauté à tout prix pour privilégier ses classiques remis au goût du jour d’année en année. Même la mode – qu’elle soit signée Véronique Nichanian pour l’Homme ou Christophe Lemaire pour la Femme – reste bienveillante et pérenne. La nouvelle collection  » maison « , fruit de sept ans de préparation et présentée par Hermès en avril 2011 au Salon du meuble de Milan dans un pavillon mobile en carton signé Shigeru Ban (photos), s’inscrit dans le même courant.

Craignant de voir Bernard Arnault mettre la maison sous amphétamine pour en doper encore les performances financières, l’actionnariat familial s’est retranché fin 2011 dans un holding bloquant plus de 50 % du capital. Une forteresse qui résistera à l’envahisseur tant que les descendants de Thierry Hermès – de plus en plus nombreux… – accepteront de rester tous solidaires. L’erreur – la seule sans doute – de Jean-Louis Dumas ayant été de croire, un peu naïvement peut-être, qu’Hermès pouvait entrer en bourse en 1993 et rester entre gens de bonne famille.

ISABELLE WILLOT

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