De Dubaï à Arles, de Paris à Londres, les fashion rooms se multiplient. Certaines griffes de mode vont même jusqu’à afficher leur nom en toutes lettres sur la façade. Du catwalk au lobby, il n’y a qu’un pas.
Alors qu’on imagine difficilement poser ses bagages dans un hôtel Ferrari ou un palace Jaeger-Lecoultre, on s’accommode fort bien de séjourner dans un établissement qui porte la signature d’un styliste. Et la tendance, qui s’internationalise, ne devrait pas fléchir, bien au contraire. D’ici deux ans, le premier » resort » intégralement conçu par Karl Lagerfeld verra le jour en Asie. En dépit de quelques mariages houleux (les hôtels Missoni débaptisés cette année en raison de divergences de vue avec le groupe Rezidor ou la maison Moschino, à Milan, fermée précipitamment l’été dernier), les alliances vont bon train. En route pour les dressings 5 étoiles !
KARL LAGERFELD À MONTE-CARLO, BERLIN, PARIS, MACAO
Depuis vingt ans, il joue au chat et à la souris avec le monde de l’hôtellerie. En 1994 déjà, Karl Lagerfeld était appelé pour remodeler une suite du Schlosshotel, une chambre toujours disponible dans cet établissement old style tout en boiseries de Berlin. C’est l’une des nombreuses contributions du big boss de Chanel, qui a conçu également le logo du So hôtel de Singapour ou les abords de la piscine du Métropole de Monte-Carlo qu’il a agrémentés d’une fresque photographique sur verre revisitant la mythologie antique. Le couturier va passer à la vitesse supérieure avec la réouverture, fin 2015, du palace Le Crillon à Paris pour lequel il a dessiné deux suites et, aux alentours de 2017, l’inauguration à Macao d’un hôtel de 270 chambres intégralement pensé par ses soins. Ce projet phare dans la Mecque du jeu est porté par le plus important opérateur de casinos de la région, et il pourrait porter le nom du couturier.
www.schlosshotelberlin.com
http://www.metropole.com
MAXIME SIMOËNS EN AQUITAINE
Maxime Simoëns se destinait à des études de cinéma. Mais après avoir eu une révélation à 17 ans en découvrant le travail de Jean Paul Gaultier, cet ancien de chez Dior et Balenciaga a fondé la maison qui porte son nom en 2008. La fraîcheur de son style fait mouche. Au point qu’Alice Tourbier, propriétaire du domaine Les sources de Caudalie, près de Bordeaux, a sollicité le prodige de 30 ans pour la décoration d’un cabanon chic sur pilotis, planté au milieu de la nature et des vignes. Nouvelle atmosphère, donc, pour ce lieu unique où l’on pratique les bienfaits de la vinothérapie. Revu de A à Z par Simoëns en 2013, L’île aux oiseaux est un cocon où cohabitent esprits vintage (parquet, poutres apparentes, touches cottage) et contemporain (éclairage en fil luminaire bleu électrique, sofa de Pietro Arosio pour Silvera). La signature du Français ? Le code barre qui s’invite dans la salle de bains sous la forme d’un motif sorti de l’Optical Art. Tonique et apaisant.
www.sources-caudalie.com
CHRISTIAN LACROIX À ARLES
Si la marque est active via des licences dans le prêt-à-porter, la lingerie, les arts de la table ou la papeterie, cela se passe désormais sans Christian Lacroix, qui a quitté la société en 2009. Loin des podiums et des multinationales, le créateur garde néanmoins deux pieds dans le design via sa société XCLX. Autre corde à son arc : l’aménagement d’hôtels dont il s’est fait quasi une spécialité, avec trois adresses à Paris ou sa contribution à l’hôtel So de Bangkok. Sa dernière collaboration ? L’hôtel Jules César, à Arles, sa ville natale. Face à une telle débauche de couleurs, les religieuses de cet ancien couvent de Carmélites en avaleraient leur cornette ! Fidèle à sa réputation, Lacroix juxtapose les aplats bleu roi, les verts grenats et les vermillons, tandis que les tapis, tentures et papiers peints jouent les effets kaléidoscopiques. » Mon intervention est bruyante « , sourit le couturier. Amateur de théâtre et d’opéra, il affirme que la mode n’était qu’un détour involontaire de sa trajectoire. Ah bon ?
www.hotel-julescesar.fr
VERSACE À DUBAÏ
Après sept ans de travaux pharaoniques et une date d’ouverture reportée, le Palazzo Versace de Dubaï devrait être inauguré en mars 2015. Après un premier essai en Australie, sur la Gold coast, c’est la seconde incursion dans l’hôtellerie pour la griffe italienne. Plus proche du casino de Las Vegas que de la villa palladienne, le complexe du Golfe a été financé par une holding émiratie. Ce palais de 130 000 m2, avec sa marina privée, proposera 217 suites meublées avec la ligne Home de la marque à tête de gorgone. Au menu : vases en céramique aux ailes d’ange, fauteuils en cuivre jaune, méridiennes Directoire ou fantaisies néoclassiques revisitées par la reine Donatella. Notons que Dubaï accueillera bientôt un hôtel Bulgari et un projet signé Roberto Cavalli.
ARMANI À MILAN
A la tête d’un empire où jamais le soleil ne se couche, Giorgio Armani s’est naturellement tourné vers l’hôtellerie haut de gamme (Armani Hotels & Resorts), après le mobilier (Armani Casa), la restauration (Armani Caffè) et la promotion immobilière (Armani Residences). Le fringant octogénaire s’est frotté à l’exercice en commençant par Dubai – tiens, tiens – avant d’enchaîner en 2011 avec Milan. Juste retour de politesse pour la capitale de la mode. Le palace transalpin est logé dans un bel édifice moderniste quadrangulaire édifié en 1937, via Manzoni, dans le quartier des boutiques chics. Avec seulement cinq étages (et une magnifique terrasse dominant la ville), le projet apparaît modeste en comparaison des 163 niveaux de la tour Burj Khalifa de Dubai ! Matières nobles, netteté des formes, association bien sentie du bois et du cuir beige, et le tout qui rappelle l’élégance Art déco… Du pur Armani.
www.armanihotels.com
MAISON MARTIN MARGIELA À PARIS
Située à deux pas de l’avenue Montaigne, dans ce qu’on appelle le Triangle d’or, la Maison Champs Elysées est un établissement 5 étoiles créé par le groupe ODO, qui a rénové à grands frais un ancien hôtel particulier du XIXe siècle où vécut la duchesse d’Essling. L’aménagement des chambres les plus luxueuses, dites » couture « , a été confié à Maison Martin Margiela. Rappelons que la marque appartient à la holding de Renzo Rosso (Diesel) depuis une dizaine d’années tandis que le Belge, lui, a quitté le paquebot en 2009. Les habitués des boutiques MMM reconnaîtront sans peine le style en vigueur, avec ses trompe-l’oeil noir et blanc, ses sièges houssés et son goût pour l’immaculé. Tandis que les 40 chambres » lambda » sont situées dans un bâtiment plus récent à l’arrière de la demeure haussmannienne, les 17 suites griffées ont le privilège d’occuper les 5e et 6e étages du bâtiment historique. La suite 114, aux » moulures ininterrompues « , se distingue par sa blancheur absolue. Celle portant le n°142 est son négatif exact avec ses murs carbone et sa vitrine aux allures de cabinet de curiosités. A quand une chambre sur le thème pirate ou torero ? Avec la nomination surprenante, en octobre dernier, du tonitruant John Galliano en tant que directeur artistique du label, on peut s’attendre à tout !
www.lamaisonchampselysees.com
DIANE VON FÜRSTENBERG À LONDRES ET BRUXELLES
Bien que notre capitale et l’Amigo soient associés cet hiver au nom de Diane von Fürstenberg pour une décoration du lobby de l’hôtel initiée par les boutiques belges de la marque, c’est Londres qu’il faut gagner pour s’imprégner plus amplement de l’univers de la créatrice. En 2010, elle a décoré la suite Grand Piano de 178 m2 du Claridge’s, dans le quartier chic de Mayfair. Avec ses plafonds moulurés et sa cheminée de marbre, cet » appartement » digne d’un hôtel particulier ressemble au propre intérieur parisien de DvF. Tapis tuftés main à motifs tribaux, canapés zébrés, lit à baldaquin, mobilier néo-Empire : tout rappelle ici le paysage bariolé et extraverti de la plus américaine des stylistes belges. La destination a l’avantage d’être plus proche que les îles Hayman, en Australie, où elle a également signé la déco d’un penthouse pour le compte du complexe One & Only.
http://fr.claridges.co.uk
www.roccofortehotels.com/fr/hotels-and-resorts/hotel-amigo/
PAR ANTOINE MORENO