Entre commerce équitable et provocation calculée, la marque Haeftling devient tout doucement une griffe branchée. La raison ? Ses vêtements sont confectionnés par des prisonniers allemands.

Retrouvez Frédéric Brébant chaque lundi matin, vers 9 h 45, dans l’émission  » Bonjour quand même « , de Jean-Pierre Hautier, sur la Première (RTBF radio).

Bien sûr, le phénomène n’est pas nouveau. Au sein de ces pages, nous avons d’ailleurs été l’un des tout premiers à décrypter cette tendance émergente, il y a quatre ans déjà, avec un article intitulé  » L’éthique pas toc  » ( lire Weekend Le Vif/L’Express du 1er juin 2001). Depuis, les vêtements issus du commerce équitable n’ont cessé de prendre du galon sur la scène de la branchitude ambiante avec, en guise de conséquence inéluctable, un intérêt grandissant de la part du grand public pour les silhouettes étiquetées éthiques. Aujourd’hui, tout le monde veut sa paire de baskets Veja en caoutchouc naturel et produite par de petits fabricants brésiliens correctement rémunérés ( www.veja.fr) et le label Max Havelaar fournit, en coton équitable, des marques comme Kindy et La Redoute pour des vêtements politiquement corrects à prix démocratique ( www.maxhavelaar.be). Bref, le consommateur se montre désormais de plus en plus sensible à la  » traçabilité  » de sa garde-robe et de moins en moins enthousiaste à l’idée de se vêtir avec des habits  » made in je ne sais où « . Surfant sur cette vague porteuse d’un commerce davantage humaniste, certains petits génies du marketing pointu jouent toutefois la carte d’une audace à double tranchant. Ainsi, une agence de publicité berlinoise a par exemple convaincu les responsables d’une prison allemande de se lancer récemment dans la grande aventure du commerce on line. Depuis près de deux cents ans, les détenus du pénitencier de Tegel confectionnent en effet des tee-shirts, des pantalons et des vestes. Mais, jusqu’en 2003, ces vêtements utilitaires étaient exclusivement réservés aux prisonniers. Et puis vint cette idée lumineuse : pourquoi ne pas vendre sur Internet le fruit de ce savoir-faire  » emprisonné  » ? Pourquoi ne pas sensibiliser les consommateurs en liberté et créer carrément une marque qui jouerait sur la corde sensible de la compassion carcérale ? Bingo : la griffe Haeftling (qui veut dire détenu en allemand) a finalement vu le jour et atteint aujourd’hui les sphères de la  » hype  » ! Car les vêtements disponibles sur www.haeftling.de sont non seulement esthétiques et habilement confectionnés, mais ils dégagent surtout une petite odeur de soufre qui navigue entre crime et commerce équitable. Toute la polémique est évidemment là : certes, les tee-shirts et les pantalons  » made in prison  » occupent des hommes probablement désireux de se réinsérer dans la société, mais ils sont surtout cousus par les mains de détenus qui ont été condamnés pour vols, viols et meurtres. Autrement dit, il y a désormais les pour et les contre Haeftling : ceux qui refusent de porter les vêtements tissés par des criminels sans scrupule et ceux qui, au contraire, mettent un point d’honneur à soutenir des travailleurs incarcérés qui ont envie de retrouver le droit chemin. Quel que soit le jugement de valeur, une chose est sûre : ces habits-là ne sont pas faits par des enfants du tiers-monde pour un salaire de misère. Ils sont réalisés par des personnes traitées avec dignité et vendues dans le but manifeste d’aller vers un mieux-être. Une partie de l’argent des ventes revient en effet aux principaux intéressés ; une autre est investie dans la rénovation des prisons et un pourcentage sert enfin à financer la machine marketing. Car il faut maintenir le buzz  » humanitaire « , bien évidemment.

Frédéric Brébant

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