Certains crieront sans doute à la dérive masculiniste. Et, au premier abord, on peut les comprendre : parler de it girls comme on parle de it bags et mettre ainsi des filles (certes branchées) et leurs sacs (certes fétiches) dans le même panier, ça peut sembler réac. Pourquoi pas, tant qu’on y est, qualifier ces demoiselles de  » slim  » ou de  » baggy « , comme les jeans, selon la morphologie de leurs fesses ? Dézippons donc tout de suite : si les deux termes font partie du vocabulaire fashion, le sulfureux préfixe a d’abord concerné les femmes avant de contaminer à peu près tous les accessoires de leur vestiaire. Et non l’inverse.

En plus, c’est une lady qui, la première, parle de it girl, dès 1927. Elinor Glyn évoque alors Clara Bow, l’actrice principale de son filmà It. Selon la romancière et scénariste britannique, Clara et les personnes de sa trempe  » attirent toutes les autres par leur force magnétique « . Elle précise d’emblée qu’il peut s’agir  » tant d’une qualité de l’esprit que d’une attirance physique  » ( lire en pages 18 à 21). Rangez donc, chers lecteurs tentés de nous envoyer un courrier gratiné, votre plume vindicative et votre indignation.

D’autant que les principales intéressées, loin de s’offusquer de ce statut façonné sur leur seul paraître, le revendiquent, en usent et en abusent parfois. Logique : c’est lui qui leur permet de focaliser l’attention des médias. Plus ces Chloë Sevigny, Alice Dellal, Alexa Chung et autres dignes héritières de Kate Moss adoptent une attitude transgressive – dans la mesure du politiquement correct -, plus elles prennent de place dans la presse, plus on veut leur ressembler. Donc acheter ce qu’elles portent.

 » La mode est devenue une pratique de la mise en scène de soi à la télévision, au cinéma, dans le stade, dans la chanson. La totalité de la mode est une industrie du spectacle, associée à la publicité et au cinéma « , résume Marie-José Mondzain dans La Mode, paru en octobre dernier chez Bayard. Pour la philosophe spécialiste de l’image,  » le monde du spectacle produit la mode et la mode en retour produit l’illusion de faire partie du monde du spectacle « . Être it ? La parade ultime.

Delphine Kindermans Rédactrice en chef

Le sulfureux préfixe a d’abord concerné les femmes avant de contaminer à peu près tous les accessoires de leur vestiaire.

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