Curiosité, désir, envie : jamais un avion n’avait généré autant de sentiments que ce géant des airs. Je l’ai testé sur la ligne Paris-New York avec Air France. Verdict : que du bonheur !

Il faut bien l’avouer : il y a dix ans, l’annonce par Airbus de la production d’un avion capable de transporter près de 800 passagers ne m’avait pas emplie de joie. Les raisons étaient multiples : claustrophobie, peur d’être perdue dans une foule de voyageurs hystériques et surtout crainte d’être à l’étroit durant des heuresà L’incapacité technique de Bruxelles-National à pouvoir l’accueillir sur ses pistes m’avait alors fait pousser un soupir de soulagement.

J’ai revu mon jugement devant l’incroyable – et positif – buzz que l’Airbus A 380 suscite et j’ai décidé de relever le défi du test. Dans mon entourage, les envieux se sont vite montrés nombreux. Plus encore qu’un avion privé de trois places, l’Airbus A 380 fait visiblement fantasmer. Agréable sentiment d’être élue parmi les happy fewà Après Singapore Airlines (10 A 380 ), Emirates (5) et Qantas (4), il a fallu attendre le 23 novembre dernier pour qu’Air France, première compagnie aérienne européenne, prenne possession de ce nouveau bijou.

Le premier vol commercial assure la liaison quotidienne Paris-New York. Pourquoi New York ?  » C’est sur cette ligne qu’Air France lance tous ses nouveaux avions, affirme un membre du personnel navigant. Rien d’exceptionnel à celaà  » Va pour New York, alorsà

Premières impressions

12 h 30 – 13 h 30 : mesures de sécurité renforcées pour les Etats-Unis oblige, la fouille des passagers prend une bonne heure. Sur cinq rangées, des vigiles fouillent les bagages de chacune des 538 personnes de ce vol du 12 janvier. Résultat : les bouteilles et les paquets de vivres déjà ouverts sont confisqués. Un malheureux étudiant retournant aux Etats-Unis réussit, après discussion avec la sécurité, à sauver ses biscuits età son reblochon. De palabres en fouilles, une heure de retard sur le départ initialement fixé à 13 h 15à Le temps d’admirer par la baie vitrée le museau large et blanc, bardé de toutes petites fenêtres, du cockpit de l’A 380. Tellement minuscules que l’on distingue à peine les pilotes. Et eux ? Voient-ils suffisamment l’horizon pour nous mener à bon port ? Je me rassure en me disant que cet avion doit être farci d’électronique.

13 h 30. Enfin, j’accède à l’une des passerelles qui me conduit directement dans le ventre de l’appareil. Une pour le rez-de-chaussée de l’avion qui peut accueillir 343 passagers et une autre pour l’Upper deck offrant 200 places.

13 h 35. Enfer et damnation : la place que le PR m’a attribuée se trouve dans la deuxième cabine Economy tout au fond, contre une paroi et dans une rangée du milieu. Soit dans la deuxième des trois cabines comprenant 121 comparses. Le pont  » supérieur « , lui, compte une seule cabine Economy de  » seulement  » 106 places et une cabine de 80 passagers Business.

Déjà, j’envie l’espace des Business. Ah ! Pouvoir s’étendre dans un large fauteuil individuel, bien enveloppée dans une douce couverture avec un verre de champagneà Car ma première sensation est qu’il y a beaucoup de monde. Les rangées de dix sièges de front sont tout sauf intimes. Installée, je dois pourtant reconnaître que les sièges sont confortables, plus larges que la moyenne et l’espace aux jambes plus important que sur un autre porteur. Les rangements au-dessus de la tête sont aussi plus profonds avec, dans chacun d’eux, un miroir pour visualiser le fond. Ici, pas de batailles sournoises pour caser ses sacs et valises.

Chaque siège est équipé d’un petit écran où l’on peut suivre films récents, feuilletons ( Gossip Girl ou Sex and the City), jeux, progression de l’appareil vers New York au moyen d’une carte et d’images prises par des caméras fixées sur la queue de l’appareil. De quoi divertir les passagers, leur évitant sans doute d’avoir trop la bougeotte. Les mouvements dans la cabine sont dès lors plus fluidesà Les passagers sont finalement disciplinés, pris en main gentiment mais fermement par un personnel de cabine stylé.

Petit conseil : si vous avez le choix, privilégiez les sièges près des hublots qui disposent d’un rangement pour livres et magazines.

Prêt pour l’envol

14 heures. La voix du commandant Mercier retentit. Le départ est imminent et, juré, on va rattraper notre retard. Les 22 stewards et hôtesses de l’air s’appliquent dès lors à suivre les man£uvres de sécurité prévues. L’enregistreur dispensant les consignes de sécurité ne veut pas démarrer ? Vite, un manuel papier, un micro et un steward prennent le relais. Entre deux cabines, un chariot de boissons refuse de s’arrimer dans ses plots pour le décollage : à nouvel avion, nouveaux réflexesà

14 h 10. Autre moyen de tuer le temps avant le décollage : suivre la progression de l’A 380 sur la piste. Trois caméras, une dans la queue, une en dessous du corps de l’appareil et une en dessous du cockpit, permettent de suivre la progression de l’avion. Inutile pourtant de rêver de voir Paris ou New York : par mesure de sécurité, le survol des villes est zappé.

L’Airbus, gros cylindre blanc doté d’ailes énormes semble se traîner sur terre. Cherche-t-il une piste bien spécifique ? Non, nous assure-t-on, le décollage et l’atterrissage ne nécessitent pas d’infrastructure spéciale. Surprise quand il s’élance car le bruit des moteurs est remarquablement filtré et ce gros insecte maladroit sur la piste se révèle extraordinairement stable. Pour rassurer les passagers, l’ambiance lumineuse évolue au cours de la montée, passant du rose pastel au bleu. Même pas peur ! Et plutôt rassurée par sa parfaite stabilité.

Vitesse de croisière

16 heures. 7 h 05 de vol, 538 passagers, 22 membres d’équipage et 2 pilotes. Le calcul est vite fait : on ne chôme pas dans les cabines et les cuisines. Les plateaux repas virevoltent de gauche à droiteà Pour autant, les hôtesses n’oublient pas les commandes particulières (menu kacher, végétarienà).

17 heures. Journaux et magazines à profusion et petit écran avec jeux et films font passer le temps. À mes côtés, une Américaine glousse bruyamment devant un filmà Sa joie est communicative. En fermant les yeux, je pourrais m’imaginer dans un train, les moteurs sont extraordinairement silencieux et les turbulences à peine perceptibles. Et pour la première fois depuis des années, je m’endors dans un avion tellement la cabine est supercalme.

19 heures (heure de Paris). Peu avant l’arrivée à New York, le chef de cabine Patrick Nguyen m’entraîne dans la visite complète de l’A 380. Direction l’avant de l’appareil et la Première Classe où neuf personnes me regardent passer d’un £il blasé. Les confortables sièges en cuir se parent d’un curieux jaune canari. Le must : un  » boudoir  » particulier – avec vue sur le ciel, aux étagères croulant sous les produits de beauté – permet de se changer, se rafraîchir et enfiler un pyjama Air France. De la cabine des First, un escalier central, digne d’un paquebot de luxe et au tapis feutré, assure le passage de la First vers la Business où se côtoient par six de front quelque 80 personnes. Je vois qu’il reste quelques places libresà et moi, et moi et moi ? Mais le chef de cabine m’emmène bien vite vers la deuxième cabine Economy où, au fond, un escalier en spirale, moins prestigieux, me permet de rejoindre ma place. Grave moment de solitude et d’envie.

New York, New York

15 h 35 Atterrissage tout en douceur à New York. Si les formalités de départ ont pris du retard, l’A 380 atteint effectivement New York à l’heure. Les man£uvres pour le débarquement nécessitent cependant 15 minutes. Dieu que ces passerelles sont lentes à s’arrimerà et ne parlons pas des procédures qui doivent être effectuées pour passer l’immigration américaine. Résultat : arrivée sur le sol new-yorkais à 15 h 35, il ne faudra pas moins de 1 h 30 pour, enfin, récupérer mon bagage.

Avant le débarquement, petite faveur. Le chef de cabine m’emmène dans le cockpit cosy et bourré d’électronique. Pour le commandant Mercier, piloter l’A 380 est en effet une consécration : il fait partie des 30 pilotes sélectionnés sur les 4 400 d’Air France. A six ans de la retraite, il est heureux de terminer sa carrière aux commandes de ce bel appareil.

En conclusion : l’Airbus A 380 est sans aucun doute l’une des plus belles réalisations de l’aérospatiale européenne mais les formalités de sécurité, à Paris et à New York, restent toujours affreusement lentes. Jusqu’ ici personne, hélas, n’a encore trouvé le moyen de faire progresser une foule de 538 passagers à la vitesse d’un Airbus A 380. n

PAR CHANTAL PIRET

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