Maîtresse (l’espace d’un film) d’un jeune éphèbe, Andie McDowell célèbre le droit des femmes à jouir de l’existence sans craindre le regard d’autrui. Rencontre avec une quadra very sexy.

Le personnage de Kate dans  » Crush  » est réjouissant. Cette préfète d’une école traditionnelle en Angleterre profonde aborde la quarantaine de manière aussi respectable que solitaire. Avec deux amies, elles aussi désertées par l’amour, elle affecte de s’en amuser, un bon verre de vin à l’appui. Mais sous l’ironie et la dérision, le coeur est de moins en moins à rire. Un jour, Kate surprendra tout son monde en s’affichant au bras d’un beau jeune homme d’à peine 25 ans, un ancien élève rencontré… dans un édifice religieux dont le caractère sacré n’a pas empêché les amants de se livrer à d’excitantes galipettes! Pour ses amies, la surprise est totale. Pour la société, le choc est intense. Andie McDowell s’est visiblement amusée à incarner Kate, la  » scandaleuse  » du film de John McKay. Sa prestation dans  » Crush  » est un bonheur à savourer d’autant que le film lui-même a l’humour communicatif. Tout en offrant, sous la surface comique, matière à réflexion quant à la prison que représente encore, pour beaucoup de femmes, le regard des autres. Hymne à la liberté (notamment sexuelle) des quadragénaires,  » Crush  » offre son meilleur rôle depuis longtemps à la belle et intelligente actrice. Rencontrée chez L’Oréal, dont elle est le plus célèbre visage, celle que Steven Soderbergh révéla vraiment dans  » Sexe, mensonges et vidéo  » nous a reçu sous un joli Picasso tardif, un châle fuchsia posé sur les épaules, pieds nus et en blue-jeans, ses longs cheveux encadrant idéalement un visage toujours aussi captivant.

Weekend Le Vif/L’Express: Pour signer une performance aussi libérée que celle-ci, vous faut-il faire taire certaines inhibitions?

Andie McDowell: C’est toujours un peu dur. J’ai vaincu pas mal de ces inhibitions mais pas toutes, et pas de manière définitive. Cela me met encore très mal à l’aise de me voir jambes en l’air sur l’écran, occupée à me faire culbuter sur une pierre tombale comme c’est le cas dans  » Crush  » (rire)! Visuellement, c’est de toute évidence une image choquante, et je suis mortifiée d’en être la protagoniste. Mais, au tournage, il y avait beaucoup de respect, d’attention, et aucun regard ambigu. Cela dit, ça reste embarrassant quand je me vois comme ça… Mais le rôle est formidable et je me dis, dès lors, que ça valait la peine!

Vous êtes une des rares actrices qui allie la beauté physique et le goût de faire rire même jusqu’au franc burlesque. La plupart du temps, au cinéma, on est soit belle, soit rigolote.

C’est vrai. Est-ce dû aux actrices elles-mêmes, qui craindraient d’abîmer leur image en paraissant ridicule? Ou alors plutôt à l’industrie du film, qui a toujours tendance à vous ranger dans une catégorie? Un peu des deux, sans doute. Moi, j’ai toujours aimé rire et faire rire. Pour autant qu’il y ait, derrière les gags, un peu au moins de cet esprit romantique que j’ai ancré en moi et que je cherche à retrouver dans les films qu’on me propose. Dans le drame (genre  » Harrison’s Flowers « ) comme dans la comédie, il doit y avoir pour moi un fond de romantisme…

Quelle est votre définition du romantisme? A Hollywood, on réduit volontiers le concept à une mielleuse tendance à la nunucherie amoureuse…

Je n’ai pas de définition mais des sentiments qui me portent à trouver la poésie romantique, les fleurs aussi, et le fait que quelqu’un vous consacre une attention particulière, qu’il vous dédie ses pensées, qu’il les mette ensuite en pratique juste pour vous. Je suis très sensible à cela, peut-être parfois jusqu’à la nunucherie à laquelle vous faisiez allusion (rire). Il peut y avoir du romantisme ailleurs que dans l’amour. J’en ai connu dans l’amitié, aussi.

Comprenez-vous ces femmes décrites par  » Crush « , la quarantaine et du succès professionnel mais pas ou presque pas de vie affective, qui affectent d’en rire et trouvent le réconfort dans leur amitié?

Mon parcours est bien sûr quelque peu différent. Mais je les comprends, bien sûr. Vous savez, une fois la quarantaine entamée, beaucoup de gens (parmi les hommes comme parmi les femmes) se posent des questions et cherchent  » autre chose « , sentimentalement ou sexuellement parlant. Un certain nombre d’entre eux ne vivent pas seuls, ont une famille, et se posent néanmoins ces questions. Cela aurait plus à voir avec l’âge qu’avec la situation familiale et affective.

Il reste une différence, et elle est majeure. Un homme d’âge mûr qui s’affiche avec une très jeune femme ne subira pas le regard de reproche qui vise presque automatiquement une femme du même âge qui prend un jeune amant…

C’est un des domaines où il n’y a pas encore d’égalité entre les sexes. Vous savez, cela ne fait pas si longtemps que nous autres femmes avons le droit de voter. Et auparavant beaucoup de femmes acceptaient sans trop râler de ne pas pouvoir le faire. Aujourd’hui, beaucoup de femmes portent elles-mêmes un regard très critique sur l’une d’entre nous qui prendrait un jeune homme pour amant. Ce faisant, elles entérinent elles-mêmes l’inégalité dont nous sommes victimes dans le regard, sinon dans les faits. Moi, dans la quarantaine, je me sens aussi sexy qu’un homme de mon âge! Je trouve absolument stupide qu’on puisse accréditer l’idée qu’un homme conserve une capacité de séduction plus grande tout juste parce qu’il est un homme! Il serait donc normal qu’une jeune fille puisse désirer un homme mûr, et forcément louche qu’il en aille de même pour un jeune homme vis-à-vis d’une femme mûre? Cela revient au même que de trouver normal que les hommes puissent voter et les femmes non!

Quelle serait votre définition de  » sexy « ?

D’évidence qui attise le désir. Mais pas forcément en cherchant à le faire. Vous pouvez  » faire sexy  » en travaillant la chose, ou  » être sexy  » sans rien faire pour. Je dis aux gens jaloux qui s’inquiéteraient de l’infidélité potentielle de leur partenaire de réaliser ceci: le vrai danger ne vient pas des femmes ou des hommes ouvertement sexy, cherchant visiblement à séduire, il réside bien plus dans celles et ceux qui ne semblent pas accorder la moindre importance à la chose…

Vous verra-t-on un jour au bras d’un jeune homme comme celui de  » Crush « ?

Ça n’est jamais arrivé et je doute fort que ça se produise un jour. Il se trouve que j’aime les mecs de mon âge. Et puis, j’ai un fils de 14 ans. Alors quand de tout jeunes gars me font du gringue, je m’exclame:  » Mais que fichez-vous donc? Vous êtes fou? Arrêtez ça tout de suite!  » (rire). Je suis très flattée de leur intérêt, en fait. C’est intéressant et très bon pour mon égo. Mais je ne trouve pas la situation appropriée. Pas seulement à cause de mon fils. Je ne trouve pas forcément génial non plus qu’un mec drague une gamine qui pourrait largement être sa fille. J’ai l’impression qu’en s’imposant à un tout jeune être, on lui vole forcément quelque chose…

Quel rapport entretenez-vous avec des images de vous qui sont utilisées par la publicité, placardées dans le monde entier dans des formats géants?

Je m’y suis habituée. Cela fait déjà longtemps que cette réalité existe. Au début, c’était très impressionnant, et bizarre à la fois, de regarder par exemple par la fenêtre de ma chambre d’hôtel et de découvrir mon visage haut de deux étages sur le bâtiment d’en face… Aujourd’hui, je n’y pense plus. Cela fait juste partie de ce que je fais, des choix que j’ai posés dans le cadre de ma carrière. C’est mon job!

Des images en mouvement du cinéma et des images fixes de la photographie, lesquelles vous semblent-elles les plus révélatrices?

Les deux sont révélatrices. La photographie fixe comme un arrêt sur image une expression que l’on n’aurait pas forcément relevée dans le mouvement. Le cinéma, lui, met en jeu le corps, qui est lui-même en soi très révélateur de la personne que vous êtes. Mais le vrai pouvoir révélateur de la photo, celui qui compte vraiment, c’est quand elle nous ramène la vérité des gens frappés par une guerre, une catastrophe. Ce type de témoignage rend bien futile le travail, même superbe, qui prend pour objet le visage de femmes idéalement maquillées…

Propos recueillis par Louis Danvers

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