Après  » Le Roi danse  » et  » La pianiste « , Benoît Magimel se lance – avec  » Nid de guêpes  » – dans le film d’action. De quoi enrichir d’une prestation musclée un parcours déjà foisonnant.

Vous souvenez-vous de Momo Groseille? Mais oui, l’irrésistible petit héros de  » La vie est un long fleuve tranquille « , le film vachard et hilarant de Chatiliez. Le revoyez-vous, Momo, le fiston de la famille populo, confronté aux belles manières coincées des bourgeois Duquennoy? Eh bien, c’était Benoît Magimel, le jeune acteur épatant du  » Roi danse  » et de  » La Pianiste « . A l’époque, il n’avait que 12 ans. Il avait répondu à une annonce de casting et bingo! Rien pourtant ne le prédestinait à devenir acteur, lui dont la mère était infirmière et le père employé de banque.

Emballé par l’univers du cinéma, Benoît quitta les études à 16 ans pour se consacrer à l’écran. On le vit (furtivement) dans  » La Haine  » de Mathieu Kassovitz et  » Les Voleurs  » d’André Téchiné. Remarquable et remarqué en fiancé de Virginie Ledoyen dans  » La Fille seule  » d’un autre Benoît, Jacquot, il fut le Musset des  » Enfants du siècle « , de Diane Kurys (un tournage au cours duquel sa partenaire, la frémissante Juliette Binoche, allait devenir sa compagne de vie : ils ont une fille ensemble). On connaît la suite, avec le rôle de Louis XIV dans  » Le Roi danse « , de Gérard Corbiau, celui d’un jeune homme séduisant une femme mûre (Nathalie Baye) par vengeance dans  » Selon Matthieu « , de Xavier Beauvois, et surtout celui du jeune étudiant confronté aux fantasmes sadomasochistes de sa prof de piano dans  » La Pianiste « , de Michael Hanecke (Benoît Magimel et Isabelle Huppert reçurent ensemble le prix d’interprétation au dernier Festival de Cannes pour leur prestation superbe dans ce film difficile).

A presque 28 ans, l’ex-Momo Groseille est en train de devenir une valeur sûre du cinéma français. Mais si les plus grands le sollicitent désormais, Benoît est un homme d’amitié, de fidélité. C’est ainsi qu’il tient un rôle de délinquant des cités dans  » Nid de guêpes « , la seconde réalisation du jeune Florent-Emilio Siri qui lui avait confié un personnage de mineur d’origine polonaise dans  » Une minute de silence « , son premier long-métrage.  » Nid de guêpes  » est le premier film d’action de Magimel. On l’y voit affronter, en compagnie de Samy Naceri et de Nadia Farès, des truands albanais sanguinaires dans un huis clos violent, qui n’apportera pas grand-chose à sa filmographie. Mais Magimel ne veut pas brider ses désirs d’acteur, ni ses engouements personnels. Ce jeune homme d’un abord calme mais tendu (à la De Niro), rebelle aux déballages personnels, possède une détermination qui devrait mener son talent indéniable, son charme viril, vers une carrière de tout premier plan.

Weekend Le Vif/L’Express: En trois films, vous venez d’incarner successivement un roi de France, un étudiant viennois et un délinquant des cités. On ne fait guère mieux, dans le grand écart social…

Benoît Magimel: J’adore ça, passer de milieu en milieu. C’est drôle, parce que c’était déjà le sujet de  » La vie est un long fleuve tranquille « : l’opposition d’un milieu bourgeois friqué et d’un autre limite quart-monde… avec moi passant de l’un à l’autre ( rire)! L’année la plus chouette, dans le genre, ce fut celle de mes 18 ans. C’était après  » Les Voleurs  » de Téchiné et on me proposait beaucoup de rôles similaires, que je refusais tous. Pendant un an, je n’ai donc pas travaillé. Puis on m’a proposé  » Déjà mort « , où j’incarnais un gosse de riche sur la Côte d’Azur, et juste après  » Une minute de silence « , un film sur l’amitié situé chez les mineurs de fond de l’est de la France. En quatre mois, je suis passé de la vie facile au soleil au fond d’une mine de charbon! Je n’avais jamais été aussi heureux d’avoir choisi ce métier. Aussi jeune que j’ai pu poser ce choix, j’étais bien décidé à ne pas me laisser enfermer dans une case, avec une étiquette dessus. Parce que c’est ce qui arrive, dans ce milieu du cinéma. On dit que ça a changé mais c’est faux: on vous demande toujours de refaire ce que vous avez déjà fait. Pour un jeune, c’est piégeant. Parce qu’évidemment on cherche du travail et on a donc tendance à dire oui alors qu’on devrait dire non. Avant longtemps on est classé, catalogué, foutu. Mais savoir dire non, et s’échapper des clichés, c’est le bonheur! Le bonheur dans la liberté. Je ne m’interdis rien!

On vous a parfois perçu comme un enfant prodige. L’étiez-vous?

J’étais juste un gamin qui s’amusait comme un fou et qui croyait rêver, d’être là sur un plateau de cinéma. Je ne ressentais pas de pression, mais au contraire une liberté enivrante. J’avais envie, je ne me sentais pas obligé. Tout à fait le contraire de l’école. Là, je n’avais pas trop envie, et les contraintes me pesaient…

Quitter les études à 16 ans n’a donc pas dû être une décision trop difficile à prendre?

Non. J’avais la certitude de vouloir faire ce métier d’acteur. Alors, pourquoi attendre? 16 ans, c’est l’âge où une majorité d’adolescents dans le monde entier est déjà au travail. Je savais ce que je voulais faire, je pensais aussi fermement que j’en étais capable. Et avec un peu de chance, je pouvais gagner assez rapidement ma vie. Pas de quoi hésiter beaucoup, quand vous n’êtes pas fait pour les études (rire)!

Votre nouveau film  » Nid de guêpes  » vous plonge dans le cinéma d’action violent…

J’avais très envie. En fait, c’est le cinéma dans lequel j’ai grandi, en tant que jeune spectateur. Le cinéma de genre américain, j’y ai baigné depuis que je vais voir des films. Depuis tout petit, je rêvais d’être dans un western ou un polar. C’est chose faite!

La violence débridée ne vous incite-t-elle pas à la réflexion?

Oui, bien sûr. Il y a de grands débats là-dessus. Michael Hanecke a de fortes idées à ce propos. Il dénonce le fait que beaucoup de gens, de jeunes notamment, prennent la violence pour un jeu. C’est vrai qu’il y a là un danger. Dans  » Nid de guêpes « , j’ai voulu exprimer le trouble qui saisit ce jeune gars certes délinquant mais qui n’a jamais pu mesurer ce que c’est réellement de voir mourir un homme, encore moins ce que c’est d’en tuer un soi-même… Je ne veux pas idéaliser un comportement violent. Je montre la peur, les contradictions, la douleur. Les mômes qui se croient tout-puissants grâce à la violence, tôt ou tard, rencontrent la peur, réalisent que ce n’est pas aussi simple que ça, de tuer quelqu’un… Je n’oublierai jamais, dans  » Le Deuxième Souffle  » de Melville, la scène où Lino Ventura doit régler son compte à un type. Voir tout à coup sa peur, son sentiment de culpabilité, c’était une révélation…

Ventura jouait les durs, mais il se méfiait des scènes d’amour. Il n’était pas question pour un réalisateur de lui demander d’embrasser une femme…

(Rire.) Je sais. Il y a cette anecdote fameuse où il se retrouve sur un quai de gare, pour un tournage, et le réalisateur lui demande d’embrasser sa partenaire (une actrice italienne). Il a été très mal… J’adore Ventura. C’est un acteur formidable, et en plus un homme d’une grande honnêteté. Cela dit, moi j’embrasse. J’ai même déjà beaucoup embrassé, au cinéma. Celui qui dirait qu’il ne veut pas embrasser, ou même jouer une scène d’amour physique, n’aurait aujourd’hui que très peu de chance de travailler (rire)! Cela étant, je suis personnellement quelqu’un de pudique. La nudité au cinéma me gêne quand elle est balancée comme ça, quand elle n’est pas au service d’une histoire. Voir comme dans plein de films des gens sortir de leur lit à poil pour aller prendre une douche ou se faire un café, je n’ai jamais trouvé ça séduisant. Même quand c’était de jolies femmes.

La nudité n’est-elle pas pour vous excitante en soi?

Pour qu’il y ait érotisme, il faut qu’il y ait une histoire. Regardez ce que Chéreau a fait avec  » Intimité « . C’est magnifique, et c’est admirablement filmé. Moi, je n’ai pas de tabou. S’il y a une histoire prenante, on peut me demander presque tout. Sauf bien sûr ce que je ne sais pas faire. Comme avoir une érection devant une caméra. D’autres acteurs y arrivent sans problème, mais moi, je ne peux pas (rire)

Propos recueillis par Louis Danvers

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