C’est l’année Mélanie. Celle où la comédienne a tout osé et tout réussi : maîtresse de cérémonie inattendue au dernier Festival de Cannes, interprète d’un album salué par la critique, réalisatrice d’un premier film intimiste, Les Adoptés. Et 2011 finit pour elle en beauté : elle est la nouvelle égérie d’Hypnotic Poison de Dior. Interview d’une jeune femme libre qui poursuit une route que rien n’entrave.

Les premiers films sont souvent des auto-fictions, mais pas le vôtre, Les Adoptés (*). Vous y racontez le parcours de deux s£urs interprétées par Marie Denarnaud et vous-même. À la suite d’un accident de voiture, le personnage de Marie sombre dans le coma. Quel a été le point de départ de ce scénario grave et singulier ?

Je voulais écrire une histoire qui ne me renverrait pas à moi-même. J’ai pensé à mille sujets et, en discutant avec une copine, cette idée a jailli :  » Et si c’étaient deux amies dont l’une tombait dans le coma !  » Voilà. J’ai eu très envie de filmer une absence, de montrer des personnages figés dans l’attente. De raconter comment, lorsque deux personnes sont liées et que l’une s’efface, l’autre grandit dans le silence. C’est aussi un film de femmes construit du point de vue des héroïnes mais qui bascule à la fin dans un monde masculin. D’ailleurs, j’ai retranscrit beaucoup de moi dans le héros : je suis très girly mais j’ai beaucoup d’amis garçons.

Votre album, En t’attendant, parlait de vous à c£ur ouvert. Est- ce que l’on vous connaîtra encore mieux après avoir vu ce film ?

Le disque me dévoilait tout entière, car je ne pouvais pas envisager de chanter des chansons impersonnelles… Si le film Les Adoptés touche, c’est que l’on est entré dans mon univers, que l’on a compris le regard optimiste que je porte sur l’existence. C’est un sujet grave mais la vie triomphe. Alors oui, on en apprendra plus sur moi.

Et vous, que vous a appris cette expérience de la mise en scène ?

Que tout passe par le caractère. J’avais en tête un tournage idyllique. Je voulais remercier tout le monde tous les jours. Finir à l’heure chaque soir pour prouver que je savais ce que je filmais. Tout s’est passé ainsi. J’ai tellement aimé cette ambiance. On était à la montagne et les gens dînaient ensemble, dansaient, chantaient. Moi, je fonçais dans ma chambre visionner les rushes jusqu’à deux heures du matin en écoutant Chopin à fond, seule.

Depuis le début de 2011, vous êtes sur tous les fronts. On a l’impression que vous fonctionnez par  » cap ou pas cap  » ?

Oui, un peu… Oui, c’est vrai. C’est une année où j’ai accumulé trop de challenges, j’ai eu la boule au ventre tout le temps. J’ai fait un break de deux mois cet été qui a été salutaire et révélateur. Ne plus m’écouter parler. Me recentrer. Faire le point. Je suis passée par des phases de grand rejet. Je me suis revue bouger tous ces derniers mois, me confronter à tout et à n’importe quoi. S’exposer ainsi à outrance, c’est suicidaire. Moi, je suis heureuse quand j’écris, quand je suis sur un plateau en tant qu’actrice ou réalisatrice… À la fois, personne ne m’avait mis la pression, je me lance moi-même des défis.

Si c’était à refaire ?

Je le referais. Je ne regrette jamais rien. Il fallait sans doute que je passe par cette étape. J’ai entrepris autant de choses parce que je m’ennuie facilement. J’ai une vraie angoisse du temps qui passe. Ce n’est pas la peur de vieillir. Ce qui me stresse, c’est de voir le temps filer trop vite.

Vous évoquez souvent vos insomnies. Est-ce une façon de prolonger le jour ?

Oui, ainsi les journées sont plus longues. La nuit, j’écris beaucoup, des cahiers sont éparpillés sur mon lit. Je finis bien par éteindre mais si j’ai une idée, c’est fichu. Je rallume… Pendant longtemps, je n’ai pas aimé le soir. Je m’ennuyais avec moi-même. Je sortais tout le temps. Depuis trois ans, j’ai arrêté d’être dépendante des réactions des autres, du passionnel, du compliqué, du drame. J’ai fait un travail énorme mais utile sur moi. J’ai l’impression d’avoir commencé une autre vie.

Quel a été le déclic ?

Je suis partie d’une relation. J’ai appris à être seule, à mettre mon énergie dans le travail d’une manière agréable et concrète, le jour et donc la nuit, d’où peut-être cette hyperactivité dont vous parliez. En écrivant, en réfléchissant, en créant, je me sens mieux à tous les niveaux. Et même physiquement : j’ai une plus belle peau, je ne fais plus le yo-yo au niveau du poids. Tout a changé.

Vous êtes la nouvelle égérie d’Hypnotic Poison. La marque Dior vous a choisie pour  » votre regard, votre personnalité, vos choix audacieux… « . Que pensez-vous de ces qualificatifs ?

Cela signifie que les égéries sont aussi élues pour leur personnalité et pas seulement comme mannequin. J’avais eu auparavant d’autres propositions que je n’avais pas acceptées. Une telle collaboration est importante dans la vie d’une actrice. Moi, je passe de moments de doute extrême à une grande confiance en moi. Ce sont les montagnes russes. Je suis quelqu’un de très impatient, de très instinctif. Je sais au fond de moi quand je suis prête à endosser certains rôles. Mais la démarche vient souvent des autres. Ça doit se ressentir que j’ai grandi, que j’ai mûri. Quand la collaboration avec Dior s’est concrétisée, j’ai eu l’impression d’avoir été engagée dans un film au casting prestigieux. Mon nom allait être à côté de ceux d’Isabelle Adjani, Milla Jovovich, Monica Bellucci… J’ai ressenti la même excitation lorsque Quentin Tarantino m’a annoncé :  » C’est toi qui joues avec Brad Pitt. « 

Ce jeu de la séduction reste ludique ?

Oui, oui, c’est un vrai jeu, c’est très agréable. Je n’ai pas interprété tant de rôles de femmes fatales et je suis rarement dans les magazines en tant qu’icône de mode. Tout d’un coup, quelque chose d’évident s’est installé et il fallait que cela le devienne pour moi. Par exemple, durant la séance photo de la campagne publicitaire, j’avais un très gros trac. Les photos de mode en général, cela va vite. Il y a des looks différents, et puis on cherche à retrouver l’actrice que je suis dans le film dont je fais la promo, glamour ou naturelle. Là, je devais incarner la représentation du fatal, de l’hypnotique. J’étais très impressionnée. Au moment du clic, il fallait tout donner dans le regard. J’étais un objet distancié. J’ai été spectatrice du travail des photographes Mert & Marcus tout en étant au c£ur de la séance. Et comme je suis curieuse de tout, l’approche technique m’a passionnée. C’est un travail de mise en scène, du cadre, de la lumière.

Alors, cap de vous mettre à la photo ?

Ne me lancez pas là-dessus ! Ne me lancez pas ! Oui, j’adorerais. Plus tard… un jour.

(*) Les Adoptés, de et avec Mélanie Laurent. Sortie le 7 décembre prochain.

PAR GILLES MÉDIONI

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