Oups, you did it again. La pause shopping s’est transformée en véritable razzia : vous avez fait mieux que Pretty Woman et Sarah Jessica Parker réunies. Sauf que votre sourire de satisfaction a vite fait place à un sentiment de culpabilité. Et si vous souffriez de shopaholisme ?

Pourquoi, quand Sophie Kinsella raconte dans ses romans les aventures d’une accro du shopping, tout le monde se marre, mais lorsque la version vivante rentre à la maison avec une nouvelle paire d’escarpins, son mec tire la tronche ? Probablement parce que c’est la quatrième paire ce mois-ci, et que le loyer, lui, n’est toujours pas payéà Et damned, cette fichue petite manie dépensière peut devenir une véritable addiction.  » Nous savons maintenant, à partir d’une étude américaine, que près de 6 % de la population serait aux prises avec un problème d’achats compulsifs. Et autant d’hommes que de femmes « , souligne Claude Boutin, psychologue clinicien et auteur de J’achète (trop) et j’aime ça ! (*).

Or, à moins d’être une héritière de la famille Frère, dépenser sans compter de façon répétée a forcément des conséquences désastreuses. Sur le compte courant, d’abord. Sur les relations, ensuite. Car après l’endettement suivent le mensonge, la honte, la culpabilité, les brouilles avec les proches, l’éclatement familial, les insomniesà Des symptômes identiques à ceux d’autres addictions tels l’alcoolisme ou les jeux de hasard. C’est d’ailleurs sur ce point que l’on distingue une fashionista d’une vraie shopaholic.  » Les signes d’un comportement compulsif se retrouvent dans la répétition des excès d’achats, même devant l’accumulation des problèmes d’argent ou relationnels, explique Claude Boutin. C’est-à-dire que malgré la volonté de diminuer ou d’arrêter de consommer pour un bout de temps, l’acheteur se voit incapable de se restreindre. Il est en perte de contrôle : il achète trop, trop souvent et il passe trop de temps au shopping. « 

Le hic, c’est que contrairement à l’alcoolisme, le shopaholisme n’est pas une addiction prise au sérieux.  » Si l’alcoolique est considéré comme étant malade, l’acheteur compulsif est perçu comme un bon vivant, poursuit l’expert. De plus, l’acheteur compulsif améliore son apparence avec la dégradation de sa compulsion. Ce qui n’est pas le cas chez l’alcoolique ou le joueur. L’acheteur a l’air d’un king ! « 

Naissance d’une accro du shopping

Comment une petite manie peut-elle virer à la véritable obsession ?  » Le développement d’une dépendance a plusieurs facteurs associés, avance Claude Boutin. Il peut s’agir du modèle reçu de ses parents, d’une enfance marquée par la honte de ne pouvoir s’offrir ce que les autres ont, d’un déficit en dopamine que les achats combleraient momentanément, d’une faible estime de soi, d’un trop grand perfectionnisme, d’une humeur dépressive ou anxieuse qu’on tente de calmer par l’achat, etc. Le facteur le plus fortement associé à l’achat compulsif étant l’adhésion à des valeurs matérialistes : croire que le bonheur se retrouve dans les biens consommés. Bref croire faussement que le bonheur s’achète ! « 

Derrière ce besoin irrépressible d’acheter se cache donc en réalité d’autres manques, plus profonds. Dans son livre, le psychologue dresse trois profils d’acheteuses compulsives : la sensuelle, la raffinée et l’intense. Chacune d’elles ressent une forte émotion au moment d’acheter. La sensuelle éprouve un véritable plaisir, qui peut parfois s’apparenter à l’orgasme ; la raffinée y trouve de la fierté tandis que l’intense profite via ses achats d’un moment de répit dans son sentiment d’insécurité. Plus l’émotion est ressentie physiquement, plus la personne sera amenée à reproduire son comportement d’achat afin d’éprouver une fois encore cette sensation. Démarre alors le cercle vicieux.

Hygiène de l’achat sain

Comment voir le bout du tunnel ? En adoptant une hygiène du shopping. Comme le traitement basé sur le  » ralentissement de l’acte d’achat « .  » On repose chaque article désiré sur le présentoir, sans s’interdire de l’acheter, mais en s’imposant un moment de réflexion afin de prendre une décision éclairée, suggère Claude Boutin. Avec le temps, il est à espérer que l’achat se fera moins compulsivement. « 

Toutefois, l’acte le plus important est de se débarrasser de ses cartes de crédit. Et de demander un coup de main si on ne parvient pas à s’en sortir. Les proches peuvent intervenir de plusieurs façons.  » La première, en évitant les critiques, les reproches ou la moralisation, énumère le psychologue. La deuxième, en favorisant la communication quand l’acheteur compulsif présente une émotion positive ou qu’il souhaite aborder de lui-même sa difficulté. Ensuite, en l’aidant à se fixer des limites ou à trouver un thérapeuteà tout en reconnaissant que la décision finale lui appartient, et en ne se sentant pas responsable de ses comportements. Mais attention, les proches doivent sécuriser leurs biens, idéalement ne pas prêter d’argent à l’acheteur compulsif ni le sortir du pétrin (il est bon qu’il subisse les conséquences de ses actes). Ils doivent également veiller à protéger leur propre bien-être psychologique. Il est très éprouvant, en effet, de côtoyer un acheteur compulsif qui risque parfois d’entraîner la faillite familiale. « 

Ne pas hésiter non plus à demander les conseils d’un thérapeute pour trouver des pistes de solution. Et de ne pas dramatiser les rechutes possibles.  » Si une solution a déjà fonctionné par le passé, elle le peut à nouveau : il suffit de remettre en application les stratégies efficaces apprises afin de maîtriser ses achats « , conclut Claude Boutin. La clé finalement pour s’en sortir reste la prise de conscience de son problème et de passer à l’acte pour le résoudre. Pretty Woman et Sarah Jessica Parker, prenez-en de la graineà

(*) Paru aux éditions de L’Homme, 2005.

Par Valentine Van Gestel

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