Ils ont des visages et des accents différents, mais leurs variations vestimentaires s’expriment sur un même thème : la recherche du glamour à l’américaine. Pour durer, ces nouveaux favoris de la New York Fashion Week doivent conjuguer leurs talents avec des impératifs commerciaux sans pitié.

Aux Etats-Unis, où les gloires se taillent en un coup de ciseaux, les collections des jeunes couturiers sont attendues avec autant de fièvre que celles des grands noms. Il va de soi qu’assister aux présentations des stars qu’on ne présente plus, comme Calvin Klein, Michael Kors, Narciso Rodriguez, Donna Karan ou encore Marc Jacobs est toujours un événement à ne pas manquer. Mais les fans, la presse et les célébrités sont aussi au rendez-vous des jeunes espoirs, les étoiles montantes de la mode américaine, que l’on s’arrache de New York à Hollywood, en passant par Miami.

A l’image du melting-pot qui caractérise Big Apple, ces nouveaux visages sont cosmopolites et en totale harmonie avec la culture ambiante outre-Atlantique. Alors que certains puisent leurs origines à l’étranger, comme Esteban Cortazar, Jeffrey Chow, Behnaz Sarapfour ou Derek Lam, tous s’inspirent en revanche de références bien américaines pour leur collection automnale : le style glamour, les années folles, le cinéma hollywoodien…

Quatre ans à peine après leurs débuts, les modèles de ces jeunes talents sont en devanture des plus prestigieuses adresses new-yorkaises du prêt-à-porter de luxe, comme les fameux 3 B : Bergdorf Goodman, Barney’s et Blomingdale’s. Leurs créations sont portées par les actrices en vue et par les  » socialites « , ces jeunes femmes de bonne famille dont la principale occupation est d’apparaître à la rubrique people des magazines de mode. Cette nouvelle garde est pressentie pour prendre la succession de créateurs emblématiques qui ont passé la main, comme Calvin Klein, ou de ceux qui ont disparu, comme Bill Blass et Geoffrey Beene.

Prometteurs, ces petits chouchous de la jet-set américaine et des fashionistas partagent un point commun : ils ont reçu la bénédiction d’Anna Wintour, la toute-puissante rédactrice en chef du Vogue américain, ce qui dans l’industrie de la mode équivaut à un passeport pour la gloire.  » Zac Posen, Proenza Schouler, Behnaz Sarafpour, Peter Som et Derek Lam représentent vraiment la nouvelle génération de créateurs américains « , confirme d’ailleurs Peter Arnold, directeur du Council of Fashion Designers of America, la principale association de promotion de la mode américaine.

Mais attention ! Si leurs noms commencent à faire tourner les têtes, leur succès aux Etats-Unis peut être éphémère, car la mode y est avant tout pragmatique et commerciale. New York diffère en cela de Paris où des créateurs peuvent occuper le devant de la scène pendant des années voire des décennies sans réaliser de gros scores de vente.  » A New York vous avez plus d’occasions de vous faire connaître, mais vous avez moins de temps pour faire vos preuves, renchérit Peter Arnold. Les gens sont à la recherche du dernier cri.  » Pour composer avec les impératifs sans pitié du marché américain, le talent ne suffit donc pas. Nos jeunes poulains en sont conscients. Modestes, ils reconnaissent qu’ils n’en sont d’ailleurs qu’à leurs débuts. D’autant plus que, pour Peter Arnold, le temps des multinationales qui rapportent des milliards de dollars comme Donna Karan ou Calvin Klein est révolu.  » Les acheteurs sont devenus plus sophistiqués, affirme-t-il. Ils n’achètent plus tout ce qui porte une étiquette Calvin Klein, ils mélangent les genres.  »

Depuis quelques années, il revient aux griffes américaines d’ouvrir le bal des défilés chaque saison, devançant Londres, Milan et Paris. Pour cet automne, la mode américaine qui se cantonne, il faut le savoir, au prêt-à-porter, mise sur des décolletés fluides, une taille marquée et des volumes bouffants pour les jupes et les pantalons. Le lamé, gris ou doré, est omniprésent pour féminiser des couleurs sombres et apporter une touche glamour  » années folles  » à des silhouettes parfois austères. La palette de la saison s’annonce dominée par un mariage de gris anthracite et de bleu pétrole, ponctuée d’accents pop comme le violet, le bleu canard, le fuchsia ou le jaune, contrastée parfois par un motif pied-de-coq en noir et blanc.

Zac Posen – le favori incontesté

Incontestablement le jeune designer le plus adulé du moment. Il a fait salle comble pour son défilé automne-hiver 2005-2006 sous la plus grande tente de la Fashion Week de New York.  » Marc Jacobs n’a qu’à bien se tenir « , souffle son associé, le rappeur passé homme d’affaires Sean John alias P. Diddy assis au premier rang. A 24 ans, Zac Posen est en effet le plus couru des jeunes créateurs pour ses lignes modernes et ultraféminines. Formé comme nombre de ses pairs à la Parsons School of Design de New York, il a littéralement fait irruption dans l’univers de la mode en 2002. D’abord considéré erronément comme une supercherie  » made in USA « , le créateur a confirmé, en quelques saisons, son grand talent et son indéniable savoir-faire. Pour cet hiver, Zac Posen présente une collection qui fait savamment rimer élégance rétro et modernité, exagérant subtilement le style Hollywoodien des années 1940. Ses fans ne sont pas des moindres : Natalie Portman, Claire Danes, Julianne Moore, Liv Tyler ou encore Milla Jovovich.

Proenza Schouler – Un duo d’avant-garde

Certainement la plus branchée et la plus innovante des jeunes étiquettes new-yorkaises. A 25 ans et diplômés tous les deux de la Parsons School of Design, Lazaro Hernandez et Jack McCollough remportent, ensemble, le Prix du Council of Fashion Designers of America en 2004. Si les influences du duo sont à rechercher chez des maîtres couturiers comme Balenciaga, Chanel et Dior, leurs collections n’ont pourtant rien de rétro. Pour cette saison, ils séduisent encore avec leurs tops à balconnets et effet corset (une de leurs signatures), des mini-robes à motifs très graphiques et un chapeau casquette perché sur le haut du crâne rappelant Courrèges. Mais on trouve aussi des débardeurs cotes de mailles et des jupes à gros sequins de métal qui font penser à l’évidence au travail de Paco Rabanne. Le duo aime également jouer avec les superpositions sur des tops en jersey de soie, de la maille cachemire, des capes ou des manteaux en tweed. Quant aux looks du soir, ils s’incarnent essentiellement dans des robes en soie colorée, avec des ceintures en satin.

Esteban Cortazar – L’enfant prodige

Il dessine sa première collection à 13 ans, présente un défilé à 15 ans et lance son label à 17 ans. Il est le plus jeune designer à n’avoir jamais défilé sous les tentes de la Fashion Week de New York. Sa première collection est immédiatement adoptée par le grand magasin de luxe Bloomingdale’s qui l’installe dans ses vitrines. En 2004, Cindy Crawford interrompt sa retraite pour ouvrir et fermer la présentation du jeune prodige. Esteban Cortazar est né à Bogota en Colombie en 1984. Il est le fils unique d’une chanteuse de jazz et d’un artiste. A 11 ans, il déménage à Miami Beach et impressionne déjà par sa personnalité et la qualité de ses croquis. A 20 ans, il a donc présenté sa cinquième collection à New York dédiée à l’hiver 05-06. Les modèles défilaient sur un tapis de feuilles mortes, dans des matières confortables aux couleurs pêche, rouge ou jaune chaleureux évoquant l’automne. Dans sa collection, les petits gilets courts, l’usage du tweed et des n£uds rappellent le glamour des années 1950. Pour le soir, les robes en soie se font légères et très élégantes, sans être trop déshabillées. Selon le  » New York Times « , Cortazar a présenté une collection de vêtements sexy qui montre une grande connaissance du corps féminin.

Jeffrey Chow – Le passé ressuscité

Originaire de Hong Kong et diplômé de la Saint Martins School of Design de Londres, Jeffrey Chow a choisi de travailler à New York.  » J’aime dessiner des vêtements qui sont très faciles à porter, déclare-t-il. Mon style est très réaliste, pas du tout haute couture ou fantaisiste.  » Avant de lancer son propre label, le jeune créateur a collaboré avec Marc Jacobs et Tommy Hilfinger. Il aime à puiser ses inspirations dans le passé, comme dans le film noir au cinéma.  » Mais je travaille par contradiction, en y ajoutant toujours un esprit jeune et une touche nouvelle « , affirme-t-il. Les inspirations de Jeffrey Chow pour l’hiver prochain ?  » Le Guépard  » (1963) de Visconti et  » Le Mariage de Maria Braun  » (1978) de Fassbinder. Deux classiques qui sont transposés ici dans une collection glamour, composée de pièces délicatement travaillées et ultraféminines. Ses créations sont portées par des célébrités telles que Chloé Sévigny et Britney Murphy, mais s’il devait n’en habiller qu’une, Jeffrey Chow choisirait assurément Cate Blanchet :  » J’aime le style années 1930 qu’elle incarne, à la Katharine Hepburn, sans jamais surjouer « , déclare celui qui aimerait créer du sur-mesure pour ses clientes?

Behnaz Sarafpour – Le souffle oriental

Née en Iran, Behnaz Sarafpour travaille d’abord pour Anne Klein, qui devient consultante pour le grand magasin Barney’s, avant de défiler en son nom pour la première fois en 2002.  » Je voulais revenir à ma passion et c’était très excitant « , explique la jeune créatrice de 35 ans. Très inspirée par l’art, la new-yorkaise d’adoption aime les influences  » vintage « , auxquelles elle ajoute sa touche personnelle. Pour cet hiver, elle mélange les idées et multiplie les orientations sur le thème des reines du désert.  » J’ai dessiné une collection extrême « , avoue-t-elle. On passe ainsi sans transition d’une jolie petite robe de laine brodée de galons de pompons à une veste métallisée aluminium. Entre deux manteaux rayés ou imprimés pied-de-coq, elle envoie un très beau spencer en brocart ivoire porté sur knickers amples. On remarque aussi quelques jolies vestes cloquées ou des jupes ornées de pièces façon Bédouins. Pour le soir, la créatrice propose une robe en velours noir et des bretelles en satin, peinte à la main. Délicieusement raffiné.

Derek Lam – Pour les femmes dans le coup

Immigrants chinois, ses grands-parents vendaient des robes de mariée. Derek Lam, lui, a grandi en Californie et puise, pour cet hiver, dans le style années 1960 des villes balnéaires de la côte ouest : Topanga, Salinas et Carmel. A 39 ans, Derek Lam n’est pas un néophyte. Il a travaillé huit ans aux côtés de Michaël Kors, puis en Asie, avant de revenir à New York en 2002 sous son propre label. L’année dernière c’est la récompense : il remporte le Prix du meilleur jeune talent du Council of Fashion Designer of America. Et dans la foulée, Nicole Kidman, Hilary Swank, la reine Rania de Jordanie et Barbara Bush, la fille aînée du président, se jettent sur ses créations.  » Les femmes aujourd’hui peuvent avoir confiance en elles et être performantes, sans avoir peur de montrer leur féminité, déclare-t-il. Je crée mes vêtements pour ce genre de personnalité.  » Pour cet hiver, le styliste a ainsi présenté des robes en soie, des cardigans de grand-père, des jupes champêtres et une flopée de pantalons teints dans des ombrés de bleu, rouge, safran et brun. Bien sûr, Derek Lam a joué avec les volumes, l’une des tendances de la saison, sur des mannequins défilant les mains dans les poches, de manière à la fois simple et décontractée. Du grand art.

Peter som – Héritage et tradition

Fils d’architectes, Peter Som est connu pour son amour des lignes pures, coupées dans des matières luxueuses. En 1997, ce diplômé de la Parsons School of Design reçoit le prix du meilleur jeune talent du Council of Fashion Designers of America. Il travaille alors pour les plus grands noms américains (Bill Blass, Michael Kors et Calvin Klein), avant de lancer sa propre ligne en 1999, plébiscitée par la presse et choisie par les  » séries mode  » comme  » Sex and The City « . Pour sa collection d’hiver, Peter Som présente de jolies robes et de ravissants manteaux. Il imagine un smoking masculin et des ensembles qu’il décrit comme faits dans du velours façon Vermeer : puce, chartreuse et paon. Sur son site Internet, ce créateur d’origine chinoise est dépeint comme le meilleur représentant de la tradition du prêt-à-porter américain. Affaire à suivre donc…

Tuleh – L’art de l’improvisation

Quand Bryan Bradley et Josh Patner lancent leur label en 1997, ils se positionnent d’emblée comme une alternative colorée et féminine aux tenues strictes de Donna Karan et de Calvin Klein. Depuis, Josh Patner a quitté la profession, mais Bryan Bradley continue à diriger la marque vers les sommets en créant des tenues ultraféminines et inattendues. Pour l’automne, le créateur capitalise notamment sur les forces de la marque : des robes fantastiques, des imprimés merveilleux et des couleurs exotiques, tout en y injectant juste ce qu’il faut de fraîcheur et de jeunesse. Etrange, le point de départ de la collection se nourrit de l’expression  » Jetez et voyez ce qui se passe « . Cela explique donc les duffle-coats lavande et bruns accompagnés de robes de mousseline ou encore les vestes en tweed multicolores lancées par-dessus de longues robes florales séduisantes. Ses tenues sont portées par Chloé Sévigny, Marisa Tomei et les s£urs Kerry, filles de l’ex-candidat à l’élection présidentielle américaine. Un autre espoir à surveiller.

Elodie Perrodil

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