L’achat est un plaisir et doit le rester. Tel est le principe du  » fun shopping « , le nouveau loisir commercial en vogue.

Retrouvez Frédéric Brébant chaque lundi matin, vers 9 h 45, dans l’émission  » Bonjour quand même « , de Jean-Pierre Hautier, sur la Première (RTBF radio).

Une bande de joyeux drilles prend d’assaut une rame de métro. Musique à  » donf « , light-show d’enfer et vêtements flashy : subitement, le transport urbain prend des couleurs de fête improvisée. Plus personne ne tire la tronche. On danse, on rigole et on boit un soda mondialement connu. Car il s’agit d’une pub, évidemment. Quoique. A Londres, une poignée de pirates citadins a déjà réalisé cet exploit audacieux à deux reprises. En quelques échanges de mails alléchants, les Space Hijackers ont réussi à transformer le très sérieux métro londonien en une discothèque mobile et déjantée ouverte à tous les usagers ( http://circlelineparty. org. uk). Du moins jusqu’à l’arrivée de la police qui n’apprécie guère ce déploiement forcé de DJ, cotillons et boissons alcoolisées sous les pieds de Sa Gracieuse Majesté. Anecdotique, cet acte de perversion burlesque est pourtant à l’image d’un désir latent du citoyen : transformer (momentanément) un lieu public a priori morose en une plate-forme de plaisir communautaire. Autrement dit, faire la fête pour rétablir dans la ville ce fameux lien social qui n’aurait jamais du être dénoué dans la ville. L’initiative est louable, voire même salutaire. Les fins limiers du marketing l’ont d’ailleurs bien compris et exploitent désormais cette dimension hédoniste, non seulement dans leurs publicités, mais aussi dans la conception des centres commerciaux. Aujourd’hui, il est en effet vivement recommandé de jouer la carte de l’amusement réel dans toute stratégie de vente. On parle d’ailleurs de  » fun shopping « , une tendance venue en droite ligne des Etats-Unis et qui repense l’acte d’achat en termes de plaisir. L’idée n’est plus de considérer le consommateur comme un simple porte-monnaie ambulant, mais bien comme un client privilégié qui veut s’éclater en flânant de boutique en boutique. D’où le projet d’attirer l’individu dans un espace qui est à la fois un lieu de détente et un temple de la consommation. Au menu : magasins, aires de jeux, garderies, cinémas, salles de sport, concerts, salons de massage et, pourquoi pas, hôtels et galeries d’art. Bref, le concept est de dépasser la relation strictement commerciale pour injecter une bonne dose de plaisir et de convivialité dans le shopping pur et dur. Divertir pour mieux vendre. Amuser pour fidéliser. Efficace, cette nouvelle dynamique marchande est bien implantée en Amérique du Nord et a d’ores et déjà fait ses preuves. Ainsi, les  » magasins-villes  » s’avèrent incontournables aux Etats-Unis ( photo ci-contre : le Niketown de New York), tandis que, au Canada, le vaste complexe de West Edmonton Mall de 500 000 m2 (!) ( www.westedmontonmall.com) a détrôné au hit-parade des attractions touristiques du pays, les fameuses chutes du Niagara. Chez nous, le mouvement s’accélère et les grands centres dédiés au  » fun shopping  » fleurissent un peu partout. De Londres à Barcelone, en passant par Genève ( www.la-praille.ch) et Paris ( www.carre-senart.com), les nouveaux espaces commerciaux se la jouent désormais ludique et multifonctions. Certes, le plaisir y semble quelque peu prémâché, mais nul n’est à l’abri d’une invasion soudaine de pirates urbains déjantés bien décidés à augmenter encore le volume des festivités…

Frédéric Brébant

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