Dès le 15 octobre prochain, le site du Grand-Hornu Images se parera des plus beaux bijoux des maisons de haute couture. A l’initiative de cette exposition : un couple de passionnés, Godelieve et Patrick Sigal. En exclusivité pour Weekend Le Vif/L’Express, ils ont ouvert leurs écrins. Le temps d’une mise en scène fashion éblouissante.

Rien n’attire plus le regard et la lumière que les bijoux de fantaisie. Mais leurs créateurs, pourtant, sont souvent des hommes et des femmes de l’ombre. Le centre de design et d’arts appliqués du Grand-Hornu Images a décidé de rendre hommage au talent flamboyant de ces artisans méconnus, ces paruriers de la haute couture qui, au siècle dernier, ont créé des merveilles dans leurs ateliers pour les plus grandes griffes de France et d’Italie (1). Plus de 600 pièces d’exceptios seront ainsi scénographiées pour la première fois dans ce lieu symbolique, dont l’histoire est intimement liée aux savoir-faire d’autrefois.

Il aura fallu plus de trois ans de travail pour monter cette exposition exceptionnelle basée, en grande partie, sur la collection d’un couple de passionnés, Godelieve et Patrick Sigal.  » A l’origine, nous collectionnions les boutons, rappelle Godelieve Sigal en souriant. Nous étions attirés par l’accessoire, le superflu. Petit à petit, nous nous sommes intéressés aux bijoux de fantaisie. Il y a vingt ans, on les trouvait encore facilement sur les marchés ou dans les salles de vente à un prix abordable. Car personne n’y prêtait attention. Ils n’étaient pas  » précieux « , rarement signés. Au fil du temps nous avons appris à les reconnaître.  »

Leur trésor de chine compte aujourd’hui plus de 700 pièces authentifiées grâce aux recherches méticuleuses de Patrick Sigal qui, lorsqu’un nouveau venu rejoint la collection, n’a de cesse de retrouver le croquis qui lui a donné naissance et la grande maison pour laquelle il a été créé.

La griffe, pourtant, ne guide jamais l’achat de ce couple féru d’histoire.  » Nous avons toujours fonctionné au coup de c£ur, poursuit Godelieve Sigal. C’est le côté irrationnel de tout collectionneur. Vous voyez un bijou, votre c£ur bat à tout rompre et vous « savez » que vous le voulez.  » Même si, pour ce faire, il faut se dessaisir d’une autre pièce tombée en désamour. Pour les aider dans cette aventure, ils ont d’ailleurs très vite ouvert  » Ciel mes Bijoux ! « , une étonnante boutique installée dans la Galerie du Roi, à Bruxelles (2).

Dans leurs écrins se bousculent les chefs-d’£uvre portant la marque de fabrique de la Maison Gripoix, du Belge Robert Goossens – dont l’atelier a été racheté par la maison Cha-nel – , de Roger Scemama, de Lina Baretti, de Coppola e Toppo…  » Tous ont travaillé indifféremment pour Chanel, Dior, Yves Saint Laurent ou encore Givenchy, rappelle Patrick Sigal. Avec leur style propre que l’on pourra découvrir dans l’exposition puisque les pièces seront regroupées par parurier et non par grande maison.  » Pour montrer au public l’extraordinaire diversité créative de ces faiseurs de rêves, les époux Sigal assistés de Françoise Foulon, directrice de Grand-Hornu Images, ont convaincu d’autres collectionneurs et des institutions publiques d’ouvrir leurs coffres pour l’occasion. Des enseignes privées comme Balenciaga, Chanel, Christian Lacroix, Thierry Mugler, Lanvin… ont accepté de prêter des bijoux, bien sûr, mais aussi des robes et des croquis. La ville française de Rouvray dévoilera, pour la première fois, les colliers qu’Elsa Triolet, la compagne de Louis Aragon, composait dans les années 1930 pour arrondir des fins de mois souvent difficiles.

 » Elle avait tout compris avant tout le monde, s’enthousiasme Godelieve Sigal. La beauté du minimalisme, l’intérêt de l’ethnographie.  » A la même période, Coco Chanel, l’une des rares pour qui Elsa Triolet ne travailla jamais, contribua aussi énormément au succès de ces  » bijoux de pacotille  » comme les appelaient encore une certaine bourgeoise.  » C’est elle qui a lancé la mode des sautoirs de fausses perles, ajoute encore Godelieve Sigal. Pour les femmes, c’était une libération. Le bijou devenait le moyen d’exprimer leur propre personnalité.  »

Fragiles et éphémères par nature, créées pour durer le temps d’une soirée ou d’un défilé, ces parures autorisaient toutes les audaces.  » Rien n’était figé, comme dans la haute joaillerie, rappelle Patrick Sigal. Il pouvait même y avoir des ratés. Ils étaient lourds et délicats à la fois. Aujourd’hui, les gens veulent du léger solide.  » Qui porte aussi le plus clairement possible le logo de son créateur.

Une tout autre philosophie qui explique la disparition progressive de ces pièces artisanales produites en très faibles quantités au profit de bijoux  » labellisés  » et manufacturés, souvent sous licence, pour achalander les flagship stores des griffes de luxe du monde entier. Comme bon nombre de maisons de couture qui remplissaient leurs carnets de commandes, les paruriers ont, pour la plupart, fermé boutique dans les années 1970, ou trouvé refuge dans le giron d’une marque pour laquelle ils travaillent désormais en exclusivité. C’est toute l’histoire de cet âge d’or de la fantaisie qu’il vous est donné de découvrir au Grand-Hornu. Sans attendre cette brillante rétrospective, Weekend Le Vif/L’Express a mis en scène, en exclusivité, quelques joyaux de cette exposition (voir pages 54 à 61). Hommage fashion à l’extravagance chic…

(1) L’exposition  » Les Paruriers de la Haute Couture  » se tiendra du 15 octobre au 18 février prochains dans le Magasin aux Foins de Grand-Hornu Images, 82, rue Sainte-Louise, à 7301 Hornu.

Ouvert tous les jours, de 10 à 18 heures, sauf le lundi.

Tél. : 065 65 21 21. Internet : www.grand-hornu.be

(2)  » Ciel mes Bijoux ! « , 16, Galerie du Roi, à 1000, Bruxelles. Tél. : 02 714 71 98.

Isabelle Willot

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