Un aveu pour commencer : il n’y a pas si longtemps encore, on était sous le charme de la frêle  » brindille « . Pour ses traits félins, pour sa grâce androgyne et surtout pour son sacré culot. Haute comme trois pommes, elle damnait le pion aux longs roseaux qui garnissaient les podiums. Un joli pied de nez aux conventions. Et du baume au c£ur pour toutes les filles qui ne tutoient pas les cimes. Ses yeux en amande, sa moue boudeuse, ce je-ne-sais-quoi d’indomptable qui émane de sa silhouette juvénile, compensaient largement sa – relative – petite taille. Une alchimie détonante qui la propulsa au sommet de la hiérarchie des mannequins. Au top des top models.

A l’époque, on lui aurait tout pardonné, même ses enfantillages avec son trublion de  » boyfriend « , le fantasque Pete Doherty. Après tout, elle ne faisait que démontrer avec éclat et panache qu’elle ne suivait pas un plan de carrière pointilleux comme un acte notarié. Mieux, cette idylle improbable entre la belle et la bête… de scène dégageait une légère odeur de soufre qui lui allait aussi bien qu’une robe Versace. Bref, elle n’en faisait qu’à sa tête et on aimait plutôt ça.

Mais il y a un an, l’histoire a pris un tour fâcheux. On ne lui jette pas la pierre d’avoir survécu au cliché où l’on voit madame se repoudrer le nez. Un moment d’égarement sans doute… Mais autant ce fiasco ne justifiait pas une condamnation à mort professionnelle, autant il ne méritait pas non plus de déboucher quelques semaines plus tard sur un come-back royal. Même si, dans toute cette affaire, Kate Moss n’a été au fond que le hochet des marques, promptes à ravaler leurs serments de moralité si l’intérêt supérieur de l’action boursière est en jeu. Un jour paria, le lendemain icône. Entre les deux, quelques ténors du dé à coudre qui se mobilisent et la cote de popularité de la brebis égarée qui reste désespérément au top. Autant d’arguments qui ne pouvaient laisser de marbre les grands prêtres du luxe. Pour la forme, on la plaça donc en quarantaine, le temps pour elle d’aller se faire désintoxiquer à grands frais dans une clinique 5 étoiles, avant de la remettre de plus belle en selle.

Depuis, on nage en plein délire. Pas un jour ne passe sans que les journaux détaillent ses moindres faits et gestes. Sa vie privée s’étale au grand jour, colportant des informations aussi vitales que le montant de la nouvelle dentition qu’elle s’apprête à offrir à son incorrigible compagnon. Las, consciemment ou non, Kate Moss est devenue une caricature d’elle-même, une sorte de marque ambulante comme peuvent l’être Nicole Ritchie ou Paris Hilton.

Elle n’a peut-être pas déclenché le tourbillon médiatique. Mais elle l’alimente généreusement en faisant courir des rumeurs sur son mariage, en se montrant sur scène avec son rockeur et dans les soirées de bienfaisance avant, qui sait, une prochaine candidature à l’une ou l’autre élection… Autant de petites man£uvres qui ont définitivement écorné son authenticité et son innocence. Et mis nos nerfs à rude épreuve par la même occasion. Surtout en septembre dernier, lorsque les bibles de la mode nous ont servi son minois jusqu’à la nausée, jusqu’à – eh oui – l’overdose. Une publicité sur deux, elle était là, tendant son visage de sphinx vers l’objectif comme pour dire :  » Vous voyez, je suis toujours dans le coup.  » Un jeu de miroir qui donnait le tournis. Quand il ne provoquait pas un début de malaise tant la répétition de la même image finit par rappeler les méthodes des régimes autocratiques. Les marques vendent du rêve. Mais un rêve n’en est plus vraiment un quand il a toujours la même saveur. Il vire alors à l’obsession, au cauchemar. On aimerait lui pardonner cette fois-ci encore, mais dans notre c£ur l’herbe a repoussé et recouvre à présent la fragile brindille. Il est temps de tourner la page. Sorry, Kate…

Laurent Raphaël

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content