À l’affiche de Contagion, de Steven Soderbergh, et de Carnage, de Roman Polanski, Kate Winslet fait beaucoup fait parler d’elle… Au plus grand bonheur de la Golden Hat Foundation qu’elle a créée en faveur des enfants autistes. La star, qui a reçu le soutien de Lancôme, la griffe de beauté dont elle est l’égérie, s’est confiée au Vif Weekend.

Avec pas moins de trois titres à son actif et même si elle en est repartie sans récompense, Kate Winslet (35 ans) a été la véritable reine du dernier Festival de Venise… et la  » miraculeuse  » robe moulante signée Stella McCartney qui soulignait si bien sa plastique parfaite sur fond de tapis rouge n’a pas manqué de lui valoir les faveurs du public et des photographes ! Que de chemin parcouru pour celle qui, ado, n’avait rien d’une sirène… Mais ne vous y trompez pas : à l’instar de son éponyme Kate (Katharine) Hepburn, Kate Winslet est avant tout une grande professionnelle. À 31 ans, elle devenait ainsi la plus jeune actrice de toute l’histoire du cinéma à inscrire à son palmarès pas moins de cinq nominations aux Oscars. En 2009, elle était même doublement candidate au titre de meilleure actrice dans un rôle principal, avec Les Noces Rebelles de son ex-époux Sam Mendes et Le Liseur de Stephen Daldry, ce dernier lui ayant finalement valu la palme. Peu de temps après, Sam Mendes et Kate Winslet se séparaient  » à l’amiable « .

Depuis ses débuts sur grand écran dans Créatures célestes de Peter Jackson, en 1994, et son inoubliable duo avec Leonardo DiCaprio dans Titanic de James Cameron, en 1997, l’actrice britannique a travaillé aux côtés des réalisateurs les plus en vue. Cet automne, on la retrouve ainsi dans le rôle d’une scientifique confrontée à un virus mortel dans Contagion (1) – un thriller dramatique de Steven Soderbergh dont elle partage l’affiche avec Gwyneth Paltrow, Matt Damon, Jude Law, Laurence Fishburne et Marion Cotillard – et dans Mildred Pierce, minisérie télévisée de la chaîne HBO réalisée par Todd Haynes ( Far From Heaven), qui lui a valu l’Emmy de la meilleure actrice dans un rôle dramatique… mais la cerise sur le proverbial gâteau a été sa récente collaboration avec Roman Polanski pour Carnage (2), un drame intimiste mettant en scène quatre parents qui s’efforcent de s’expliquer de manière civilisée après une altercation entre leurs enfants, mais voient leur tentative de conciliation se solder par un échec retentissant (d’après Le Dieu du carnage de Yasmina Reza).

Autant Kate Winslet s’exprime volontiers sur ces collaborations professionnelles, autant elle reste discrète sur tout ce qui touche à sa vie privée – et même sur son intervention pour sauver la mère de Richard Branson lors de l’incendie qui a ravagé la maison du millionnaire il y a quelques mois. Elle nous a donné rendez-vous dans un hôtel à Madrid, où elle vient de recevoir une récompense pour son implication en faveur des enfants gravement autistes. L’écran installé à l’accueil nous rappelle que l’actrice est également, depuis plusieurs années, l’ambassadrice de Lancôme. Le spot réalisé pour la firme de cosmétiques par Mario Testino la présente comme une femme fatale d’une beauté presque surhumaine. Dans la réalité, la star est désarmante de simplicité, avec sa sobre jupe grise, son maquillage qui joue à se faire oublier et, surtout, toute la fraîcheur de son absence de prétention.

Cela doit être formidable de pouvoir ainsi décliner tous les registres et jouer les divas dans une pub, non ?

C’est vrai, même si j’étais un peu nerveuse au début. Je n’avais plus tourné de spot publicitaire depuis Trésor, et le genre de femme que j’incarne dans celui pour L’Absolu Nu est beaucoup moins proche de ma personnalité. Mario Testino n’a toutefois pas son pareil pour présenter ses modèles sous leur meilleur jour, ce qui m’a donné la confiance nécessaire… mais j’ai malgré tout dû m’inventer un scénario pour parvenir à me mettre dans la peau d’une séductrice ! Finalement, poser, c’est aussi endosser un rôle.

Avez-vous votre mot à dire dans la retouche de vos photos ?

Non, les choses ne se passent pas comme cela. Les marques de luxe mettent évidemment tout en £uvre pour présenter leurs produits de la manière la plus attrayante possible, ce qui fait certainement intervenir une part de rêve, de fantasme. Mais soyons sérieux, personne ne croit que j’ai cette tête-là en vrai ! La femme sur la photo, c’est moi après deux heures et demie entre les mains des coiffeurs et des visagistes, immortalisée par l’un des meilleurs photographes au monde avec l’aide de plusieurs assistants, d’une lumière naturelle qui fait oublier mes rides et de techniques de pointe pour ajuster les couleurs. Et je ne vais évidemment pas nier que j’aime bien me montrer sous mon meilleur jour… mais par contre, je déteste qu’on transforme complètement ma silhouette. Il y a une dizaine d’années, j’ai fait une séance photo pour GQ Magazine dont les clichés ont été tellement retouchés que j’en étais pratiquement méconnaissable. Vous auriez dû entendre les réactions :  » Mon dieu, comme elle a maigri ! Elle s’est fait faire une liposuccion intégrale, elle est anorexique « … Alors qu’il n’en était évidemment rien ! Pour le coup, je me suis vraiment fâchée contre ces magazines qui retouchent tellement leurs modèles que leur apparence en devient complètement irréaliste.

Adolescente, vous n’aimiez pas trop votre physique. Cela a-t-il laissé des traces ?

C’est vrai, j’ai été très peu sûre de moi durant toute ma jeunesse, aussi bien sur le plan physique qu’émotionnel. Enfant, je n’étais pas particulièrement jolie et on se moquait souvent de moi parce que j’étais un peu enveloppée… J’étais littéralement un vilain petit canard, toujours un peu à l’écart des autres. Mes rondeurs de petite fille ont fini par disparaître, mais j’en ai toujours gardé une certaine humilité. Quand Lancôme m’a demandé de lui prêter mon visage, j’ai été stupéfaite ; pourtant, cette collaboration dure depuis quatre ans maintenant. Comme quoi… J’ai aussi beaucoup gagné en assurance ces dernières années. En vieillissant, le physique évolue – mon visage, par exemple, me donne l’impression de changer sans cesse – et bien qu’à 20 ans, on ait parfois du mal à s’imaginer qu’on pourrait être plus jolie à 35, je sais que c’est maintenant que je vis mes meilleures années… même si les nuits blanches laissent immédiatement des traces ! D’un autre côté, je pense que l’expérience a fait de moi une personne plus intéressante. Qui a dit un jour que, passé un certain âge, on a le visage qu’on mérite ? Pour ma part, j’ai la chance d’être en bonne santé, d’être maman de deux enfants formidables et de ne pas avoir l’air trop mal pour mon âge… et j’essaie d’en profiter autant que possible.

Il y a dans Carnage une scène spectaculaire de vomissements. Faut-il du courage pour vous montrer sous ces angles moins flatteurs ?

Ah, cette scène, ne m’en parlez pas ! Mes enfants étaient justement sur le plateau ce jour-là, et une semaine après, ils n’avaient toujours pas fini de faire des commentaires. Cela dit, le but d’un film, ce n’est pas de se montrer sous son meilleur jour mais de raconter une histoire – celle de gens comme vous et moi, avec leurs tics, leurs ennuis. C’est ça, la vie, et c’est pour cela que j’aime tant me fondre dans mes personnages… et tant pis si cela m’oblige parfois à avoir l’air pas très ragoûtante ! Heureusement, j’ai déjà eu l’occasion, au cours de ma carrière, de travailler avec une foule de directeurs artistiques, de costumiers et de maquilleurs formidables, qui m’ont aidée à réaliser de véritables métamorphoses.

Vous avez déjà incarné de nombreux personnages torturés. Quelle est votre méthode pour vous détacher, après le tournage, de ces  » alter ego  » encombrants ?

J’ai toujours une certaine appréhension lorsque j’accepte un rôle. Clementine dans Eternal Sunshine, Hannah dans Le Liseur, April dans Les Noces Rebelles… toutes des sacrés caractères ! Pendant les 17 semaines du tournage de Mildred Pierce, j’ai parfois eu l’impression d’être en train de gravir l’Everest en solitaire. Cela dit, ces périodes s’accompagnent aussi d’une formidable poussée d’adrénaline qui me donne l’impression d’avoir des ailes… mais je serais incapable de tenir ce rythme en permanence. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’essaie de ne plus faire qu’un film par an. Je n’ai pas de vraie méthode pour  » revenir à moi « , j’essaie avant tout de retrouver le plus vite possible mes habitudes dans la vie réelle en me concentrant sur des activités ordinaires, fonctionnelles, en me remémorant qui je suis vraiment, ce qui me rend le plus heureuse. Mais, oui, il y a des rôles qui vous rongent.

Lors du tournage, avez-vous déjà une idée de la qualité du produit fini ?

Non, pas vraiment. Ce n’est d’ailleurs pas aux acteurs de s’en soucier : nous ne pouvons que nous fier à notre instinct et à notre intégrité, incarner notre personnage le plus sincèrement possible, comme nous nous le représentons, et y aller à fond. Contagion est l’exemple typique d’un film à vaste casting pour lequel je n’ai dû assurer que deux semaines de tournage. Je n’ai beaucoup travaillé qu’avec Laurence Fishburne, ainsi qu’un jour avec Matt Damon. Après, on est évidemment impatient de savoir comment sa prestation va s’inscrire dans l’ensemble… Carnage a été une expérience très différente. Déjà, en commençant, j’étais terrifiée : pour moi, avec son parcours hors du commun et son statut d’icône, Roman Polanski était une véritable énigme. D’ailleurs mes trois collègues non plus n’en menaient pas large, même Jodie Foster – c’est dire ! Au final, il s’est pourtant avéré chaleureux, toujours prêt à nous soutenir, drôle et très, très intelligent – le genre de réalisateur qui vous laisse libre d’expérimenter, d’explorer telle ou telle voie… et puis tout à coup, l’air de rien :  » moi je ferais plutôt ceci « . À chaque fois, nous avons dû nous rendre à l’évidence : son approche était la meilleure. Nous avons aussi répété le film scène par scène, comme une pièce de théâtre, avant de le tourner dans l’ordre chronologique, ce qui est tout à fait inhabituel – mais, en l’occurrence, indispensable : au départ d’une banale dispute entre enfants, l’histoire, d’abord civilisée et finalement pas bien méchante, dégénère rapidement en conflit impitoyable. Les quatre protagonistes se trouvent entraînés dans une lutte psychologique épuisante qui leur fait perdre la face et expose douloureusement les failles de leurs relations… et nous n’aurions jamais pu rendre la progression de ce jeu de massacre émotionnel de façon aussi convaincante si les séquences n’avaient pas été tournées dans l’ordre.

D’où vient votre engagement en faveur des enfants autistes ?

Tout a commencé lorsqu’on m’a demandé de lire le commentaire de A Mother’s Courage : Talking Back to Autism ( » Le courage d’une mère : répondre à l’autisme « ), un documentaire réalisé par la chaîne de télévision HBO qui relate l’histoire de Keli Thorsteinsson, un jeune Islandais d’intelligence tout à fait normale mais atteint d’une forme d’autisme particulièrement grave qui l’empêche de communiquer avec le monde extérieur. Au fil de l’enregistrement, j’ai été de plus en plus impressionnée par la personnalité de sa maman, Margret, qui a fait l’impossible pour trouver le moyen d’entrer en contact avec lui. Je m’étais déjà investie dans des projets caritatifs, de préférence sans en faire tout un foin… mais là, je me suis soudain rendu compte que si je voulais vraiment faire quelque chose pour ces enfants prisonniers de leur propre corps, j’allais devoir donner une certaine publicité à mon engagement. C’est ainsi qu’est née la Golden Hat Foundation, une initiative qui collecte des fonds et des idées pour enseigner aux enfants gravement autistes des aptitudes qui leur permettront de jouer, de rire, d’exprimer leurs sentiments et, au final, de fonctionner dans notre société. Elle tire son nom d’un poème écrit par Keli, où il rêve qu’un chapeau magique permet soudain aux enfants autistes de communiquer avec les autres. Une série de célébrités telles que Meryl Streep, Jude Law, Maria Sharapova, Christina Aguilera ou Ricky Gervais ont d’ailleurs accepté de se faire photographier avec ce fameux chapeau pour un album qui sera publié au printemps prochain, et dont les bénéfices seront intégralement reversés à la fondation. À plus long terme, nous voudrions créer des  » campus  » d’habitations protégées pour les jeunes adultes autistes, dans l’espoir de répondre à la grande angoisse de tant de parents : que deviendra leur enfant une fois qu’ils ne seront plus là pour s’en occuper ? Bien que l’autisme touche plus de 76 millions de personnes de par le monde, les moyens disponibles pour améliorer leur qualité de vie sont actuellement négligeables… et comme ma position me permet d’attirer l’attention sur cette problématique, je suis heureuse d’y apporter ma petite pierre.

(1) Contagion : dans les salles.

(2) Carnage : sortie le 14 décembre.

PAR LINDA ASSELBERGS

 » SI JE VOULAIS VRAIMENT FAIRE QUELQUE CHOSE EN FAVEUR DES ENFANTS AUTISTES, JE DEVAIS DONNER UNE CERTAINE PUBLICITÉ À MON ENGAGEMENT. « 

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