Retrouvez Frédéric Brébant chaque lundi matin, de 9 à 10 heures, dans l’émission de Jean-Pierre Hautier, sur la Première (RTBF radio).

Lorsque Jean Cocteau a dit un jour  » La mode, c’est ce qui se démode « , a-t-il voulu affirmer que la mode incarnait, par définition, un phénomène sans cesse dépassé ou présageait-il déjà de cette belle ironie qui consiste à porter aujourd’hui des vêtements chronologiquement démodés pour être précisément dans le coup? Vous me suivez? Car la tendance la plus pointue dans la mode actuelle veut que l’on arbore, en effet, des tenues griffées, anciennes mais intactes pour s’imposer désormais sur la vague de l’air du temps. Par exemple, une robe Chanel des années 30, un manteau Christian Dior de l’époque new-look ou un costume Yves Saint Laurent de la période post-hippie. C’est le triomphe du  » vintage « , un nom barbare d’origine anglaise que l’on pourrait aisément traduire par millésime ou, mieux, grand cru. La comparaison avec le vin est évidemment tentante et imagée. Comme certains bordeaux délicats et autres nobles bourgognes qui bonifient avec le temps, les créations vestimentaires des maisons prestigieuses prennent désormais de la valeur avec le nombre des années, surtout si elles n’ont pas été portées et qu’elles affichent toujours la fameuse étiquette, gage de leur authenticité. Heureux les conservateurs, car le royaume des envieux est à eux! Le serpent de la mode se mord donc la queue et reconnaît, de cette manière, son désir brûlant de s’autoproclamer art à part entière. Evidemment, la spéculation entre dans la danse festive et les fashion victims en redemandent, d’autant plus que les stars du cinéma et de la chanson jouent le jeu de cette passion nostalgique dans les soirées mondaines. Désormais, on s’exhibe  » vintage  » pour être branché et des boutiques huppées se spécialisent sans rougir dans ce nouveau créneau porteur. Que les fauchés se rassurent, il n’est jamais trop tard pour prendre le train en marche. Qui vous dit d’ailleurs que votre arrière-grand-tante ne cache pas une vieille (mais belle) robe Givenchy dans l’une de ses malles poussiéreuses? Finalement, c’est un petit peu comme le Lotto : c’est facile, c’est pas cher et ça peut rapporter gros. Et, en plus, c’est  » tendance « . Rose Bertin qui fut en son temps la  » styliste  » fétiche de la reine Marie-Antoinette, ne me contredira pas :  » Il n’y a de nouveau que ce qui est oublié « , affirmait-elle alors d’une voix sans doute peu tranchante. Ses mots n’ont pas pris une ride.

Frédéric Brébant

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