L’art de conter fleurette

DELPHINE KINDERMANS, RÉDACTRICE EN CHEF © FRÉDÉRIC RAEVENS

Sur le site officiel de Christian Dior, on peut lire que Monsieur crut toujours en  » sa bonne étoile « . Ou encore que,  » superstitieux et attentionné, il glisse dans l’ourlet de chacun de ses modèles haute couture un brin séché de la délicate fleur (NDLR : le muguet) dont il ne se départit pas lui-même. Il a dans la poche de son veston un reliquaire ouvragé contenant la fleur chérie. Tout comme il garde à portée de main un trèfle à quatre feuilles, deux coeurs, un morceau de bois, une pièce en or…  » On appelle cela de la communication narrative, ou plus platement, du storytelling. Soit l’utilisation d’un récit – dans ce cas-ci, construit sur des faits réels, mais ce n’est pas un impératif – à des fins publicitaires plutôt que des arguments basés sur les qualités d’un produit.

POUR ALLER DE L’AVANT, IL FAUT DÉSORMAIS VALORISER SON PASSÉ.

Un procédé qui présente le double avantage de susciter l’émotion auprès de l’acheteur, et dès lors de capter son attention, et de contribuer à la construction d’une légende autour de la marque, la rendant ainsi désirable. C’est que, dans un marché du luxe ultracompétitif, dominé par quelques grands groupes possédant la majorité des labels prestigieux, pour aller de l’avant, il faut désormais valoriser son passé.

L’institution de l’avenue Montaigne n’est donc pas la seule à emprunter la machine à remonter le temps. Chez Chanel, 2017 a été déclarée  » année Gabrielle « , référence on ne peut plus explicite à la fondatrice de la griffe, dont le prénom désigne dorénavant aussi un sac inédit, profilé pour devenir iconique, et un parfum promis à un bel avenir. Et si la plupart des poids lourds du secteur, dont Louis Vuitton et Saint Laurent, misent déjà sur leur illustre héritage, la tendance n’est pas près de s’essouffler : en septembre prochain, le joaillier Boucheron, après plus d’un an de travaux, aura achevé la rénovation de son département archives, auquel auront exceptionnellement accès la presse et sans doute quelques clients triés sur le volet – un mythe, cela ne se galvaude pas, cela s’entretient en cultivant sa rareté.

Là où les cyniques ne distingueront qu’autant d’opérations de com’, d’autres souligneront l’utilité de la démarche sur le plan de la préservation des techniques traditionnelles et de leur apprentissage.  » Avoir la chance d’intégrer un artisanat qui demande du temps, une main incroyable, un savoir-faire qui s’est transmis depuis des générations « , appuie Vanessa Schindler, gagnante du Grand Prix du Jury et du Prix du Public du Festival d’Hyères qui travaille main dans la main avec Murielle Lemoine, directrice de la maison Lesage. Et puis, à quelques semaines de Noël, personne ne refusera un joli conte…

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