Carreaux, carrés et autres combinaisons géométriques s’entrecroisent dans la mode hivernale. Une multiplication de motifs quasi mathématiques, où le label Burlington se dessine avec une netteté stylée.

La génération des pré- ou post-quadras se souvient certainement des  » Burlington socks « … Vous savez, ces chaussettes à l’allure très british et aux motifs en forme de losange que n’importe quel(l)e bécébégé digne de ce nom se devait de posséder en plusieurs couleurs sont à nouveau  » hyper-moooode « . Cependant, l’imagination créative de Burlington, ou plutôt celle d’Andreas Aschauer-Martinelli (36 ans), le directeur artistique de la griffe, ne se limite plus, désormais, à l’habillage des petons. Entre vogue eighties et mission marketing bien menée, la griffe bavaroise aux consonances very british tricote actuellement de la belle ouvrage autour du célébrissime losange dont le nom générique est l’intarsia qui désigne les tricots arborant des motifs de couleurs différentes et juxtaposées. Ainsi, à partir de cet hiver 01-02, une ligne masculine complète (costumes, pantalons, pièces à manches, maille, accessoires, sous-vêtements…) a vu le jour tandis que le développement du chaussant et des accessoires féminins va bon train. Un exemple parmi d’autres? Les manchettes pour dames, produites en séries limitées et évoquant une allure victorienne non dénuée d’impertinence.

Au rayon des tons – Burlington utilise près de 150 coloris -, la palette balaie large, allant des classiques thèmes  » Club College  » et  » Country Side  » au flamboyant  » Purple Shades  » en passant par les très contemporains  » Wintersea  » et  » Dusty Winter Pastels « . Hasard heureux et coïncidence d’élégance, ces fameux croisillons connaissent actuellement un succès ébouriffant. Témoin, Ally McBeal, l’avocate la moins catholique du paysage cathodique qui arbore, dans les épisodes de cet hiver, tantôt un chandail tantôt un twin-set au profil  » burlingtonien « . Dans un contexte moins irréel mais tout aussi funny, la célèbre créatrice anglaise Vivienne Westwood, ex-reine de punk et de plus en plus sosie déjanté de Mamie Nova, est venue saluer son public, à l’issue de son défilé de l’été 2002, en polo chocolat agrémenté de figures géométriques à fort glamour ajouté.

Profitant de cette période propice dans le calendrier des tendances, la griffe Burlington a décidé de donner quelques bons coups de  » pattes  » stylistiques tout en continuant à miser sur les valeurs sûres de la maison alors même que tout ce qui réfère aux carreaux, à l’écossais et, de façon globale, aux dessins géométriques, fait fureur cette saison. Pour preuve, sur l’immense trame du prêt-à-porter, des signatures aussi diverses qu’A.F. Vandevorst, Scapa of Scotland, Véronique Leroy, Bernhard Willhelm, Ralph Lauren, Rodier, Jean-Charles de Castelbajac, Céline, Michael Kors, etc. s’adonnent au culte des carreaux. Sans oublier la  » chapelle  » des sous-vêtements (Erès, Women’s Secret…) et des collants (le collant-cuissarde à carreaux vu notamment chez Le Bourget est  » le  » must de cet hiver) soumis à un chassé-croisé de motifs. Un culte que l’on peut même qualifier de polythéiste puisque lesdites figures à quatre côtés arrondissent volontiers leurs angles et communient sans remords avec les rayures, les pois, les dessins abstraits ou encore les coloris les plus pétillants.

Le Michel-Ange du losange

Dans l’inextricable labyrinthe des tendances, Burlington possède une histoire aussi longue et solide que le fameux fil d’Ariane. Fondé à Greenboro aux Etats-Unis en 1923, Burlington se spécialisa d’abord dans les chaussettes et les collants. En 1968, Burlington USA ( NDLR: l’entreprise américaine est aujourd’hui l’un des plus grands fabricants mondiaux de tissus pour jeans) choisit, pour se développer sur le marché européen, de s’établir en Allemagne (à Immenstadt, en Bavière). Sept ans plus tard, Burlington lance les chaussettes à losanges qui connaîtront le succès que l’on sait et, en 1990, le groupe allemand Kunert, leader international du collant, rachète Burlington.  » Ce losange qui se nomme « argyle » ou « diamantine » en français remonte au IXe siècle, précise Andreas Aschauer-Martinelli. Il s’agit en fait de l’emblème de la très noble et très ancienne famille écossaise des Argyll dont l’un des descendants, confronté à des problèmes financiers, vendit le droit d’utilisation à Burlington voilà plus d’un quart de siècle.  »

Chahutée par une Bourse en dépression permanente, tétanisée par les effets que vont avoir les événements du 11 septembre dernier sur sa santé économique, la mode joue la carte de la prudence. Et réhabilite, plus que jamais, le geste artisanal, les savoir-faire originels et la création mâtinée de tradition.  » Chez Burlington, nous profitons de ce retour aux racines pour (ré)exploiter à l’envi nos losanges et nos talents en matière de maille et tricot. Comme nous avons déjà traité le knitwear (maille) masculin, nous avons choisi de nous pencher d’abord sur le prêt-à-porter hommes. « 

Le label, soumis aujourd’hui à des bouleversements particulièrement allurés, mise en effet sur son know-how afin de maîtriser au mieux ses objectifs d’expansion.  » Le temps est venu de renforcer au maximum l’identité de Burlington: nous n’avons pas le délire d’un Dolce & Gabbana, mais notre maison n’est pas sclérosée ou poussiéreuse pour autant. Nos atouts? Des matières au top (laine mérinos, shetland, etc.), des gammes de couleurs à vous faire tourner la tête et l' »argyle » que je livre, sur les vêtements et accessoires, à des variations de dimension, des effets d’optique et autres transformations « , renchérit Andreas Aschauer-Martinelli qui a fait ses classes dans les tissus haute couture Ratti ( NDLR: ils conçoivent des étoffes fabuleuses pour Versace, Valentino, Lacroix, etc.), la corsetterie de luxe (La Perla, Chantelle…) et chez l’autrichien Wolford avec qui Chantal Thomass, Vivienne Westwood, Jean Paul Gaultier et Christian Lacroix ont collaboré. Auprès de ce king du collant qu’est Wolford, Andreas Aschauer-Martinelli passera quatre ans et demi et y créera les premières collections de lingerie et de robes plutôt sexy.  » Inutile de préciser que j’adore l’univers de la mode féminine; j’y ai baigné des années durant et dès la prime enfance puisque mon frère est styliste textile. J’espère d’ailleurs que l’avenir me permettra de concevoir toutes sortes de choses pour le beau sexe au sein de Burlington. En vue de l’hiver 2002, j’ai réalisé, sans spécialement recourir au motif « argyle », des twin-sets, des gants, de petites robes, des chasubles, etc. que Burlington utilisera d’abord pour des séances photos ou des catalogues, avant de les produire en séries limitées. Dans nos projets figure aussi une ligne d’objets destinés à la maison. Voilà pourquoi nos campagnes de pub et nos catalogues laissent déjà apercevoir quelques plaids et coussins siglés Burlington.  »

Si le label allemand se tient à carreaux (1) et ne désire pas précipiter les choses en poussant trop loin les capacités de l' » argyle  » ( NDLR: l’usage, jusqu’à la corde, des carreaux  » Nova Check  » de Burberry, une autre marque redevenue très tendance depuis 1998, finit par lasser même les inconditionnels), il reste néanmoins ouvert aux idées stylées. Comme le souligne Andreas Aschauer-Martinelli avec cet humour mêlé de bon sens qui trahissent ses origines italiennes,  » chi va piano va sano « .

(1) Burlington possède toutefois 11 000 points de vente en Europe, dégage un chiffre d’affaires de près de 375 millions de francs (environ 9,5 millions d’euros) et occupe l’une des deux premières places sur le marché relatif à son secteur.

Carnet d’adresses en page 101.

Marianne Hublet

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