Oliver Toegemann était historien et Bernard Slegten juriste. Aujourd’hui, les deux complices, passionnés d’art et de décoration, conçoivent des aménagements d’intérieur d’un raffinement exquis. Et leurs préceptes, ils les ont appliqués à merveille dans leur belle maison uccloise des années 20.

D’origine allemande, Oliver Toegemann décroche un diplôme d’historien à l’université de Cambridge. En 1985, engagé par le Centre for European Policy Study, il débarque à Bruxelles. Puis il travaille pour une boîte de lobbying en matière de politique européenne. Quelques années plus tard, il fait la connaissance de Bernard Slegten, juriste dans un bureau d’études appartenant à son père. Peu après, le bureau est vendu. Oliver, de son côté, est  » lassé par l’Europe « . Cette rencontre est donc un signe du ciel et l’occasion de changer de vie. Tous deux adorent l’art et veulent travailler ensemble. Une bonne idée donnera le coup d’envoi à leur nouvelle carrière.

Oliver et Bernard décident d’aborder des artistes émergents et de leur demander de créer des objets utilitaires en édition limitée. Premier élu ? Anish Kapoor. Peu connu au début des années 90, la future star de l’art contemporain se prend au jeu et imagine un vase  » double « , empreint de la symbolique des pleins et de vides qui lui est tellement chère. Décliné en biscuit ou en verre givré, cet opus rencontre un immense succès. Les musées les plus pointus l’intègrent dans leurs collections, des galeries d’art l’acquièrent comme cadeau destiné à leurs clients.

Puis une collaboration avec Art & Language, groupe d’artistes conceptuels anglais, aboutit à l’édition de bibliothèques originales, très arty. Suivent des projets dans le domaine de l’art de la table avec les architectes Claire Bataille et David Chipperfield et la maison Wiskemann.  » Tout marchait très bien en termes de conception et de développement, mais sur le plan marketing nous étions nuls et avons fini par céder les activités « , confie Oliver Toegemann. Ces multiples expériences ont pourtant contribué à une notoriété certaine qui n’a pas échappé aux dirigeants de la société allemande Garpa,  » la Mercedes du mobilier de jardin « . Et voilà Oliver et Bernard promus au rang de designers ! Ils dessinent chaises longues et sièges de jardin, sont les premiers à combiner le teck et l’aluminium, conçoivent des accessoires en bois et plomb ou encore en pierre bleue.

Un soir, à un dîner, ils rencontrent François Schwennicke. Le patron de la maison Delvaux cherche un nouveau concept pour ses boutiques et vient de lancer un concours auprès des designers et des architectes d’intérieur. Oliver et Bernard y participent età l’emportent haut la main avec Gert Voorjans, architecte d’intérieur anversois.  » Nous avons reçu carte blanche. Cela dit, nous n’avons pas mis au point de concept global. Nous avons préféré travailler à la carte et sur mesure, en respectant chaque lieu et son environnement. A Bruges, la boutique occupe une maison du XIXe siècle, dans le centre historique. On a voulu se fondre dans ce patrimoine. A Knokke, nous avons opté pour le chêne non traité et son évocation de la plage. A Bruxelles, dans l’hôtel particulier sur le boulevard de Waterloo, le but était de retrouver l’esprit pur des volumes et des moulures, en y intégrant du mobilier discret et élégant. « 

Le bouche-à-oreille a fait le reste. Du jour au lendemain Oliver et Bernard sont devenus concepteurs-coordinateurs en architecture d’intérieur. Travaillant en étroite collaboration avec un ingénieur, un architecte et des architectes d’intérieur, ils relèvent tous les défis et s’adressent essentiellement à la clientèle particulière. Leur force ? Une sensibilité certaine et la cohérence du concept couplées à une grande rigueur budgétaire, une exécution irréprochable et le respect des délais et du budget.  » Nous n’avons pas la prétention de créer des £uvres d’art. L’important, c’est de réunir les idées, les désirs et les fantasmes du client et de satisfaire les besoins de toute la famille. Il faut que tout soit fonctionnel, adapté à la vie d’aujourd’hui. « 

Une symphonie pastel

Ces préceptes, les deux esthètes les ont appliqués à merveille dans leur propre maison. Le petit hôtel particulier des années 20, situé à Uccle, les a séduits par sa largeur inhabituelle de neuf mètres. Mais il a fallu repenser l’aménagement de fond en comble. Le propriétaire précédent, un médecin, y avait fusionné vies professionnelle et privée. Ainsi, au rez-de-chaussée étaient regroupés le cabinet de consultations, la salle d’attente et la cuisine. A l’étage se trouvaient la salle à manger et la chambre. Aujourd’hui, la distribution des espaces est plus logique. La maison a été entièrement tournée vers le jardin et vers la lumière grâce à de généreuses ouvertures dans la façade arrière.

Le rez-de-chaussée accueille les bureaux de la société dont ceux, très spacieux, d’Oliver et de Bernard. Les coloris sont doux et reposants, réchauffés par des accents  » brique  » de la bibliothèque et rouges destapis marocains. Dans la cage d’escalier, on fait une halte pour contempler les 15 photos de la superbe série Oceanscapes, très zen, du photographe japonais Hiroshi Sugimoto. L’esprit au repos, on pénètre dans l’immense salon de 55 m2 où tout est douceur, calme et raffinement. Le regard est aspiré vers une large perspective plongeant dans le jardin et la terrasse. Verte et fleurie, cette dernière a été installée par Oliver et Bernard et occupe toute la largeur de la maison.

La teinte subtile des murs, un mastic vert, flirte avec les tonalités douces et tendres des tapis et des canapés. Cette symphonie pastel en toile de fond met admirablement en valeur le mobilier éclectique, jonglant à merveille avec les différentes époques et origines : une table et un dressoir Empire, deux fauteuils des années 40, un  » nursing chair  » et une chaise suisse des années 50. Quelques £uvres d’une délicatesse exquise, dont l’arbre à feuilles roses de Blaise Drummond et la  » feuille  » d’Ellsworth Kelly parachèvent ce décor élégant, reposant et discret.

Le ton change dans la salle à manger. Ici, on dîne autour d’une table danoise des années 30, dans une ambiance chromatique plus pimentée, créée par le vert foncé des murs et les rayures multicolores des stores en soie et velours, tissés dans une manufacture florentine. Un vert foncé mais plus doux règne aussi en force dans la cuisine, petite, confortable, fonctionnelle et ergonomique. Le deuxième étage fait éloge d’une atmosphère très intimiste, interprétée dans un camaïeu beige et mastic. Aucun gadget superflu ou anecdotique, aucun détail ostentatoire ne viennent troubler la sérénité des chambres et de la salle de bains, conçues pour leur fonction première : le repos, le bien-être et une coupure totale avec le monde extérieur.

Par Barbara Witkowska / photos : Renaud Callebaut

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