Ancien danseur de l’Opéra installé au cap Corse, Pierre Fuger sculpte le bois flotté pour le transformer en meubles. Deux recyclages réussis.

Il a d’abord travaillé le bois flotté par nécessité. A une période difficile, Pierre Fuger décide de fabriquer ses propres meubles. Après avoir été danseur pendant quarante ans, puis chorégraphe pour les plus grands, de Johnny Hallyday à Michel Fugain, ce Parisien s’est retiré du show-business, lassé du star system, du strass et des paillettes. Tout arrêter pour mieux recommencer, tel était alors son credo. Le hasard lui a donné les clefs de sa renaissance. Parti à la pointe du cap Corse –  » Cela devait durer deux jours  » – il y est installé depuis sept ans. Pour cette  » Bretagne où il fait 30° huit mois sur douze « , aux paysages somptueux et où les habitants sont conviviaux, il a éprouvé un coup de coeur qui l’a poussé à quitter Paris et à s’installer loin de la foule, face à la mer.

Restait à subvenir, à ses besoins : le bois flotté s’impose à lui. Ce bois, sculpté par la mer, le sable et le vent, que l’on brûle pour se réchauffer lors des soirées d’hiver, il le recycle, improvisant un lit à baldaquin, un fauteuil ou un cadre.  » Longtemps on m’a considéré comme une bête curieuse « . Mais ses voisins ont fini par s’habituer à cet homme atypique et se sont mis à lui acheter ses oeuvres étranges qu’ils critiquaient auparavant. Certains restaurants ont exposé ses chaises, qui sont devenues une curiosité locale. Aujourd’hui, Pierre Fuger travaille peu. Après avoir été  » petit rat  » de l’Opéra à partir de l’âge de 12 ans, avoir connu la souffrance d’un rythme soutenu et difficile, il prend enfin le temps de vivre. Il produit trente à trente-cinq pièces par an, environ trois par mois, ce qui est peu au regard du temps qu’il passe à les construire : trois à quatre heures. Même si ce bois, salé par la mer, est aussi résistant que du teck et se travaille à la perceuse.  » Le plus long, explique-t-il, est de se procurer les branches. Je vais à leur recherche en bateau, dans des petites criques. Une magnifique balade, en attendant que le courant les apporte. La mer étant capricieuse et inattendue, elle ne fournit pas toujours ce que l’on cherche. Il m’arrive de rentrer bredouille.  » Opérant sa sélection rigoureuse, il a de nombreuses pertes :  » J’aime les bouts de bois tordus, dont le mouvement dessine celui du corps.  » C’est sans doute sa grande connaissance de l’anatomie humaine qui lui permet de réaliser des fauteuils confortables, avec une excellente assise et des accoudoirs à la bonne hauteur.

A ses oeuvres, Pierre Fuger ajoute parfois de la lauze, des belles pierres corses gris bleuté.  » Et sur mes sculptures, j’incruste un galet blanc, ma signature.  » Il dispose ensuite ses objets sur sa terrasse qui surplombe la mer et dans sa maison, où même le trône des toilettes est en bois flotté. A la  » casa del maboule « , le nom attribué par ses amis attendris,  » les gens passent, je leur offre un verre, on discute beaucoup « , raconte l’artiste. Libre à eux de repartir avec l’objet de leur convoitise.

Maya Lebas

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