Française depuis 1667, quand Louis XIV prit possession de la région, Lille semble de plus en plus attachée à ses racines pré-hexagonales, très proches des nôtres.

De Métropole du Nord qu’elle était naguère sans remords, la ville se profile aujourd’hui davantage comme capitale des Flandres. Mais c’est la richesse de son passé qui l’a façonnée. Comté de Flandre, Etats bourguignons, Pays-Bas espagnols puis autrichiens : une histoire, commune avec une large partie de la Belgique, qui se retrouve dans l’architecture des bâtiments de la ville ancienne, en particulier cette superbe Vieille Bourse érigée en 1652-1653. Dans le palais Rihour également, dont les modestes vestiges sont occupés par l’office de tourisme. Ou encore dans l’élégant Hospice Comtesse, témoin d’une  » maison religieuse flamande du XVIIe siècle « . Les carreaux imitent le Delft, les buffets à deux corps viennent d’Anvers et les portraits de souverains sont ceux de Philippe le Bon, Charles le Téméraire…

Ce Vieux Lille est fort étendu vers le nord. En témoigne la Porte de Gand, qu’il faut regarder de l’extérieur : pour son blason, mais aussi pour le pont qui enjambe toujours le fossé, comme jadis. Plus à l’ouest, c’est la plus récente cathédrale Notre-Dame de la Treille qui se met en vedette. Inachevée pendant plus d’un siècle, elle ne reçut une façade qu’en 1999 ! En fines dalles de marbre, qui paraissent translucides vues de l’intérieur. A l’extérieur, il faut (aussi) en faire le tour par l’arrière pour découvrir, côté jardin, les très anciennes maisons bordant la rue de la Monnaie. Une importante artère commerçante où l’on repère des magasins de décoration comme Ellen Desforges et Jean Maniglier.

QUAND LA FRANCE ENTRE EN SCÈNE

La rue débouche, dans le haut, sur la place du Concert, où le marché du dimanche attire la bourgeoisie lilloise. Singulier contraste avec le populaire et très coloré marché de Wazemmes, qui se tient au même moment beaucoup plus au sud… Au Concert, on entre dans le  » quartier royal  » dessiné à la fin du XVIIe siècle, pour marquer la nouvelle nationalité de la ville. On y visite la maison natale de Charles de Gaulle et on y admire les beaux hôtels de maître de la rue Royale.

Après la conquête, la France s’empressa de construire des forts dans la région, dont la très vaste Citadelle de Lille, chef- d’oeuvre un peu méconnu de l’infatigable Vauban. Occupée par des services de l’OTAN, elle ne se visite (le dimanche) que sur rendez-vous auprès de l’office de tourisme, avec accompagnement d’un militaire en armes. L’agréable promenade verte qui en fait le tour mêle joggeurs, cyclistes et promeneurs. Ces derniers s’y rendent en famille, peut-être après une visite du zoo et du parc Vauban voisins, et avant un petit tour en bateau Isnor menant jusqu’au port fluvial.

Il fallait sécuriser la région conquise, mais aussi l’impressionner : c’est à la gloire de Louis XIV que fut érigée la pompeuse Porte de Paris. Construit deux siècles et demi plus tard, l’immense hôtel de ville lui fait face, dominé par un beffroi inscrit au patrimoine de l’Unesco. Quatre étages à grimper à pied… pour accéder à un ascenseur salvateur. Ce même quartier Saint-Sauveur recèle un petit bijou : l’ancienne gare de marchandises, dont le vaste hall B accueille des expositions d’art contemporain sur un mode ludique, avec espaces pour enfants. Réjouissant !

DE BÉTON ET DE VERT

La prospérité industrielle du XIXe siècle engendre quelques bâtiments imposants, tels l’Opéra (très) inspiré par celui de Paris, et, tout à côté, la Chambre de Commerce, surmontée d’un beffroi de 76 mètres. Le commerce triomphant. Plus au sud – direction dans laquelle la ville s’étend alors résolument -, la Préfecture fait face au Palais des beaux-arts. Est-il le deuxième musée de France, comme on l’affirme ici, ou bien est-ce celui de Lyon, comme on le prétend là-bas ? Il possède en tout cas quelques jolis impressionnistes et bon nombre de toiles hollandaises et flamandes, dont un Breughel le Jeune et plusieurs Rubens. Au sous-sol, une pénombre protectrice abrite les fameux plans-reliefs des villes de la région. Celui de Tournai en impose.

Meurtrie dans les années 70 et 80 par l’effondrement de la sidérurgie et du textile, Lille joue la carte du TGV pour terminer le siècle en beauté. La ville crée le quartier Euralille autour de la gare Lille Europe, sous la signature d’architectes renommés : Christian de Portzampac, Jean Nouvel et Claude Vasconi. Pari largement gagné : tant la gare que le centre commercial voisin sont aujourd’hui au coeur de l’activité économique de la cité. Il suffit toutefois de passer sous le viaduc menant à la gare pour goûter à la quiétude du parc Matisse, mi-champêtre, mi- forestier, et à la nostalgie de la porte de Roubaix (1620), que ne traversent que de rares piétons… et des rails de tram témoignant d’une époque révolue.

LA MODE À ROUBAIX

C’est dans le domaine technique que le textile redresse la tête depuis quelques années, mais la mode suit, plus timidement. Tandis que les enseignes reconnues monopolisent les rues de la Grande Chaussée et avoisinantes, les boutiques indépendantes se retrouvent notamment dans la rue de la Clef, toute proche. A l’instar de Julie Meuriss (maroquinerie), qui a débuté dans une  » maison de mode  » bénéficiant d’un soutien public. Envie de rencontrer ces jeunes stylistes qui se lancent ? Direction Roubaix, où elles accrochent le chaland aux alentours du sympathique musée La Piscine. On s’y rend en empruntant le VAL, premier métro automatique du monde, lancé en 1983. Descente à l’arrêt Gare Jean Lebas de la ligne 2. Et pour vivre la tradition textile de la région, rendez-vous au musée La Manufacture des Flandres, un peu plus loin (bus 15 ou 16). Explications claires et démonstrations édifiantes sur plusieurs métiers remis en activité.

Retour à Lille pour le shopping, avec une adresse textile encore : le Gallodrome, temple du tee-shirt original. Pour les produits de bouche, deux boutiques du Vieux Lille promeuvent les spécialités locales : l’Estaminette et l’Abbaye des Saveurs. Cette dernière est spécialisée dans les bières… que l’on déguste passé le coin de la rue, à La Capsule. Autre fan de Gambrinus : les Bières de Célestin, un bloc plus loin. Deux adresses incontournables, enfin, pour le plaisir des yeux comme du palais : L’Huitrière pour ses fruits de mer et Méert pour ses pâtisseries, de vénérables commerces arborant un décor historique chatoyant.

PAR PIERRE LECOMTE

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