Chinois, indiens, canadiens. ces vins se font encore discrets dans les rayonnages, mais méritent toute notre attention. Et si, vous aussi, vous goûtiez aux tout nouveaux crus de la planète vinicole.

Lorsque voici une petite trentaine d’années, Delhaize, un de nos grands distributeurs, importa ses premières bouteilles de vin chilien, personne n’imaginait qu’aujourd’hui il référencierait une cinquantaine de crus du Chili. L’initiative annonce le début d’une mondialisation de l’offre des vins en Belgique. La Bulgarie (grâce à des prix très discount), l’Australie, l’Afrique du Sud et puis la Nouvelle-Zélande et l’Argentine suivirent pour s’imposer dans les rayonnages de nos distributeurs et aussi chez les cavistes.

Et demain ? Si le consommateur belge reste classique dans ses achats, il est toutefois devenu zappeur. Mais est-il prêt pour l’achat de rouges et de blancs provenant d’autres pays encore ? Des pays dont la culture viticole et le vignoble lui sont inconnus mais ne cessent pourtant de progresser en qualité ?

L’Inde, par exemple. Son milliard d’habitants consomme d’abord et surtout de la bière (1,5 milliard de litres par an), du whisky local (900 millions de litres) mais aussi de plus en plus de vin, environ 9 millions de litres, une progression de 20 % tous les ans. Des vins importés mais également – et crescendo – ceux en provenance des 57 000 ha de vignes, la moitié du vignoble bordelais, situées principalement dans l’ouest du pays. Trois sociétés produisent la majorité des vins indiens. Indage qui a établi un partenariat avec le champenois Piper-Heidsieck, Sula et Grover. Cette dernière a sollicité les conseils à la fois de Veuve Clicquot (groupe Moët-Hennessy) et du  » flying winemaker  » bordelais Michel Rolland.

D’autres producteurs, et non des moindres, s’intéressent à l’Inde. Moët-Hennessy, encore lui, via sa filiale, a lancé une gamme complète. L’américain Gallo est sur place et a lui aussi créé une filiale tandis que l’espagnol Torres et l’australien Hardy sont en joint-venture avec des opérateurs locaux. Ceux-ci bénéficient d’avantages fiscaux et notamment de réductions d’impôts.

En Chine, le pays le plus peuplé de la planète, on connaît le vin depuis 2000 ans. Dès la fin des années 1970, la viticulture y est devenue une locomotive, voire même un TGV, de la croissance du vignoble mondial. Son extension est considérable et aujourd’hui l’empire du Milieu dispose de 359 000 hectares de vignes ce qui le place au 6e rang mondial en termes de superficie et de production. L’État chinois encourage cette culture afin notamment d’essayer de faire baisser la consommation d’alcools forts. Des alcools souvent à base de riz, un aliment de base dont les dirigeants craignent une pénurie. Parmi les 500 producteurs, on retrouve ici aussi des partenariats entre Français et Chinois.

Pernod-Ricard, toujours n°2 mondial des vins et des spiritueux, est également présent au Brésil où la tradition viticole remonte à 1875. Les Brésiliens boivent davantage de vin. Et en produisent sur 88 000 hectares. L’exportation ? Seulement 2 %… Mais la volonté d’avoir une présence plus marquée est réelle à l’étranger. En juin dernier, le Brésil était d’ailleurs officiellement présent au grand rendez-vous des professionnels qu’est Vinexpo à Bordeaux. Ici, les vignerons sont souvent d’origine italienne, portugaise et allemande. Benoît Tarlan, Champenois, y élabore un mousseux issu de chardonnay, pinot noir et riesling. Tandis que Chandon produit un  » méthode traditionnelle  » depuis 1973 et le vend uniquement au Brésil.

Au Canada, depuis une dizaine d’années, l’essor de la viticulture est sans précédent. Malgré bien des aléas : climat souvent rude, prohibition et contraintes imposées à la commercialisation. Autre handicap : le scepticisme ambiant d’une population qui ne semble pas vouloir y croire. La Colombie-Britannique avec ses 27 000 acres (environ 11 000 hectares) accueille également dans la péninsule du Niagara des producteurs étrangers dont le très important groupe bourguignon Boisset. Mais à côté de gros producteurs, on compte aussi ici de nombreuses  » Cottage Wineries « , de petites entreprises familiales très populaires et qui élaborent des vins personnalisés. Dont le fameux  » vin de glace « .

 » Les vins canadiens sont chers donc invendables actuellement, estime Stefaan Wauters, responsable des achats chez Delhaize. Et pourtant, il y en a de très bons issus des cépages chardonnay et pinot noir. Nous avons commercialisé des vins chinois durant les Jeux olympiques de 2008 et écoulé environ 120 000 bouteilles d’un blanc et d’un rouge. Ils n’étaient pas vendus très chers et puis il y eut le facteur curiosité. En réalité, il y a très peu de demandes pour les crus chinois, indiens, brésiliensà Lorsque Delhaize s’est intéressé au Chili, il s’agissait de trouver une alternative aux bordeaux dont les prix étaient à la hausse. Le coût des vins chiliens a été à la base de leur succès. Et puis le Belge semble actuellement se replier sur les flacons traditionnels, pas seulement français mais aussi espagnols et italiens. « 

Miguel Saelens, caviste à Bruxelles, a référencé 600 vins en provenance de 30 pays.  » Il existe deux types de consommateurs, les curieux et les traditionnels. Une fois que l’on a goûté un vin hors Europe et si l’expérience est positive, on effectuera d’autres achats. Par exemple, si l’on apprécie les chiliens, on ne devrait pas ressentir d’a priori pour les vins voisins d’Uruguay ou du Brésil. L’approche est différente pour ceux de Chine et d’Inde qui ne bénéficient d’aucune image sinon celle, guère positive, de  » copies  » sans personnalité. Sans omettre la démarche écolo qui fustige le coût et la pollution dus au transport.  » Un facteur d’achat à ne plus négliger.

Par Patrick Fiévez

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