Christine Laurent
Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

(*)  » L’Homme nomade « , Fayard.

Elle en a déjà vu de toutes les couleurs. Mais de l’écarlate, ça c’était une première. Pour accueillir récemment le président chinois Hu Jintao, la Tour Eiffel s’affichait dans un rouge flamboyant, digne de la couverture du petit livre de Mao. Quand on aime, on ne lésine pas. Car la France fait les yeux doux à la Chine. Et pas seulement les grands patrons d’industrie. Déjà, dans leur coin, les pros du voyage s’agitent, la calculette à la main. L’Organisation mondiale du tourisme l’a juré, d’ici à 2020 pas moins de cent millions d’honorables citoyens de l’Empire du Milieu devraient déferler dans nos contrées. Un boom aussi spectaculaire que prometteur.

Mais le mouvement migratoire s’organise dans l’autre sens aussi. Les Occidentaux sont toujours plus nombreux à rêver d’une initiation, sur place, au go et au très zen mah-jong. Sans oublier le tai-chi-chuan, le yang et le yin ou, pourquoi pas ?, le kung-fu. Un voyage au goût encore laqué mais déjà drôlement balisé. Car au pays du confucianisme, on s’organise aussi pour accueillir des visiteurs certes exigeants, mais qui ont bien perdu, au fil du temps, toute velléité aventureuse.

Alors que l’expédition, la vraie, est de plus en plus à portée d’espadrilles, les candidats au départ dans l’insécurité et l’ignorance du lendemain se font, en effet, chaque saison plus rares. Bien sûr, ils aspirent toujours à briser la routine, mais avec la garantie de revenir sain et sauf. Disparus le besoin de liberté, l’aptitude au risque, l’anticonformisme et le désir d’explorer. Aux périls tous risques, ils préfèrent désormais l’exotisme sur catalogue.

Il n’empêche, ils bougent. Sur les six milliards d’âmes que compte aujourd’hui notre planète, les immigrants, voyageurs du travail ou pour leur plaisir seraient quelques dizaines de millions. L’homme du xxie siècle est un véritable oiseau sur la branche. Toujours prêt pour l’escapade, le vagabondage. La faute à la mondialisation, prétend l’écrivain Jacques Attali. Qui rappelle aussi, dans un ouvrage pointu (*) que les fondements de notre société sont bel et bien nomades.  » S’il veut survivre, le nomade des temps futurs devra être à la fois un nomade et un sédentaire et il devra retenir la formidable histoire des nomades des temps passés : marchands, musiciens, pirates, intellectuels, découvreurs, voyageurs, qui forment la force majeure des cultures et des civilisations « , recommande-t-il. A l’heure de l’élargissement de notre bonne vieille Europe, un rappel pertinent à méditer.

Christine Laurent

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