Serge Cajfinger se décrit volontiers comme un  » habilleur « . Créateur et directeur artistique de la marque Paule Ka, il lui insuffle une élégance mêlée d’intemporalité. En exclusivité pour Weekend, il commente sa nouvelle collection taquine.

A Paris, le quartier du Marais grouille de vie. C’est au beau milieu de ce joyeux méli-mélo que Paule Ka a installé ses bureaux dans un immeuble discret. Ils affichent d’emblée des lignes épurées et des tonalités neutres. Inondé de lumière, le showroom est le poumon de la maison. Sous le regard bronzé de la campagne d’été, la collection d’hiver attend son heure. Charmant, Serge Cajfinger fait son entrée. Sa tenue annonce la couleur à la fois classe et fantaisiste. Pour le haut, il a opté pour une veste brun foncé, un pull anthracite et une chemise blanche classique. Plutôt dépareillé, le bas se compose d’un jeans en denim gris et de baskets tachées de léopard. Le créateur, aux cheveux poivre et sel, serait-il indomptable ? La question le fait sourire et le renvoie au petit garçon qui n’a pas changé.

Polka à la sauce Bossa

Né à Lille, Serge Cajfinger a grandi sous les auspices ensoleillés du Brésil. Aujourd’hui encore, il reste très attaché à ce pays qui respire la joie de vivre.  » Les gens y sont gais, respectueux et  » muito caloroso  » (très chaleureux), j’adore ça !  » confie-t-il joyeusement. Un tel bagage serait-il une aubaine pour un styliste ?  » Oui, il enrichit l’inspiration, poursuit le créateur. Au Brésil, la sensualité est si explosive qu’il est impossible de rester insensible à la beauté des corps.  » Les créations de Cajfinger allient le chic coquin à la française à la sensualité latine. Dans le droit fil des shoppings parisiens et new-yorkais dans lesquels sa mère, très coquette, l’entraînait. C’était dans les années 1960 qui voyaient l’explosion de nouveaux créateurs comme Courrèges, Saint-Laurent et Kenzo.

Adolescent, Serge Cajfinger poursuivra pourtant un tout autre chemin. De retour à Lille, il travaille comme étalagiste à la boutique Saint Laurent Rive Gauche.  » C’est là que j’ai appris à connaître les femmes et la réalité des clientes, affirme-t-il. S’il est important de les faire rêver, il est encore plus fondamental d’être à l’écoute de leurs envies et de leur vie. Elles attendent de nous qu’on les rende belles.  » Dingue de fringues, l’ado passe beaucoup de temps à faire du shopping, même en vacances à Knokke. Consciente de son  » virus modeux « , sa mère lui propose alors de se joindre à elle et à sa s£ur, Paule, pour l’ouverture d’un magasin multimarques. Unissant leurs noms, Serge imagine alors Paule Ka, dont la consonance évoque, selon lui, la polka. Fort de cette expérience, il lance sa première collection éponyme en 1987.

Raffinement constant

Avec la griffe Paule Ka, le rêve d’enfant devient donc réalité.  » A travers elle, je désirais offrir de l’élégance et du bien-être, confie Serge Cajfinger. Personnellement, j’adore le mot chic qui est lié à toute une attitude. Elle va de pair avec un grand respect de soi et des autres. N’est-il pas agréable de se mettre en valeur et d’être beau à regarder ?  » Le créateur se dit ébloui par  » le pouvoir de séduction, la détermination et le savoir-faire des femmes « . Aujourd’hui comme hier, Grace Kelly, Jacky Kennedy et Audrey Hepburn restent ses muses. On les imagine aisément dans la petite robe noire ou le twin-set maison.  » Cela fait dix-sept ans que je renouvelle le côté glamour de ces inspiratrices, poursuit-il. En les inscrivant dans la continuité, les jeunes stylistes partagent mon avis. Peut-être est-ce un fantasme, mais l’héroïne que je dessine pour Paule Ka est un mélange de toutes ces femmes. Elle ne prend vie qu’une fois descendue dans la rue. Même si les photos anciennes m’inspirent, je ne peux pas me contenter de faire du rétro. Il faut actualiser les bons côtés du passé et les moderniser.  »

Serge Cajfinger ne cherche pas à changer les diktats de la mode, mais seulement à préserver la part de mystère des femmes. Carriéristes, épouses et mères, elles sont multiples. Aussi leur garde-robe doit-elle correspondre à ce profil pluriel. La femme Paule Ka n’est pas une fashion victim. Elle se connaît et sait où elle va. Equilibrée et pleine d’humour, elle travaille, voyage et fait ce qu’elle aime. Mais elle a surtout envie d’être bien habillée du matin au soir.  » J’ai traduit ma passion pour l’architecture dans mes coupes, enchaîne le créateur. Les lignes pures sont rehaussées d’une petite touche qui fait toute la différence. Mais je suis également sensible au toucher. J’adore travailler les belles matières. La vie est si lourde que je lui insuffle un peu de légèreté. L’allure, le confort et la douceur sont primordiaux.  » Dans ses collections, Paule Ka privilégie donc la soie, le cachemire, le coton, la laine fine et la flexibilité du Lycra.

L’été  » sweet eighties  »

Ancrée dans les années 1980, sa ligne printemps/été 2006 célèbre la joie de vivre d’une cachottière, mi-baby doll , mi-icône glamour. Le créateur avoue d’ailleurs s’être laissé porter par les photos de Guy Bourdin et de Gilles Bensimon, ainsi que par les toiles joviales de David Hockney.  » Après l’hiver, je voulais raviver le dynamisme et la gaieté, affirme-t-il. J’ai donc croqué une femme coquine et coquette.  » Communicative, son envie de plaire transparaît d’ailleurs dans une foule de détails subtils et dans des robes gourmandes. On y retrouve les contrastes chers à Cajfinger, comme le noir et le blanc, le structuré et le fluide. Il en va ainsi du top moulant argenté, tendance disco, porté sur un pantalon over-size, en satin de coton blanc. Comme d’habitude, le noir est très présent.  » J’adore ce beau ton, amincissant et facile à mettre, enchaîne le créateur. Mais à l’instar d’un phare, j’aime y ajouter une pointe de couleur. Cet été, il se marie au blanc, au paille ou au rouge. Je propose aussi des pièces orange et fuchsia.  » Parmi les musts, une mini robe-bustier ballonnée (noir et blanc, rehaussée d’un gros n£ud), une robe en c£ur et un gilet dos nu couleur métal. Pour le soir, une indémodable somptueuse robe noire drapée en jersey qui valorise la silhouette.

 » Pour compléter ma collection actuelle, j’envisage de créer bientôt une ligne de lingerie, confie-t-il. Ces vêtements du dessous porteraient les codes Paule Ka. Je prends aussi énormément de plaisir à créer des accessoires. En tant qu’habilleur, j’aime ponctuer une silhouette d’un sac, d’un chapeau ou d’une paire de chaussures. Symbole de coquetterie, ces éléments magnifient le charme d’un vêtement.  »

Le bal des détails

Chez Paule Ka, le chapeau se décline, cet été, en version visière chic. Autre clin d’£il aux années 1980, les chaussures à talons hypercompensés, en version blanche et argentée. L’ombre d’Audrey Hepburn surgit également dans la grâce des ballerines et des sacs ou chaussures en dentelle. Tradition oblige, le panier Paule Ka s’enrichit de pin’s métalliques ou de dorures, accompagnées de python.  » Un jour, le fils d’Audrey Hepburn m’a appelé, se souvient Serge Cajfinger. Il avait retrouvé une photo de sa mère avec un panier et un manteau en fourrure. Quelle allure !  » Superbe, cet accessoire culte inspiré par la comédienne remporte aussi un franc succès auprès des Belges. Le créateur souligne au passage qu’il adore notre pays, Bruxelles et Anvers en particulier.  » Les femmes y sont élégantes et raffinées, ajoute-t-il. Je suis très touché par leur fidélité.  »

Dans un futur proche, Serge Cajfinger rêve d’ouvrir de nouvelles boutiques ( NDLR : Paule Ka en compte déjà 32).  » A Paris, je cherche un lieu qui a une histoire. J’aimerais aussi inaugurer une boutique en Espagne et, pourquoi pas, à Knokke ! Pour moi, l’énergie est un moteur. J’en ai tellement que je la canalise en imaginant mille et un projets, car la création me donne des ailes. Heureusement, la méditation m’aide aussi à être en phase avec moi-même et les autres. Apprendre et échanger sont les valeurs essentielles de ma vie.  »

Carnet d’adresses en page 98.

Kerenn Elkaïm

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