Inès de la Fressange, incarnation pétillante et parfaite du chic à la parisienne, renoue avec Chanel et Karl Lagerfeld. Le  » mannequin qui parle  » n’a pas changé, et la cinquantaine lui va bien.

Dans les jardins à la française imaginés par Chanel, elle avance, légère et élancée. C’était le 5 octobre dernier, pour la présentation de la collection prêt-à-porter printemps-été 2011. Une beauté sereine et gracieuse, qui déclenche flashs et applaudissements sur son passage. Qu’importe si elle est trois fois plus âgée que ses collègues mannequins d’un jour. Dans sa longue robe noire transparente, Inès de la Fressange est radieuse. Elle sourit, profite de l’instant, et en impose, presque malgré elle.

Le dernier défilé de cette grande liane  » à l’allure d’un balai-brosse  » – c’est elle qui le dit, on jugerait plutôt le contraire – pour la maison de la rue Cambon remonte à 1983 déjà. Sept années comme égérie et muse de Karl Lagerfeld. Une première, dans l’histoire de la mode. Jamais, par le passé, un contrat d’exclusivité n’avait en effet uni une griffe de luxe à une top-modèle. Mais il ne s’agit pas de n’importe laquelle d’entre elles : une beauté androgyne, dont la ressemblance avec Mademoiselle est troublante – toutes deux incarnent par ailleurs la quintessence de la Parisienne, alors que, paradoxe, elles ont grandi en province. C’est une belle qui a aussi des choses à dire, un fait rare, on la surnomme même  » le mannequin qui parle « . Elle a un style bien à elle. Distinguée et gouailleuse à la fois, Inès de Seignard de la Fressange défile comme elle se promènerait en rue, emmène son chien sur le podium. Zigzague, s’amuse.

 » C’est le naturel, la spontanéité, le bon sens et la gentillesse avec lesquels Inès a mené sa carrière de mannequin, puis sa vie de femme, qui touchent toutes les femmes, estime Jean-Jacques Picart, consultant mode et luxe, l’un des premiers à avoir cru en son talent. Elle maîtrise les contraintes liées à sa beauté et à sa célébrité. Elle aime les médias, mais n’est pas leur esclave. Elle aime la mode, mais n’est pas une fashion victim. Elle travaille avec sérieux pour gagner sa vie et élever ses deux filles ( NDLR : Violette, 11 ans, et Nine, 17 ans, égérie du premier parfum Bottega Veneta, attendu en septembre prochain). Elle donne l’image d’une vie presque normale, juste un peu sublimée, juste un peu plus belle que celle de tout le monde… C’est cet équilibre rare entre normalité et extraordinaire qui fait d’Inès à la fois une icône dont on se sent proche, une amie qu’on a envie d’avoir, et un modèle qu’on croit facile d’imiter.  »

À la fin des années 80, la jeune femme est tellement populaire que l’association des maires de France souhaite que le buste de Marianne, qui trône dans toutes les mairies de France, soit façonné à son image. Une idée qui n’est pas au goût de Karl Lagerfeld, qui trouve  » vulgaire  » d’habiller  » un monument « . Inès s’entête. Leur relation tourne à l’orage, et la rupture est consommée, en 1991. Jusqu’à ces retrouvailles officielles en octobre dernier, lors du dernier défilé prêt-à-porter de Chanel.  » J’apprécie les femmes de toutes les générations, confie le créateur allemand, directeur artistique de Chanel. Inès, c’est quand même l’idole de départ. Je souhaite à toutes les femmes d’être comme elle au même âge. C’est un miracle de la nature ! « 

Et si la top aime à dire qu’elle s’éloigne désormais de son miroir, pour mieux évaluer son allure générale, jamais elle n’a semblé aussi bien dans sa peau qu’aujourd’hui, à 53 ans.  » Inès a traversé les modes sans jamais se casser la figure, avec beaucoup de simplicité et d’élégance, considère Marin Montagut, qui a réalisé dernièrement un documentaire sur elle. C’est une belle personne, très généreuse. Elle fait beaucoup rire, ce qui cache aussi les peines qu’elle a eues.  » Des moments plus difficiles, comme lorsque son mari décède d’une crise cardiaque en 2006. Ou le licenciement de sa propre marque de mode avec interdiction à l’avenir d’exploiter commercialement son patronyme.

Mais Inès a su rebondir. Saisir le défi que lui proposait Diego Della Valle, patron de Tod’s, et rénover la marque de chaussures Roger Vivier, en tant qu’ambassadrice et directrice artistique de la griffe de luxe, aux côtés de Bruno Frisoni. Une mission accomplie avec succès – elle vient par exemple de définir l’identité olfactive de la maison, avec la création de cinq parfums -, mais qui ne l’a pas empêchée de publier dernièrement le livre La Parisienne, aux éditions Flammarion (*). Un best-seller déjà, dans lequel elle détaille ses secrets de beauté, astuces de styles et bonnes adresses de boutiques et bistrots. Histoire que chacun d’entre nous puisse goûter à ce chic à la parisienne. Généreuse, on vous le disait.

(*) La Parisienne, par Inès de la Fressange et Sophie Gachet,

Flammarion, 2010.

CATHERINE PLEECK

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