Chez Irina Khä, la mode est une affaire de famille : il y eut l’arrière-grand-père tailleur de son métier, les grands-parents, puis les parents et désormais les filles. Bon sang ne saurait mentir.

Dans la famille Irina Khä, je demande les filles. Sur la photo, en commençant par la droite, il y a l’aînée, Morgane, à ses côtés, Salomé, vingt mois de différence –  » quand on était petite, on nous prenait pour des jumelles « . Il y a aussi le décor, la boutique familiale, 1 000 m2 de luxe sur deux étages contemporains donnant sur la rue du Pot d’Or à Liège. Par contre, vous ne verrez pas les parents, Michel et Catherine Lindenberg, le binôme parfait, qui pour le coup jouent un peu les timides, ce qui n’enlève rien à leur fierté visible devant cette belle descendance qu’ils n’auraient jamais imaginé voir intégrer le navire.  » A mes filles, j’ai appris la rigueur mais je pense que j’apprends encore bien plus d’elles « , dit-il tandis qu’elle renchérit :  » Elles ne fonctionnent pas du tout comme nous, mais c’est du bonheur.  »

Dans la famille Irina Khä, on porte le prénom de la grand-mère en devanture. Car ici, on est dans la mode de façon transgénérationnelle. Une affaire familiale, cela a forcément des racines. Les grands-parents des deux demoiselles, Irma, dite Irina, et Samuel, fils de tailleur, tenaient une boutique de cuir et de daim, c’était alors en vogue, on était dans les années 70, ils vivaient au-dessus de leur commerce dans un appartement minuscule, celui-là même où Michel grandira. Il en reprendra d’ailleurs les rênes, proposant à sa jeune épouse Catherine de se lancer avec lui, mais en abandonnant les peaux pour se concentrer sur le luxe et  » étendre leur marché, parfums, accessoires, chaussures, bijoux… « . Avec, en guise d’étendard, et depuis trente-cinq ans, le goût très sûr de sa dame de coeur qui aimait Marithé et François Girbaud, Kenzo, Christian Lacroix et Jean Paul Gaultier, liste à laquelle il faudra plus tard ajouter d’autres coups de coeur, Miu Miu, Saint Laurent, Prada, qu’elle a fait découvrir à toutes celles qui poussent la porte de leur multimarques. Pour autant, Catherine Lindenberg n’a jamais eu de mal à convaincre ses clientes, c’est peu de dire que la passion l’anime et que cela compte dans le métier. D’autant plus qu’elle a toujours su  » garder le cap « , imprégnant le tout de son style  » un peu intemporel, classique et moderne, tendance rock – le noir est ma couleur « .

Dans la famille Irina Khä, on se passe donc le flambeau, sans que ce soit une exigence tacite.  » J’ai toujours donné à mes filles la liberté de tracer leur sillon, confie le père. Quand Morgane m’a demandé officiellement d’entrer dans l’affaire, il y a trois ans, ce fut une grande surprise. Et il a fallu qu’elle me fasse une lettre de motivation, on ne voyait pas quelle place elle allait occuper…  » La jeune femme a dû batailler ferme pour convaincre ses parents, mais elle avait pour elle d’avoir  » fait ses griffes ailleurs  » : année sabbatique à Londres, études de management à Solvay, job à Paris chez GDF-Suez. La soeurette, elle, n’était pas en reste : voyages en Australie et en Espagne, études d’histoire de l’art à l’ULB avec master en gestion culturelle, elle n’imaginait pas qu’un jour, il y a onze mois de cela, elle avait alors 27 ans, Morgane lui demanderait de rejoindre l’équipe pour développer l’e-shop. Sûr qu’elle a dit oui.

Sur la photo de famille, enfin, manque la benjamine, Joane, 24 ans,  » l’artiste  » qui a étudié le théâtre au cours Florent et pour qui l’avenir n’est pas ici,  » cela ne lui parle pas du tout « , confie la mère qui ne regrette rien, elle qui avait prévenu ses enfants –  » c’est un métier difficile, cela demande beaucoup de sacrifices  » – mais c’était plus pour les protéger que pour les effrayer. Elle est émouvante, la flamme qui s’anime soudain dans le regard maternel quand, avec fougue et en guise de conclusion, elle se fait la porte-parole de sa tribu :  » C’est une belle aventure.  »

Irina Khä, 12, rue du Pot d’Or, à 4000 Liège. Tél. : 04 221 21 35. www.irina-kha.be

PAR ANNE-FRANÇOISE MOYSON

Un style  » un peu intemporel, classique et moderne, tendance rock ».

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