Aujourd’hui, le Grenoblois, 37 ans, est le seul pilote français de F1. Son expérience, une carrière toujours sagement pensée et son inébranlable détermination sont, avant tout, au service de Panasonic Toyota.

Silverstone en Angleterre. 19 h 30. Les derniers essais officiels du Grand Prix d’Angleterre sont terminés depuis quelques heures. Dans le paddock sévèrement gardé où sont rangés les uns aux côtés des autres les luxueux motor-homes des différentes écuries, le calme revient peu à peu. Seuls quelques mécaniciens ou membres des écuries assurent ici et là quelques derniers rangements. Dans le motor-home de Toyota F1, le climat est pour une fois mitigé. Olivier Panis, le premier pilote de l’écurie, n’a réalisé durant ses derniers essais qui assureront sa position sur la grille de départ qu’un petit treizième temps alors que son cadet, le Brésilien Cristiano Da Matta, signe une fort honorable sixième place. Bons ou mauvais résultats, les pilotes sont pourtant amenés à effectuer en cette veille de Grand Prix, quelques relations publiques : serrer des mains, s’entretenir avec la presse et quelques VIP britanniques. L’arrivée dans le motor-home d’Olivier Panis est très discrète. Sur son visage fermé se lit instantanément la contrariété. Il faut pourtant qu’il fasse bonne figure. A l’écart, Anne, son épouse, l’attend en lisant calmement un livre. Dans une petite heure, ce monsieur très tranquille, père de trois enfants, partira calmement bras dessus, bras dessous avec elle. Mais ne nous trompons pas, derrière cette image débonnaire et sereine se cache un pilote à la détermination de fer. A 37 ans tout juste sonné (il est né le 2 septembre 1966), Olivier Panis sait que le temps lui est compté et qu’il devra bientôt céder sa place à plus jeune que lui. Son souhait le plus cher avant cette retraite forcée serait qu’avec Toyota, il gagne un jour le championnat. Les dirigeants de la marque japonaise viennent de reconduire son contrat de pilote titulaire jusqu’à la fin 2004. Une année qui devrait dès lors s’annoncer pour lui riche en événements et en résultats mirifiques. Rencontre.

Depuis notre dernière rencontre il y a plus de cinq ans, (Weekend/Le Vif/L’Express du 27 mars 1998) alors que vous étiez dans l’écurie d’Alain Prost, quel regard portez-vous sur votre carrière ?

Ces années ont vraiment été pour moi des années marquées par un changement radical. Après avoir quitté Prost, j’ai voulu réévaluer mon potentiel et je suis parti chez McLaren comme pilote de développement. Très vite, j’ai été rassuré sur ma valeur car je me suis aperçu que ma vitesse de pointe et ma compréhension technique étaient toujours à un très haut niveau puisque je suis parvenu très vite à tourner dans des temps très similaires à ceux des pilotes titulaires de l’époque. Cela m’a naturellement réconforté et remis en confiance. A ce stade, j’ai demandé à mon management de pouvoir repartir en course l’année suivante, ce qui a été accepté puisque mon manager Didier Coton a obtenu pour moi une place de titulaire chez BAR, où je suis resté pendant deux ans. Ces deux années avec BAR furent un peu en demi-teinte, et à la fin de mon contrat, il était important pour moi de partir vers une écurie supportée par un grand constructeur. Depuis le début de l’année 2002 j’ai vraiment travaillé très fort pour tenter d’approcher Toyota et je suis parvenu à enfin intégrer l’écurie en 2003.

Avez-vous encore des contacts avec Alain Prost ?

Je revois Alain de façon sporadique. Nous n’avons pas toujours été d’accord dans le passé sur un certain nombre de choses, mais sur le plan humain nous avons toujours gardé un bon contact.

Comment vous sentez-vous au sein de Toyota F1 ? Et d’après vous, quels en sont les points forts ?

Je pense que c’est une écurie qui a de grandes ambitions en F1. A mes yeux, sa plus grande force, c’est l’implication maximale et totale du grand constructeur automobile japonais, et le défi que ses dirigeants se sont lancés afin de réaliser une monoplace de F1 complète, châssis et moteur, sous le même toit.

Da Matta, le deuxième pilote Toyota, a moins d’expérience que vous dans le milieu de la F1. Que pensez-vous pouvoir lui apporter et au contraire qu’est-ce qu’il peut éventuellement encore vous apprendre ?

Cristiano est dans sa première année de F1. Donc pour lui c’est une grande découverte par rapport à la voiture qu’il conduisait l’année passée (NDLR : en 2002 Cristiano Da Matta a été champion de Cart). Pour l’instant, je lui apporte beaucoup plus qu’il ne m’apporte, ce qui est assez normal vu mon expérience de la F1. Ainsi, il utilise encore la plupart du temps les différents réglages que j’utilise. J’espère que d’ici à la fin de saison, nous pourrons essayer ensemble des choses différentes et échanger de plus en plus d’informations. Il travaille très dur et il est conscient que c’est ce qu’il doit faire pour que nous puissions travailler ensemble encore plus pleinement l’année prochaine. Notre but commun : s’aider mutuellement à faire progresser très rapidement la voiture en construisant ensemble un set-up qui la rende encore plus performante.

Que pensez-vous des jeunes pilotes d’aujourd’hui ? Y a-t-il une différence entre eux et les pilotes que vous avez connus lors de vos débuts il y a dix ans ?

La différence entre les pilotes d’il y a dix ans et ceux d’aujourd’hui ? Je pense qu’il n’y en a pas… Nous sommes tous les mêmes. Quand je regarde ou que j’entends parler les jeunes pilotes qui arrivent en F1 aujourd’hui, ils vont tout gagner et tout révolutionner, c’est exactement avec la même ambition que nous arrivions il y a dix ans. Le monde de la F1 est bien plus compliqué que cela et on revient vite avec les pieds sur terre, même si au fond cette ambition ne disparaît jamais totalement.

Il existe une école-académie de jeunes pilotes chez Toyota. Avez-vous des contacts avec ceux-ci ?

Je n’ai pas de contact direct avec le programme des jeunes pilotes de Toyota mais je pense que c’est une excellente initiative, une idée très bien structurée. Je suis issu moi-même de ce type de filière ; ce qui m’a permis d’accéder à la F1 et c’est pour cela que cela reste à mes yeux une très bonne solution.

Vous êtes actuellement le seul pilote français en F1. D’après vous, existe-t-il une relève ?

Peut-être avec mon fils dans 10 ou 15 ans ! Sans rire, j’espère vraiment qu’il y en aura une. La France est une grande nation qui dans le passé a fourni de nombreux et très bons pilotes de F1. Je ne vois pas pourquoi cela ne se reproduirait plus. Un petit conseil en passant à tous ces jeunes qui ambitionnent un jour de faire de la F1 : en plus du talent, ils doivent bien faire attention à s’entourer des bonnes personnes. Je vois ce qui est fait par Toyota aujourd’hui dans son académie-école et j’en suis agréablement surpris. Toyota suit ses pilotes de très près et effectue avec eux un travail de fond important.

Flavio Briatore, le directeur général de Renault F1 Team, s’oppose à toute  » starisation  » des pilotes. Il estime qu’un pilote fait partie d’un ensemble et que les lauriers doivent revenir à une équipe quand il y a de bons résultats. Que pensez-vous de cette opinion ?

Je ne suis pas contre ce qu’il dit. Je suis même assez d’accord parce que cela met en avant la dimension d’esprit d’équipe. Pour moi c’est une notion très juste.

Selon vous, quel est le pilote parfait et pourquoi ?

Je ne sais pas. Ce que je sais, c’est que ce n’est personne en particulier. Un pilote est constitué d’un tel ensemble de choses…

On vous sent passionné par le côté technique de votre métier. Pensez-vous suivre cette direction plus tard ?

La technique, c’est ce qui permet au pilote d’aller très vite et cela en dehors de ses qualités humaines. Beaucoup de pilotes sont très rapides, mais quand en plus, vous êtes très fort techniquement, vous faites progresser la voiture encore plus vite. C’est quelque chose qui me passionne car à chaque Grand Prix, il faut minutieusement régler la voiture de façon différente. C’est vrai que ce côté- là de mon métier m’est très plaisant. Maintenant, je ne peux vous dire si dans le futur je suivrai cette direction. Aujourd’hui, je ne pense qu’à gagner des courses en F1 et à amener un jour Toyota au championnat. Le reste on verra vraiment plus tard…

Propos recueillis par Chantal Piret n

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