La star des hôtels de stars a des suitesdans les idées. Après les étoiles branchéesde Londres, New York, Miami ou Los Angeles, Ian Schrager fait dans l’opulence et l’artistique. Le Gramercy Park Hotel de New York,un autre art de vivre.

Ian Schrager est bien connu des stars, qu’il loge et divertit depuis plus de trente ans. Tandis que la fièvre du disco enflamme New York dans les années 1970, Ian Schrager, tout jeune diplômé de droit, ouvre le Studio 54, un club caverneux de la 54e Rue de Manhattan, qui devait devenir mythique. Andy Warhol, Liz Taylor, Michael Jackson, Brooke Shields affluent et le Tout-New York vibre au rythme des soirées flamboyantes qu’il organise avec son ancien camarade d’université, Steve Rubell.

Schrager et Rubell s’y brûlent les ailes : l’âge d’or du Studio 54 prend fin avec l’épisode tristement banal d’une descente de police. Condamné pour fraude fiscale et emprisonné, Ian Schrager, tel Edmond Dantès, prépare sa révolution : l’hôtellerie design. Schrager et Rubell rachètent, en 1984, le Madison Avenue Hotel qui deviendra le Morgans. Les chambres sont petites et sans salle de bains mais ils veulent en faire un hôtel 5 étoiles. Comme avec le Studio 54, ils savent s’entourer et choisissent Andrée Putman pour opérer la magie. Succès instantané. Les célébrités défilent : Cher et Bianca Jagger, notamment. C’est le début d’une nouvelle ère : celle des hôtels aux intérieurs iconiques créés avec le designer Philippe Starck, à qui, en lui confiant le soin d’imaginer son premier hôtel, Ian Schrager offre la renommée internationale. La décennie 1990 est marquée par leurs réalisations communes, sept hôtels, sept monuments : à New York, le Royalton (1988), le Paramount (1990), le Hudson (2000) ; à Miami, le Delano (1995) ; à Los Angeles, le Mondrian (1997) ; à Londres, le St Martins Lane (1999) et le Sanderson (2000). Tous deviennent les destinations favorites des stars, comme Jade Jagger qui emboîte le pas de sa mère Bianca ou Kate Moss, l’icône de la mode qui fait notoirement du St Martins Lane son QG.

Les deux compères Schrager et Starck introduisent, en fait, le concept d’hôtel design avec bar, spectacles et restaurant branché. Même le lobby, auparavant un espace mort, devient, grâce à ce duo, chic et convivial. On peut du coup s’y retrouver sans forcément être client. Rapidement, leurs idées vont essaimer partout dans le monde. Entre-temps, pas une ville qui se respecte n’a manqué de se doter d’une copie d’un de leurs hôtels. Un style sophistiqué, épuré, digne des films de science-fiction.

Les jet-setters habitués au style de Ian Schrager seront sans doute désorientés en pénétrant dans son tout nouveau Gramercy Park Hotel, à New York, Manhattan. A l’entrée, trois lettres ( » GPH « ) inscrites dans la moquette profonde : une typographie irrégulière et tremblotante, dans le genre  » manoir hanté « , qui contraste avec les lettres bâtons stricts du logo de l’hôtel Hudson. En relevant la tête, le décor ne sera pas davantage familier aux aficionados de l’exubérant hôtelier. Avec son style passéiste, victorien mais tout de même infléchi d’art moderne, la rupture est abrupte  » Il était temps de passer à autre chose. Plus personne n’aurait été excité par un énième hôtel de Starck et Schrager. C’eut été la facilité « , se justifie-t-il.

Pour le GPH, Ian Schrager sollicite son vieil ami, le peintre, sculpteur, réalisateur, musicien et décorateur Julian Schnabel. Bref,  » un homme de la renaissance, un Michel-Ange  » résume Ian Schrager, médusé par l’énergumène. Si Julian Schnabel partage avec Philip Starck la même énergie, le même charisme, la même carrure, jusqu’à la même tignasse rebelle, leurs styles divergent radicalement. Au minimalisme du designer répond l’éclectisme bohème de l’artiste : tapis rouges et sols en lino font place à une moquette épaisse, les tabourets à trois pattes sont remplacés par des sofas en velours, le mini-bar devient un  » cabinet anglais  » avec service à thé précieux.

Schnabel ose des couleurs risquées comme le rose vif de certaines chambres, les poignées de porte coulées en bronze dans le style de Giacometti. L’idée était de créer une ambiance qui ressemble à un studio d’artiste. Aux murs, des £uvres d’art (entre autres, un tableau de Jean-Michel Basquiat, des photographies de Richard Prince, et bien sûr des £uvres de Julian Schnabel) à faire pâlir d’envie une conservatrice de musée d’Art moderne (si elles n’étaient pas déjà toutes acquises à Ian Schrager). Julian Schnabel a aussi jalonné l’hôtel de pointes d’humour avec des objets baroques et farfelus : un lustre en forme de sole, une copie d’un tableau de Picasso peinte par Schnabel pendant l’été, des rocking chairs dans les chambres, dénichés dans des brocantes.  » Julian s’est donné à 100 % dans ce projet  » raconte Schrager. Ce n’est pas facile de travailler avec un artiste. Il veut encore me faire changer la couleur des draps. Même après l’ouverture. C’est un perfectionniste.  »

Sur le toit, un club privé, très select.  » Il tient plus du salon artistique, avec tout le confort et l’intimité d’un club privé. C’est le genre d’interactions sociales et culturelles qui existaient dans les cafés viennois ou dans les clubs de gentlemen à Londres « , annonce le site du Gramercy Park Hotel. (www.gramercyparkhotel.com). Ian Schrager entend faire renaître la légende : ouvert en 1925, le Gramercy Park Hotel avait très rapidement attiré une clientèle d’artistes. Le célèbre acteur de Broadway, Humphrey Bogart, s’était marié sur son toit, en 1926. Des générations d’artistes, d’écrivains, dont Arthur Miller, et de musiciens qui ont fait la réputation du sud de Manhattan sont venus se désaltérer au bar de l’établissement. Cependant, au fil des années, son cachet a décliné mais  » la maison avait le bon ADN, comme le Plaza, c’est le genre d’hôtel dont les New-Yorkais connaissent l’histoire « .

Ian Shrager ambitionne de  » changer la façon de vivre des gens « . Un brin mégalo ?  » La vie est intense, les gens travaillent dur, ils ont besoin d’un refuge, pas d’un second travail quand ils rentrent à la maison, se défend-il.

Tout confort

Brouillant les frontières entre hôtels et appartements résidentiels, le lifestyle inventé par Schrager se veut tout confort pour le client, offrant un niveau de services sans précédent.  » Une ambiance bohème, rien de surfait, une atmosphère très simple et détendue. Je ne veux pas Paris Hilton ici.  » Et vlan !

Pour la démocratisation, il faudra cependant encore patienter : les appartements du complexe 50 Gramercy Park North, conçus par Ian Shrager avec l’architecte John Pawson, qui jouxtent le nouvel hôtel et bordent le parc ont été proposés entre 4 et 12 millions d’euros pièce. Sur les 23 appartements qui ne seront terminés qu’au printemps 2007, 19 ont déjà été vendus dont un à Karl Lagerfeld. Le célèbre styliste européen (Chanel) pourra ainsi profiter du parc privé dont l’accès est réservé aux habitants du quartier, seuls détenteurs de la clé, et aux rares pigeons.

Les  » invités  » du Gramercy Park Hotel seront, eux aussi, en possession du précieux sésame livré avec la chambre, et qui pourrait bien devenir le dernier accessoire à la mode. Résidence pilote du lifestyle Schrager, le 50 Gramercy Park North proposera aussi un room service 24 h sur 24. A l’instar du 40 Bond, un bloc de verre construit au c£ur du quartier bohème de Nolita, à New York, avec les architectes suisses Herzog et de Meuron. Ian Schrager, New-Yorkais, né dans le Bronx il y a 59 ans et élevé à Brooklyn, y a gardé un appartement pour lui.  » Ce n’est pas un secret, j’adore New York, j’adore le sud de Manhattan « .

 » Changer les règles du jeu  » scande-t-il. Où d’autre que dans la ville du jeu, Las Vegas ? Avec les mêmes architectes Herzog et de Meuron, l’infatigable homme d’affaires travaille, à présent, sur un projet titanesque de 10 000 appartements, à l’horizon 2009. Il pourrait marquer l’avènement d’un  » nouveau Las Vegas « , tel que revu et corrigé par le gourou :  » Je ne vois pas Las Vegas comme la ville du jeu. Pour moi, c’est avant tout une ville fondamentalement attrayante, baignée de soleil, un bon endroit pour le shopping, de bons restaurants, un environnement très favorable pour les taxes.  »

Un hôtel de Ian Schrager ne sera jamais tout à fait une petite auberge de campagne à la bonne franquette. Comme par hasard, la fin des travaux new-yorkais a coïncidé avec le début de la fashion week, la semaine des défilés de mode qui rassemble le Tout-New York à l’entame du mois de septembre. Ian Schrager, l’anti-cool, réussira-t-il le pari d’échapper à sa légende du pape du chic et du style ?

Sa fille de 8 ans, avec un petit air espiègle sur la photo qu’il nous montre sur son téléphone portable, veut d’ores et déjà organiser sa fête d’anniversaire dans son terrain de jeu favori : le Gramercy Park Hotel. Un sens de l’hospitalité et de la fête inné ou acquis ? Quoi qu’il en soit, si Paris, une autre fille d’hôtelier, veut réserver une chambre ce soir-là, elle n’aura que les Hilton pour pleurer !

Elodie Perrodil

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