A l’affiche de Trois Coeurs, le dernier film de Benoît Jacquot, l’actrice est aussi l’égérie de l’eau de toilette L’Acquarossa de Fendi. L’occasion pour elle de revisiter l’Italie. Et d’en parler mieux que personne.

Cette fille-là, c’est sûr, n’a pas peur de se mouiller. Qu’il s’agisse de se mettre en danger devant la caméra de la crème de la crème du cinéma d’auteur français, ou de prendre la pose entre les gouttes de l’une des plus belles fontaines du monde. Une histoire de famille, me direz-vous, dans les deux cas d’ailleurs : quand on a pour parents Catherine Deneuve et Marcello Mastroianni, ça laisse des traces. A un détail près pourtant. La chute d’eau que l’on aperçoit en arrière fond de la campagne de la nouvelle eau de toilette L’Acquarossa de Fendi n’est pas celle de la fontaine de Trevi dans laquelle le père de Chiara s’offre un bain de minuit, devenu culte, dans La Dolce Vita de Federico Fellini. La scène a pour décor les jardins mirifiques de la Villa d’Este, à Tivoli. Un endroit secret, tapi derrière un lourd portail de fer, qui défie l’imaginaire.

Par la seule volonté d’un cardinal génialement mégalo, bassins et fontaines se partagent ici les pentes escarpées qui mènent à la loggia du palais tandis qu’un orgue hydraulique égrène sa musique toutes les deux heures. La lumière est belle comme on peut l’attendre d’un jour de mai en Italie. Le soleil cogne et pourtant il fait frais grâce à l’eau qui palpite le long des murs couverts de mousse pour mieux rejaillir ailleurs. Pour les besoins de la pub, le lieu avait été reconstitué, à s’y méprendre, en studio. Mais ce jour-là, Chiara Mastroianni a fait le déplacement. Tous les prétextes sont bons, nous confiera-t-elle plus tard, pour retrouver sa soeur à Rome et parler l’italien aussi, cette langue paternelle dont elle se languit, à Paris.

La voilà donc, assise comme si de rien n’était, sur le parapet de la fontaine dell’Ovato, brune et longiligne, tout simplement belle dans sa jupe imprimée et son chemisier noir, une paire de ballerines aux pieds, c’est vrai que le dress code avait explicitement banni les talons pour cause de chemins pavés. Sans chichi, elle parle des notes solaires de ce fleuri acidulé – mandarine, orange sanguine et bergamote en font pétiller l’envol – au flacon color block dont elle est l’égérie, fidèle à Fendi qu’elle accompagne une fois encore pour le lancement d’une version plus légère de L’Acquarossa. En toute simplicité, elle accepte même d’être photographiée sans conditions – un fait à souligner tant il est devenu rare -, prenant gentiment la pose avec les invitées. Sur la terrasse qui jouxte l’allée des Cent Fontaines, les tables sont dressées pour un déjeuner à l’italienne, on grignote avec délice pendant qu’un jeune aquarelliste croque celles qui se sentent d’humeur à se prêter au jeu. L’instant est magique, on se rêve prisonnier pour longtemps de cette bulle hors du temps. Celui des interviews est pourtant venu, alors Chiara se lève et s’installe sous les cyprès, un espresso bien serré dans une main et une clope dans l’autre. Italienne jusqu’au bout des ongles.

Etes-vous une femme à parfum et êtes-vous fidèle à celui que vous portez ?

Bien sûr, me parfumer est pour moi un geste essentiel. Aussi, on peut être fidèle à plusieurs choses à la fois ! Cela dit, quand je m’attache, je n’ai pas la frénésie du changement.

Qu’évoque pour vous cette nouvelle eau de toilette ?

Un jardin italien gorgé de soleil ou une promenade dans Rome au petit matin. Avant le shooting, je me suis imprégnée de ce beau décor des fontaines, de l’eau dans laquelle se reflètent les premiers rayons du soleil.

Justement, il y a décidément comme une attraction irrépressible entre la famille Mastroianni et les fontaines italiennes, non ?

On peut dire ça, en effet ! Mais la maison Fendi est également très attachée aux fontaines, comme le démontre sa décision de participer à la restauration de celle de Trevi, à Rome. C’est beau, je trouve, que des grandes marques de luxe s’investissent dans ce genre de projets. C’est un juste retour des choses. En plus, dans ce cas, c’est totalement cohérent avec l’idée d’une eau de toilette, forcément plus fraîche qu’un parfum. Personnellement, je ne suis pas une grande fan des jardins à la française. Je les trouve trop domestiqués, taillés au cordeau. Ici, en Italie, c’est tout à fait différent. Un lieu comme celui-ci, rempli de fontaines, est à la fois mystérieux et romantique. Nous avons une chance incroyable de l’avoir aujourd’hui pour nous seuls. Je n’ai pas du tout envie de repartir.

Vous revenez souvent en Italie ?

Chaque fois que je le peux. Quand je viens à Rome, même pour quelques jours, je suis totalement dépaysée. Cette fois-ci, j’en ai profité pour arriver un peu plus tôt, passer du temps avec ma soeur et parler un peu italien, ce qui me manque beaucoup le reste de l’année.

Ce sont vos souvenirs d’enfance qui vous lient si intimement à Rome ?

Sans doute et le fait que ce n’est pas non plus mon lieu de vie. C’est ce qui le rend magique parce que du coup, la ville a toujours à mes yeux quelque chose d’irréel. Pas que Rome d’ailleurs, c’est pareil pour le reste de l’Italie. Paris pour moi, c’est d’abord des contraintes, des responsabilités. Il faut se lever tôt tous les jours, emmener les enfants à l’école. C’est une ville très stressante aussi. Vu que je n’ai connu l’Italie qu’à travers les vacances, c’est facile de dire  » j’adore ce pays « , évidemment. Comme mes parents se sont séparés quand j’étais très petite et que mon père vivait ici, il n’était pas question d’imaginer une garde  » classique « . Le deal, c’était que je passerais mes vacances avec lui. Je le rejoignais partout où il était. Et comme il travaillait tout le temps – il détestait les congés, quand il n’avait rien à faire, il s’emmerdait, il était invivable -, je le retrouvais sur les plateaux de tournage. J’ai découvert à peu près toutes les régions d’Italie grâce à cela. Il était aussi tellement heureux lorsqu’il tournait. Il n’était jamais blasé de rien, c’était toujours la fête. Même les petites choses devenaient magiques. Je me souviens encore du rituel des paniers pique-nique de la cantine : il fallait choisir entre le rouge qui contenait des pâtes à la sauce tomate et le blanc, sans. C’était une aventure ! Il avait cette grâce qui rendait tout merveilleux. Lorsqu’il est mort, je suis moins venue, être ici me rendait mélancolique. Mais depuis que j’ai des enfants, j’ai retrouvé plaisir à retrouver ce pays.

Est-ce sur les plateaux de tournage que vous avez attrapé le virus du cinéma ?

J’ai toujours adoré traîner sur les plateaux, même si cela impliquait aussi de grands moments de solitude. On a tendance à l’oublier mais il n’y avait pas les téléphones cellulaires à l’époque ! On peut s’y ennuyer beaucoup surtout lorsque l’on est enfant : il faut attendre énormément, rester tranquille sans faire de bruit. Mais j’ai été plongée là-dedans tellement tôt, que j’ai été facilement  » domestiquée « , finalement. Comme je suis plutôt de nature contemplative, j’adorais regarder les gens. Mon père a toujours été très fidèle envers ceux et celles avec qui il travaillait, sa costumière notamment, donc je retrouvais aussi ici comme une deuxième famille.

Pourtant, vous avez hésité avant de vous lancer dans cette carrière…

Ça inquiétait ma mère. Le truc classique des couples séparés, en fait. Elle se tapait le quotidien, le sale boulot, celui qui consiste à dire à l’enfant de faire ses devoirs, de se coucher tôt, de lui imposer un cadre, des contraintes. En même temps, c’est avec elle que j’ai construit ma culture cinématographique. Elle était très cinéphile, mon père pas du tout. Le seul soir de la semaine où j’avais le droit de veiller, c’était le jour du ciné-club ! Ma mère voulait me faire découvrir le cinéma américain qu’elle aimant tant, celui de Capra, de Walsh. Je n’oublierai jamais la manière dont elle s’est battue bec et ongles à l’entrée de la salle pour qu’on me laisse entrer voir Le Bal des Vampires de Roman Polanski alors que je n’avais pas l’âge. Le cinéma pour moi, c’était la transgression, mais une transgression raisonnable, on ne tuait personne, quand même. Elle ne devait pas s’étonner après coup que cela m’attire tellement.

Vos enfants sont-ils des rats de plateaux ?

Pas du tout ! Ils ne viennent quasiment jamais me voir, sans doute parce que je suis beaucoup plus présente à la maison que ne l’était ma mère. Comme ils m’ont pas mal sur le dos, quand je pars tourner, ils doivent se dire qu’ils seront enfin un peu tranquilles, pour le coup. L’enfance qu’ils ont ne correspond en rien à la mienne. Le métier de mes parents, en soi, ne me faisait pas rêver. J’étais plutôt fascinée par mes copines dont le père et la mère avaient des jobs plus réguliers et qui rentraient à heure fixe. Je les enviais vachement. En revanche, comme ma maman le faisait avec moi, nous regardons beaucoup de films ensemble. Milo (NDLR : 17 ans, fils du sculpteur Pierre Torreton) est très très cinéphile. Anna (NDLR : 11 ans, fille de Benjamin Biolay) est encore trop petite, on a le temps de voir venir.

Est-ce vrai que vous ne ratez jamais un épisode des Simpson ?

Je leur voue une passion absolue ! J’ai découvert cette série qui passait alors sur Canal + lorsque j’avais 14-15 ans. Dès que j’avais un coup de déprime, je regardais un épisode, ça me rassurait beaucoup. Comme de nombreux ados, j’étais fascinée par l’Amérique. Mon beau-père devait se rendre à Los Angeles pour son travail et il m’a emmenée avec lui. Je me suis retrouvée dans les studios de la Fox au milieu de l’équipe de scénaristes des Simpson. Matt Groening m’a même fait un dessin que j’ai conservé précieusement avant de l’offrir à mon fils. Mes enfants aussi son accros, c’est notre truc à nous, même si beaucoup de gens se moquent quand on leur dit ça. Mine de rien, ce show aborde plein de sujets de société qui permettent de parler de choses sensibles sans avoir à entamer de grandes discussions philosophiques où je me retrouverais dans la posture d’une donneuse de leçon.

Vous êtes en ce moment à l’affiche du dernier film de Benoît Jacquot dans lequel on peut vous voir aux côtés de Benoît Poelvoorde. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

J’ai adoré ce tournage ! C’est un mélo, un vrai, une histoire très sentimentale mais qui parvient à vous faire réfléchir. C’est avant tout un film sur la complexité du sentiment amoureux. Benoît Jacquot voulait que ça frémisse et ça frémit ! Face à ces personnages, on souhaite à la fois qu’ils puissent tous les trois être heureux, ce qui est impossible dans un triangle amoureux mais surtout, on ne peut pas s’empêcher de se dire que l’on ne voudrait pour rien au monde se retrouver à la place de l’un d’eux ! Benoît Poelvoorde,  » votre Benoît « , interprète un homme aux antipodes des rôles comiques dans lesquels on a coutume de le voir. Ce n’est pas la première fois qu’il le fait, mais son travail ici est exceptionnel. Vous allez être surpris, je vous le garantis.

PAR ISABELLE WILLOT

 » Quand je viens à Rome, même pour quelques jours, je suis totalement dépaysée. « 

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