Barbara Witkowska Journaliste

Didier Gomez, Karim Rashid et Hilton Mc Connico… Les aficionados de la déco et du design connaissent bien ces noms. Pour varier les plaisirs, ces  » têtes de classe  » flirtent aujourd’hui avec l’univers de la beauté. Pour nous rendre la vie plus douce et plus belle.

Boutiques haut de gamme, bureaux, sièges sociaux, salles de spectacles, appartements et maisons, restaurants (au Kazakhstan !), objets du quotidien… Didier Gomez touche à tout, mène les chantiers les plus prestigieux avec le même talent et la même maestria. Ce qui incite, certains, à lui coller, un peu rapidement, une étiquette de star. Or, c’est un homme d’une simplicité et d’une gentillesse exquises, souriant et décontracté, qui nous reçoit dans son superbe appartement parisien. Ses propres créations voisinent avec des pièces anciennes, des objets et souvenirs glanés au cours de nombreux voyages. C’est un lieu de vie accueillant, alliant un beau décor, un style et un art de vivre, empreint d’âme et d’émotion. Pour commencer, Didier Gomez parle avec enthousiasme de ses prochains chantiers : deux maisons pour deux acteurs américains très célèbres, ainsi qu’une maison en Corse. L’autre actualité ? La conception du Centre de formation pour coiffeurs, rue Royale à Paris, destiné aux coiffeurs dans le monde entier, travaillant sous l’enseigne de L’Oréal.  » Le but est d’imaginer le salon de coiffure de l’an 3000, explique Didier Gomez. Le concept intégrera beaucoup d’images, il sera mobile et ludique. C’est en quelque sorte le premier pas dans la révolution du cheveu, univers en pleine transformation. Le cheveu appartient aujourd’hui à la beauté, au même titre que la nourriture, l’esthétique et le bien-être.  » Ce qui nous amène à évoquer son travail pour Kérastase (griffe capillaire haut de gamme, membre du groupe L’Oréal), dont il a entièrement réactualisé le look et le concept. La première étape consistait à faire évoluer les produits et leur image, de les inscrire dans une philosophie cohérente d’une ligne de beauté high-tech, mais véhiculant aussi le rêve, le plaisir et le bien-être. Puis il s’est attaqué à l’aménagement des instituts. Didier Gomez y a introduit l’esprit des spas. Le diagnostic et le traitement du cheveu ont été reliés au corps et à la santé. Le cheveu bénéficie désormais d’un véritable rituel de beauté. Tous les outils, bols et pinceaux ont été revus dans cette optique-là. Le salon de coiffure traditionnel a cédé la place à un espace de plénitude, de douceur, de détente et de repos. Tout est blanc, d’un blanc chaud et pur, luminescent. L’éclairage indirect et tamisé crée une ambiance féminine, comme poudrée. Les matériaux invitent au toucher.  » Je voulais que l’on entre dans l’institut comme on se love dans un peignoir « , glisse Didier Gomez… qui a obtenu pour ce projet le label design Janus 2003, décerné par l’Institut français du design.

Après cette parenthèse  » beauté « , on aimerait en savoir un peu plus sur le parcours de Didier Gomez. Son métier d’architecte d’intérieur relève du pur hasard. Dans une vie antérieure, il était pianiste et chanteur d’opéra (baryton), mais… pas très heureux. Il y avait comme une  » erreur de distribution « . Quand on lui propose une association dans la décoration, il n’hésite pas une seconde. Sans rien connaître, il dessine, en 1978, une ligne de canapés et de mobilier, sous le label First Time. L’esprit est nouveau, simple, épuré et rigoureux. Il tranche avec le style en vigueur, assez chargé. L’engouement est immédiat, les boutiques First Time fleurissent partout, dont à Bruxelles.  » La conception du mobilier m’a plu à la folie, souligne Didier Gomez. J’ai compris que c’était un métier pour moi. Certes, je n’ai jamais été à l’école, mais je ne le regrette pas une seconde. Les écoles proposent un mode d’emploi stéréotypé et rassurant, mis dans un moule.  » Didier Gomez n’a pas un  » regard  » d’architecte. Sa force réside dans une lecture originale de chaque projet, dans une analyse et une approche par le biais affectif. Dans sa sensibilité d’artiste tout court.

Très vite, il revend First Time et fonde son propre bureau d’études avec l’ambition de relever tous les défis en matière d’aménagement et d’architecture d’intérieur. D’emblée, les grands noms font appel à lui, Jean Paul Gaultier, Cartier ou Yves Saint Laurent. Le projet dont il est le plus fier ?  » Le bureau de Pierre Bergé, à l’époque PDG de Yves Saint Laurent, confie-t-il. Parce que j’ai dû recommencer le projet. J’ai compris que  » faire joli  » n’était pas suffisant. Pierre Bergé m’a fait en quelque sorte accoucher professionnellement. Personne ne m’a jamais aidé comme ça.  » Suivent, dans les années 1990, des projets de très grande envergure. Associé avec l’architecte Jean-Jacques Ory, Didier Gomez s’attaque à la création d’usines, à des immeubles de bureaux comme ceux de la Société Générale, ou encore aux sièges sociaux, de LVMH (Louis Vuitton-Moët-Hennessy), notamment.  » Ces chantiers m’ont forgé une image de luxe, ce qui est absolument faux, note-t-il. Je viens d’un milieu modeste et je ne l’oublie jamais. D’ailleurs, la beauté ou la laideur ne sont pas liées à l’argent.  »

Puis il y a eu la rencontre avec Ligne Roset. Entre le créateur et Michel Roset, une belle complicité se traduit par des journées entières de discussions sur la vie, sur l’air du temps, sur les gens et leurs besoins. A un moment jaillit une idée  » juste  » ou un concept utile et empli de sens. Ils seront matérialisés dans un canapé ou dans un meuble.  » La recherche formelle ne m’intéresse pas, dit Didier Gomez. En revanche, je suis passionné par le rapport que les gens ont entre eux et avec les choses. Nous vivons dans un monde violent. La tâche d’un designer ne consiste pas seulement à faire une belle théière. Les gens ont besoin d’attention, de tendresse et d’humanité. Ils recherchent le mieux-être et la communication. Ma volonté est de participer à cette communication.  » Alors, Didier Gomez a fait le point. Il y a deux ans, il a quitté son agence de 100 personnes,  » une usine « , car cette forme de travail ne lui correspondait plus et il est revenu au c£ur de son métier, la conception et la création.  » Je ne suis plus les chantiers. Je travaille chez moi. J’ai besoin de calme, de paix et de sérénité. Je prends désormais du temps, car il faut avoir du temps et du goût pour ce que l’on fait.  » Il continue à voyager, beaucoup, pour mieux apprivoiser les différentes cultures, pour se nourrir de  » la joliesse de petits détails dans le quotidien  » des gens simples, en Afrique ou en Asie. Il s’est remis aussi au piano et chaque jour, pendant deux heures, se ressource dans la musique.

Style  » arty  »

Pour rajeunir son image un peu classique, la maison Davidoff a choisi une signature chic et choc en la personne de Karim Rashid, designer cosmopolite, très en vogue dans les milieux  » arty « . Anglo-égyptien d’origine, Karim est un créatif effervescent qui conçoit des bâtiments, des intérieurs, de la mode, des objets, des meubles, de l’art, de la musique et des films. Ce touche-à-tout de génie ne recule devant aucun défi, car  » nous vivons actuellement dans un monde sans frontières, où toutes les disciplines créatives se brouillent, se mélangent, s’hybrident « . Avec une facilité déconcertante, il dessine un objet usuel, un briquet jetable ou une corbeille à papier, par exemple, ou encore un objet exceptionnel que l’on ne trouve que dans une galerie d’art. Il vient ainsi de franchir le pas qui sépare le design de l’art. Partisan du  » minimalisme sensuel « , Karim Rashid a dessiné l’écrin d’Echo Davidoff, un jus vif et énergique, destiné aux hommes urbains, hyperactifs, bien intégrés dans le rythme trépidant du monde. Souple, fluide, presque liquide, le flacon est une pièce de verre de forme abstraite et ondulée. Le vaporisateur en métal, soudé à la pièce, est seul à rappeler qu’il s’agit d’un flacon. Dans la nouvelle édition limitée d’Echo, Karim Rashid est allé encore plus loin. Le design dévoile, dans une alchimie interactive de verre et de métal, les lignes courbes et droites d’un univers urbain tout en modernité. Aujourd’hui, le designer habille Davidoff Echo Woman. Un ravissant galet sensuel qu’il définit comme  » liquifluide, technorganique et plaisirganique « . Dedans, un bouquet d’iris et d’osmanthus, arrosé de quelques gouttes de grappa, compose un jus follement romantique. Le design du IIIe millénaire est ainsi parfaitement compatible avec la douceur et la tendresse.

Sous le signe de la sphère

De nombreuses créations de Hilton Mc Connico sont universellement connues. Il suffit de citer sa collection Cactus pour Daum, ses tapis pour Toulemonde Bochart ou encore ses motifs fétiches û le chat noir ou le piment rouge û qui se posent avec humour sur nombre d’objets quotidiens. Sa force, c’est la couleur. Qu’elle soit tendre ou vive, elle a une telle densité et personnalité qu’elle devient matière. Elle se fait forme et vie. Né à Memphis-Tennessee aux Etats-Unis en 1943, Hilton a touché à la peinture, à la décoration, à la photographie, à la scénographie et au design. Au cinéma, il s’est distingué par les décors de nombreux films célèbres, dont  » Diva  » et  » La Lune dans le caniveau  » de Jean-Jacques Beineix ou encore  » Vivement dimanche  » de François Truffaut. Pour la Maison Hermès, il a imaginé des scénographies d’exposition féeriques. Au palmarès de Hilton Mc Connico, il manquait un objet issu de l’univers de la beauté. C’est chose faite. Il vient d’habiller My Torrente, la nouvelle création olfactive de la célèbre maison parisienne. Des spirales couleur ivoire nacré serpentent en douceur autour d’une sphère transparente, légèrement laiteuse. De cette jolie  » boule  » statique se dégage une grande impression de mouvement et de rythme. Sensuelle au toucher, invitant à être caressée, elle renferme une fragrance ronde, généreuse et pulpeuse, tissée avec des accords de groseille, de litchi, de noisette, de baies roses et de vanille.

Barbara Witkowska

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