Barbara Witkowska Journaliste

Dans la mode, la déco, la pub, la littérature… Le cheval est omniprésent. La plus noble conquête de l’homme déploie son éternelle séduction pour nous procurer de délicieux moments d’émotion et d’évasion.

Saisis dans un formidable élan, parés de magnifiques tapis de selle, richement décorés, ils caracolent au centre de chaque pièce de porcelaine, décorée, de surcroît, de superbes frises aux couleurs et motifs chatoyants. Puissants, insolents et somptueux, les chevaux nous font rêver sur le nouveau service de table Hermès. Depuis sa création, en 1837, le célèbre sellier parisien voue une véritable passion à la plus noble conquête de l’homme. Au fil du temps, le cheval a inspiré les différents métiers de la maison. En 2006, il fait, enfin, une entrée triomphale dans l’art de la table.

 » Chez Hermès, nous avons un vrai métier de coloriste et d’illustrateur, très présent dans nos carrés et nos éponges, explique Laurent Momméja, PDG du pôle Art de la Table Hermès. L’idée était d’exploiter ce savoir-faire sur un autre support et d’apporter ainsi quelque chose de particulier. Le premier service  » Pivoine « , issu d’un carré, a été lancé en 1983, lors de l’ouverture de notre boutique à New York.  » D’autres collections se sont ajoutées au fil des ans. Parmi les best-sellers, citons  » Toucans « , également inspiré d’un carré,  » Africa  » avec ses animaux de la savane,  » Marqueterie de pierres d’Orient et d’Occident « , véritable  » bijou  » à l’éclat extraordinaire, et, enfin, le somptueux  » Balcons de Guadalquivir  » dont les riches arabesques évoquent l’opulence de l’Espagne mauresque.

Aujourd’hui, Hermès retourne donc aux sources et choisit de mettre en scène un cheval d’exception, mythique, superbement intemporel qui rappelle des épopées, nous fait voyager et rêver dans le temps et l’espace. Ainsi est né  » Cheval d’Orient « , inspiré par le célèbre Livre des Rois d’Abu al-Qasim Mansur ibn Hasan Ferdowsi (940-1020), le premier et le plus grand des poètes persans. Ferdowsi a travaillé vingt-cinq ans sur cette épopée-fleuve qui raconte en 50 000 couplets l’histoire de la Perse, de ses origines à la conquête arabe en 637. L’£uvre est abondamment illustrée de ces fabuleuses miniatures persanes. Le cheval y occupe une place de roi.

 » Dès le départ de ce projet ambitieux, poursuit Laurent Momméja, notre parti pris a consisté à exprimer nos exceptionnels savoir-faire. Ainsi, le service a été dessiné par Nathalie Rolland-Hickel sous la houlette de Yves Taralon, directeur artistique du pôle Art de la Table Hermès.  » La dessinatrice a admirablement interprété les silhouettes de ces chevaux bondissants, aux nobles jambes fines, à la bouche allongée, avec un gland raffiné qui vient fouetter les gracieuses encolures. Bais, alezans ou pommelés, ils galopent seuls ou en harde joyeuse, vêtus de caparaçons ornés et fleuris comme autant de tapis persans. Des filets d’or fin ajoutent une précieuse et incomparable touche de finition. Le service comprend 17 pièces : grands plats (rond, creux, ovale), assiettes de présentation, creuses, à dessert, à gâteau ou à pain, tasses à café et à thé, bol à punch…

Certaines pièces rendent hommage à la plus raffinée des traditions occidentales. Telle cette bouquetière moulurée (vase en porcelaine très à la mode au début du xixe siècle, assorti au service de table), cette tasse sur piédouche (une sorte de petit socle rond) et, enfin, cette spectaculaire soupière de 4 litres aux élégantes anses dégagées s’inspirant de la porcelaine du musée national Adrien Dubouché de Limoges. On admire et on contemple chaque pièce comme un tableau ou, plutôt, comme une miniature persane.

Mode équestre

La mode western fait fureur cette année et le cuir y tient une place de choix. Chapeaux de cow-boy, pantalons en cuir et minijupes à franges indiennes accompagnent des tops minimalistes et des blouses en mousseline. Les accessoires jouent la carte équestre. Les bottes cavalières, qui se sont arrachées cet hiver, continueront à marteler le macadam en compagnie de tenues printanières. On annonce aussi le grand retour du jeans cigarette, ultramoulant… parfait avec des bottes. En matière de sacs, c’est la vraie déferlante. Ils jouent tous aux cow-boys et aux Indiens. Dior interprète  » Saddle « , le grand classique inspiré d’une selle de cheval, avec de nouvelles matières et de nouveaux coloris. Mais  » Gaucho  » lui porte déjà de l’ombre. Plus volumineux, plus sophistiqué et plus nonchalant, on l’adoptera forcément en blanc, la couleur la plus chic de la saison.

Un liséré de cuir marron, finement ciselé, est un clin d’£il sympathique à l’esprit ornemental des gauchos argentins. Celine fête ses 60 ans et réédite, pour l’occasion, le Sulky américain, l’un de ses plus célèbres blasons, né en 1966, sous la houlette de Céline Vipiana, la fondatrice de la maison et de son mari, fou de cheval. Le blason se pose sur trois nouveaux sacs ( » Verdine « ,  » Trotting  » et  » Sangle « ), déclinés en cerf ou en poulain et dans des coloris noir mat, caramel ou porto. Chez Chloé, des modèles sport conjuguent un cuir à la fois souple et rustique, typique du monde équestre, ainsi que des boucles, rivets et clous à gogo. Chanel n’est pas en reste avec une panoplie de cavalière chic et classique : une bombe, une cravache, un blouson en taffetas, un pantalon d’équitation en coton, des bottes, le tout agrémenté d’un superbe camélia, fleur emblématique de la maison.

Et on piaffe déjà d’impatience en feuilletant les tendances mode automne-hiver 06-07. Nicolas Ghesquière pour Balenciaga a imaginé une silhouette équestre et juvénile, sortie tout droit des années 1960. Petites vestes à gros boutons et cols ronds accompagnent de courtes jupes bouffantes en écossais ou tartan, accessoirisés de collants noirs et de bombes de cavalières. Chez Nina Ricci, Lars Nilsson marie les vestes de jockey, bien ajustées en velours côtelé à des jupes en organza ou des robes en mousseline… Sans oublier les amazones ultrachics de Jean Paul Gaultier pour Hermès

La déco n’échappe pas non plus à la tendance. Pour preuve, le tissu  » Haras  » édité par Pierre Frey. Inspiré par deux gravures du xviiie siècle, il affiche une élégance racée…

Cavalcade d’émotions

Expression béate et yeux semi-clos de bonheur, une jeune femme rêve devant une tasse de café fumant. Son esprit s’évade et ses cheveux s’envolent, se transformant progressivement en une harde de chevaux au galop… La toute récente campagne publicitaire pour le café Jacqmotte a été imaginée par Dirk Werkers et William Lebrun de l’agence Euro RSCG. Le slogan ?  » Que l’arôme vous emporte « . Le concept ? Un café qui sent bon, nous fait oublier tout, nous détend et nous fait rêver.  » Le cheval est l’animal qui exprime l’évasion et la force de la façon la plus percutante, explique Dirk Werkers. Certes, on aurait pu choisir un félin, un léopard, par exemple, également synonyme de rêve et de puissance. Cela dit, le cheval est très présent dans notre culture. Il est très proche des gens. Or, Jacqmotte est une marque belge qui recherche une proximité avec ses consommateurs.  » Pari réussi. Le public a été sensible à cette annonce à la fois simple et impressionnante, mais surtout très émotionnelle.

Dédiée au cheval, Equidia, elle, est la huitième chaîne thématique la plus diffusée sur le câble et le satellite et la deuxième parmi ses concurrentes sport. Quant au Salon du cheval, organisé tous les ans au mois de décembre à Paris, il bat des records de fréquentation et 20 % des exposants de cette manifestation internationale sont belges. Le tourisme équestre explose lui aussi. On peut galoper au bord de la mer, en montagne, à la campagne ou dans le désert, en Europe, en Asie, en Afrique et aux Amériques…

Galopades littéraires

Depuis cinq mille ans, le cheval exerce toujours la même fascination. A l’époque des trains à grande vitesse et des avions long-courrier, pourquoi cet engouement reste-t-il aussi vivace ? Directeur adjoint du  » Nouvel Observateur « , animateur du  » Masque et la Plume  » sur France Inter, écrivain et  » fou du cheval « , Jérôme Garcin nous fournit la meilleure réponse dans la Tribune du superbe Hors-Série du magazine GEO  » Chevaux et cavaliers du monde  » (décembre 2005).  » Le cheval n’est pas seulement un animal mythique, c’est aussi un langage universel, s’enthousiasme-t-il. Peut-être le seul, en ce début du xxie siècle, à pouvoir réconcilier les peuples que parfois l’idéologie oppose et les cultures que souvent l’histoire distingue, à donner de la noblesse aux humbles et de la modestie aux héritiers, à inventer en quelque sorte une aristocratie populaire.  »

Les hommes de lettres et les écrivains n’ont jamais cessé de rendre hommage au cheval. De Cervantès à François Nourissier, en passant par Alexandre Dumas et Montaigne, ils ont célébré sa noblesse, sa grâce et sa puissance. La tradition de l’écrivain à cheval est plus vivante que jamais. Trois livres passionnants nous plongent aujourd’hui au c£ur des galops romanesques et nous promettent d’excellents moments d’évasion.  » Cavalier seul  » de Jérôme Garcin (aux éditions Gallimard) est le journal équestre que l’écrivain a tenu entre avril 2003 et septembre 2005. On y croise Bartabas, Jean Rochefort, Maxime Le Forestier, Julien Gracq, notamment. Mais le vrai héros du livre, c’est bien entendu Eaubac, un trotteur français.  » Si les gens savaient comme on est bien, tous les deux, au fond des bois, ils m’éviteraient encore davantage « , écrit Jérôme Garcin. Vous avez tout compris :  » Cavalier seul  » est une belle histoire d’amour entre un homme et sa monture.

 » La Main blessée  » est le trente-deuxième roman du prolifique Patrick Grainville (aux éditions du Seuil). Le narrateur, écrivain et professeur de lettres perd l’usage de sa main (crampe ?, maléfice ?) lorsque dans sa vie apparaît Nur, une belle Egyptienne, amoureuse de son alezane, au  » satin doux et doré  » et répondant au nom chatoyant de Melody Centauresse. Après avoir consulté ostéopathes, sophrologues et autres kinés, le héros viendra à bout de sa blessure grâce à la présence sensuelle et vitale des chevaux. Le tout raconté dans un style baroque et flamboyant qu’on ne lâche pas avant le mot  » fin « . Bernard du Boucheron, enfin, a placé l’intrigue de  » Coup-de-Fouet  » (aux éditions Gallimard) à la veille de la Première Guerre mondiale. Un jeune lieutenant et son  » piqueux  » se disputent les faveurs de Aella, une belle carnassière, dite  » la Reine des Amazones « . En toile de fond, défile l’univers à la fois violent et sensuel de la chasse à courre. L’auteur mène son récit à la cravache. Accrochez-vous, la cavalcade en vaut la peine.

Barbara Witkowska

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