La costumière américaine Cat Thomas signe une superproduction… Avec une ribambelle de créations époustouflantes pour le 27 Robes d’Anne Fletcher. Un vestiaire à découvrir en avant-première dans Weekend.

Rendez-vous chez la costumière Catherine Marie Thomas, celle-là même qui a habillé tout de jaune Uma Thurman dans Kill Bill de Quentin Tarantino (2003). Cat, de son petit nom, est aussi la superpro qui se cache derrière les tenues du film 27 Robes (27 Dresses) de la réalisatrice Anne Fletcher, qui sort chez nous le 5 mars prochain. Dans cette comédie romantique, Katherine Heigl campe Jane, une jeune célibataire qui organise les mariages de ses copines et a déjà été 27 fois demoiselle d’honneur, sans trouver l’âme s£ur… A Brooklyn, dans son appartement au design moderne sur fond de mur bleu nuit et face à des toiles contemporaines, Cat Thomas lève le voile sur le vestiaire du film et l’âme des acteurs… qu’elle aide, par ses tenues inspirées, à habiter leur personnage.

Weekend Le Vif/L’Express : Vous avez managé le vestiaire de 27 Robes. Etait-ce un gros travail ?

Cat Thomas : Oui, nous avons dû créer plus de 100 tenues, car il y a deux composantes au film. Il y a les vêtements de la demoiselle d’honneur et ceux de la vie de tous les jours. Au total, nous avons confectionné plus de 50 robes, car il était très important pour Anne Fletcher et moi-même d’avoir le choix. Nous voulions être certaines de ne pas répéter quatre fois le même jaune, de bien équilibrer les couleurs, les formes, les tissus, les robes avec ou sans bretelles. La préparation des vêtements a duré deux mois et nous avons tourné pendant trois mois, l’été dernier.

Comment avez-vous traduit en robes le scénario d’Anne Fletcher ?

C’est une collaboration entre elle et moi et mon équipe. Derrière chaque robe, il y a une histoire. Il fallait à chaque fois identifier qui était la mariée. Quelle femme aurait choisi un mariage aquatique, un mariage gothique, un mariage japonais ? Nous avons tiré notre inspiration de sites Internet et particulièrement du site d’enchères en ligne eBay. Nous nous sommes aussi rendus dans des magasins de seconde main car j’étais curieuse de voir les tenues dont les gens s’étaient débarrassés. J’ai été demoiselle d’honneur moi-même, mais je n’ai jamais eu d’expériences horripilantes.

Est-ce difficile de créer des robes avec humour ?

Pour nous, le plus grand défi était de mettre l’esthétique de côté, notre esthétique personnelle, ce que vous et moi trouverions joli et flatteur. En tant que costumière, je dois inventer un style que je ne choisirais pas pour moi-même. Au sein de l’équipe, nous nous sommes tous efforcés de rendre les 27 robes toujours plus drôles, plus audacieuses et plus colorées. Nous avons forcé le trait avec des étoffes volumineuses, du tulle, de la dentelle, du satin, beaucoup de détails. Les silhouettes sont exagérées mais chaque robe est unique. Notre but était d’insister sur l’aspect comique de la toilette plutôt que de montrer une simple robe de demoiselle d’honneur.

Ces créations sont-elles portables ?

Vous seriez surprise. En surfant sur Internet, je suis tombée sur des concours de la pire robe de demoiselle d’honneur. C’est fou ce que les gens ont pu porter. Chaque mariée a ses goûts personnels, comme chaque femme avec la mode.

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans 27 Robes ?

Ce qui m’a sidéré c’est que Katherine Heigl finit toujours par être merveilleuse. Un vêtement peut être banal sur un cintre, mais lorsqu’une femme le passe, et que vous l’ajustez, elle peut devenir éblouissante. C’est ce qui s’est passé avec notre héroïne. L’ironie est que nous finissions par avoir des problèmes car selon le scénario, Jane doit détester s’habiller. Or, elle finissait toujours par être élégante et séduisante alors que le but était de la rendre un peu extravagante. L’esthétique tient finalement souvent à la personne qui porte le vêtement et à son style. Une robe peut être très belle sur une personne, et pas sur une autre, parce qu’elle ne correspond pas à sa personnalité.

Pour ce film, pourquoi n’avez-vous pas choisi de vêtements de couturier ?

C’est habituellement un choix du studio, ou bien celui de l’acteur ou de l’actrice. Il y a des actrices qui sont très liées à un couturier, pour telle ou telle raison, mais d’autres ne le sont pas. Quand vous avez une séance d’essayage, vous regardez ce qui fonctionne sur un personnage en rapport avec son gabarit. Comme chaque femme est différente, un modèle de couturier peut très bien convenir à quelqu’un qui fait un 36 et qui a une petite poitrine, mais pas nécessairement pour une taille 42, avec une poitrine opulente. On ne peut pas habiller tout le monde en Prada, il faut que le style corresponde au personnage.

Le costume que vous aviez créé pour Uma Thurman dans Kill Bill est mémorable…

Les créations iconiques ne sont pas forcément des choses qui sont le plus à la mode. Ce costume jaune de motarde, par exemple, n’est pas ce que vous choisiriez dans les rayons d’une boutique. Il a certainement contribué à conforter le personnage incarné par Uma, à le rendre puissant. Je pense que la couleur a été un facteur psychologique qui l’a rendu fort. Nous n’aurions pas obtenu le même effet si le costume avait été rose ou vert, par exemple.

En quoi votre métier est-il différent de celui de styliste de mode ?

La mode est un outil précieux pour l’esthétique d’un homme ou d’une femme dans la vie de tous les jours. Moi, je suis une sorte de guide qui aide l’actrice à trouver le personnage qu’elle incarne dans un film. Ce que j’aime le plus dans mon métier c’est l’opportunité de donner aux acteurs et actrices accès à leur personnage. De Kill Bill à A Prairie Home Companion de Robert Altman (2006) en passant par The Brave One de Neil Jordan (2007), chaque £uvre est vraiment différente. J’ai cette opportunité de façonner un personnage : que ce soit en vêtant Judy Foster d’un tee-shirt, d’un jeans et d’une paire de tongs dans The Brave One, ou en habillant Meryl Streep en chanteuse d’un groupe de musique country déjanté dans A Prairie Home Companion.

Auriez-vous voulu être styliste de mode ?

Pas du tout. Là, il s’agit que les femmes se sentent jolies, sexy et belles. Mon métier, lui, est de tout faire pour que les actrices se sentent bien dans la peau de leur personnage. Que cela soit une femme qui a été violée, un être démuni ou un habitant de l’Alaska.

Vous inspirez-vous des défilés de mode de la Fashion Week ?

Oui et non. Mon monde côtoie celui de la mode parce que je n’habille pas toujours des personnages imaginaires comme celui d’Uma Thurman dans Kill Bill. Bien sûr, je suis influencée par ce que je vois dans les magazines et dans les boutiques. Mais je ne m’écarte pas de mon chemin pour suivre celui des défilés.

Qui est votre créateur favori ?

J’ai des goûts très simples. Comme je travaille pour des acteurs et actrices qui gèrent leur image tout le temps, je ne veux pas afficher un style trop typé qui pourrait les déranger.

Les stars les plus difficiles à habiller ?

Je ne veux pas citer de noms. Les hommes peuvent être tout aussi névrotiques que les femmes. A chaque fois que vous avez affaire à l’image de quelqu’un, le travail est délicat. Vous avez quasiment besoin d’être psychologue. Les acteurs peuvent se sentir bien un jour et mal le lendemain, adorer un vêtement un jour et le détester le lendemain. Comme vous et moi et tout le monde finalement, c’est humain…

Comment êtes-vous arrivée dans le métier ?

J’ai un diplôme en peinture et impression sur tissu de l’Institut d’Art de Kansas City. Ensuite, j’ai suivi un stage dans la célèbre école d’art dramatique Julliard à New York. J’ai débuté dans leur département de costumes, qui est considéré comme très professionnel car les élèves font de tout : du théâtre, de l’opéra, du ballet. Ensuite, en 1994, j’ai rencontré une créatrice de costumes dont j’ai été l’assistante pendant un an. J’ai adoré. C’est ainsi que j’ai commencé mes premiers films.

Vous habitez à New York. Mais ne faut-il pas plutôt vivre à Los Angeles quand on exerce votre métier ?

Mon agent est à Los Angeles, mais moi, je voyage énormément. Les tournages se font partout aux Etats-Unis et à l’étranger. Kill Bill a été tourné à Pékin, à Mexico et à Los Angeles. Pour Le Matador de Richard Shepard (2005), j’ai travaillé au Mexique et au Canada. Je passe probablement les trois quarts de mon temps en dehors de New York. 27 Robes, lui, a été tourné à Providence sur l’île de Rhode Island, à environ une heure de Boston sur la côte Est des Etats-Unis.

Quels sont vos projets ?

Je viens de terminer, à Toronto, Grey Gardens de Michaël Sucsy avec Drew Barrymore et Jessica Lange. L’histoire s’inspire d’un documentaire sur la famille Bouvier, les cousins de Jackie Kennedy. La famille vivait à East Hampton, sur Long Island, près de New York, où régnaient laisser-aller et négligence. Le documentaire qui date de 1965 avait fait sensation. Le film raconte les dessous de l’histoire. C’est un film formidable.

Quels sont les films que vous avez préféré faire ?

Il y a d’abord Kill Bill bien sûr. C’est formidable de travailler avec un réalisateur comme Quentin Tarantino. J’aime les réalisateurs qui m’obligent à me surpasser. Il est impressionnant parce qu’il bouillonne d’idées mais il aime aussi celles des autres. Chaque petit détail est précieux et réfléchi. Grey Garden est aussi un grand moment pour moi car j’avais affaire à une famille iconique. A chaque fois que vous recréez des icônes, c’est un grand défi.

Propos recueillis par Elodie Perrodil

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