Jetant un pont entre l’hiver qui s’éternise et le printemps qui se fait attendre, les collections Croisière font escale dans les boutiques de luxe, pour quelques semaines seulement. Tour d’horizon d’un phénomène très en vogue.

Maillots ultraglamour, robes légères, petits hauts décolletés et accessoires déclinés dans des couleurs vitaminées… Comme un coup de soleil au c£ur de l’hiver, les lignes croisière ont accosté dans les enseignes les plus hype. Rien à voir, dans cette arrivée de pièces estivales en pleine grisaille, avec un quelconque dérèglement climatique de la planète mode. Il s’agit même, au contraire, d’un rituel saisonnier parfaitement rodé : chaque année, elles débarquent dans les boutiques au mois de novembre pour refaire leurs valises fin décembre. Résultat : l’effet  » exclusif  » joue à plein, et ces collections rencontrent un franc succès. Chez Dior, on affirme même qu’elles représentent 40 % des ventes de la saison. D’où le soin particulier apporté par John Galliano, directeur artistique de la maison, dans la réalisation de l’édition 2007, présentée à New York en mai dernier. Robes trapèze inspirées des sixties, bikinis ultrachics et pantacourts en lamé ou brodés de sequins : la collection, forte et très travaillée, n’a plus rien de secondaire.

Si on retrouve le même esprit jet-set chez Celine, d’autres griffes restent quant à elles fidèles au luxe décontracté, traditionnel fil rouge des lignes Cruise. C’est le cas de Gucci, qui présente cette saison de petits blousons sportswear sur des pantalons cigarette, de Louis Vuitton et de ses silhouettes d’inspiration girly, ou encore de D&G, qui mise sur les jeans, dont un modèle XXL, must-have de l’été. Car si ces collections d’entre saison ont leur identité propre, elles ont aussi pour mission de dévoiler les tendances estivales incontournables tout en ne s’éloignant pas trop de celles de l’hiver qui bat son plein.

Coco Chanel, la pionnière

Mais, davantage qu’ailleurs, c’est chez Chanel que cette note sportswear de luxe est la plus évidente : cette année, on y retrouve, outre le denim, des shorts ou des petites robes très relax. Juste retour des choses, puisque c’est Gabrielle Chanel elle-même, une fois de plus avant-gardiste, qui a lancé le concept de collection croisière en proposant, dès les années 1920, des modèles chics mais décontractés destinés à la jet-set en quête de soleil en hiver. Son idée ? Voyager sans contrainte. C’est l’époque des villégiatures à Monaco, Nice ou Biarritz, des premières croisières sur les paquebots de luxe, et Mademoiselle crée une garde-robe adaptée à ces femmes qui s’émancipent, se coupent les cheveux à la garçonne et s’approprient le vestiaire masculin. Dans la première collection croisière de la griffe au double C, on découvre d’ailleurs les fameux pantalons pyjamas qui ont marqué les Années folles.

Abandonnées avec l’avènement du prêt-à- porter, les lignes Cruise reviennent sur le devant de la scène dans les années 2000. A l’exception de Sonia Rykiel, qui en dessine une ligne quasiment depuis ses débuts, ce n’est qu’à ce moment-là que les griffes prestigieuses, dopées par les bonnes ventes de leurs accessoires, relancent l’idée. Mais le but premier a changé : il ne s’agit plus tant de répondre à de nouveaux comportements sociaux que de booster les ventes, en baisse de régime en novembre et décembre. Alors que les vêtements d’hiver sont en boutiques depuis juillet et que se profilent déjà les soldes de janvier, rien de tel qu’un peu de nouveauté pour relancer la fièvre acheteuse pendant cette période creuse.

Et cela marche si bien que, après avoir assisté à la naissance de ces collections d’entre saisons pour l’Homme – D&G, Yves Saint Laurent, Calvin Klein, Hugo Boss… tous se sont pris au jeu -, on voit aujourd’hui des marques plus accessibles adopter à leur tour le concept. Parmi elles, on pointe Paul & Joe ou, depuis 2006, See by Chloe et Paule Ka. Même les maroquiniers s’y sont mis : chez Sergio Rossi, le catalogue Cruise 2008 propose six paires de sandales à talons vertigineux, une ballerine et un sac. Coco Chanel, qui se targuait de pouvoir faire le tour du monde avec seulement quatre paires de chaussures et sans malles encombrantes, n’imaginait sans doute pas l’ampleur que prendrait le phénomène croisière…

Delphine Kindermans

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