Le polo vintage, c’est lui. Le duo Kitsuné à la direction artistique et la collection capsule avec Carven, c’est encore lui. Patrick Pergament, DG de Petit Bateau, n’est pas un capitaine au long cours comme les autres. Hissez haut !

N’allez surtout pas imaginer que ses journées, il les passe à faire des cocottes en papier. De bonne grâce et pour les besoins de la photo, le directeur général de cette marque patrimoniale française de sous-vêtements et de pyjamas tout doux s’est plié à l’exercice du portrait. Un cliché détourné, une interview avec flash-back et prospectives dans son bureau parisien. S’il a tombé la veste, noire et impeccable, signée de préférence Prada ou Comme des Garçons, c’est parce qu’il s’est pris au jeu. Vous ne le verrez cependant jamais en marinière, à l’inverse de ses collaboratrices croisées dans les couloirs qui portent l’uniforme maison, mais sans qu’il soit nécessaire de leur en intimer l’ordre – celles qui ont déjà enfilé un tee-shirt Petit Bateau, finition picot, savent de quoi on parle. Justement, l’heure est à la description, Patrick Pergament énumère le vocabulaire de base –  » émotion, qualité, matières, c£ur de métier « . Et aussi  » positionnement, séduire les gens, développement, Chine, Russie, Brésil, digital, demain « .

Depuis deux ans, le directeur général a  » mis les choses en mouvement « , c’est l’homme de la situation. Il n’est pas très vieux pourtant, 45 ans et CV en béton. Diplôme de Sciences Po Paris et doigt dans l’engrenage en 1991, aux Galeries Lafayette, à Singapour où il est deputy store manager ; il y attrape  » le virus du commerce « , comprend que  » Paris n’est pas le centre du monde  » et rentre sur le Vieux Continent deux ans plus tard, toujours pour les Galeries, où il est acheteur, rayon Homme, avant de reprendre des études de management à l’Insead, en 1996, parce qu’il avait  » envie d’un challenge plus fort « .

Le grand magasin lui manque,  » c’était surprenant pour mes petits camarades qui menaient de brillantes carrières dans des banques mais je m’amusais plus dans le commerce… « . Retour donc aux Galeries Lafayette, il est le numéro un du magasin Boulevard Haussmann  » trois mille personnes, un énorme chiffre d’affaires « , puis directeur de la stratégie et du développement,  » une période passionnante « . En parallèle, et entre autres, il occupe le poste de CEO du 107 Rivoli/Musées des Arts décoratifs qui se met à éditer des artistes, des designers, Paola Navone, Arik Levy, joli coup. En 2006, direction Milan et Prada, fonction  » directeur général pour la France  » et éblouissement. Patrick Pergament y découvre  » le monde de la mode, avec un grand M « , côtoie Miuccia, l’équipe dirigeante, des gens  » talentueux  » ; c’est l’époque du premier défilé Miu Miu à Paris, des ouvertures de boutiques, de l’extension de celle du Faubourg Saint-Honoré. Il aime l’écosystème de cet univers-là,  » ses talents esthétiques poussés à l’extrême, cette immense réactivité et cette vision absolue liée à ce double principe de créer et valoriser ce que l’on fait « .

Patrick Pergament a bien retenu la leçon, quand il débarque chez Petit Bateau en 2010, il est prêt pour  » le challenge « . Tout en n’oubliant pas de remercier a posteriori Karl Lagerfeld d’avoir mis en scène le tee-shirt maison sous le tailleur Chanel et sur Claudia Schiffer, en 1994 –  » un coup de baguette magique « , l’autre étant le rachat salvateur en 1988 par le groupe Yves Rocher. Depuis, il a laissé Didier Ludot penser des petites robes noires, Tsumori Chisato déformer les rayures de la marinière et le duo Kitsuné, label mode et musique parfaitement tendance dans son intemporalité, prendre les rênes de la direction artistique des collections Femme et Homme, résultat l’hiver prochain. Entre-temps, on aura pu admirer la carte blanche qu’il a proposée à Guillaume Henry pour Carven, une collection capsule pour Noël, histoire d' » injecter une dose d’innovation et de créativité – et qui peut mieux le faire qu’un créateur ? « . Tout est prêt pour fêter sans nostalgie les 120 ans de cette marque transgénérationnelle qui, en 1893, d’un coup de ciseaux judicieux, inventa la culotte. Et réinventa le pyjama, que, scoop, Patrick Pergament ne porte pas, pas encore, donnant ainsi raison à ce vieux proverbe où il est question de cordonniers très mal chaussés.

PAR ANNE-FRANÇOISE MOYSON

 » UNE DOSE DE CRÉATIVITÉ. « 

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