Peter Goossens, le chef le plus coté de Belgique, prend ses quartiers au cour de Bruxelles. Il assure la  » direction gastronomique  » du tout nouveau MuseumBrasserie… après avoir inauguré, fin novembre dernier, le MuseumCafé. En exclusivité pour Weekend, ce gourmand étoilé vous livre son abécédaire de saveurs, par produits belges interposés.

« Cooking meets Art  » : Peter Goossens, qui annonce depuis quelques semaines cette rencontre de la cuisine et de l’art, confirme aujourd’hui le rendez-vous qu’il a fixé aux amateurs sur l’immense affiche apposée sur l’une des façades des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, place Royale, face à la statue équestre de Godefroid de Bouillon. L’ouverture de la MuseumBrasserie, son restaurant bruxellois, constitue l’événement culinaire belge de ce début d’année. Il y a fort à parier, en effet, que cette table peu banale connaîtra d’emblée un franc succès, fruit conjoint de la notoriété et de la curiosité.

 » Je n’ai jamais voulu faire un second Hof van Cleve « , précise d’entrée de jeu celui qui compte, depuis deux ans, à Kruishoutem, pas moins de 3 étoiles au Guide Rouge. Funambule des saveurs, Peter Goossens peut rivaliser avec les plus grands du firmament Michelin.  » Mais pour atteindre ce niveau, il faut des équipes de premier plan, souligne-t-il. Tout cela a un coût que nous ne voulions pas faire supporter aux visiteurs du musée et à ceux qui seront nos hôtes. C’est ainsi que nous avons proposé à Michel Draguet, le directeur général des Musées, d’axer notre réflexion sur la cuisine belge, ses produits et ses recettes.  »

Féru de peinture contemporaine belge, amateur de design – il est entre autres un admirateur du grand architecte et décorateur belge Jules Wabbes (1919-1974) -, Peter Goossens voue aussi une véritable passion à la cuisine de tous les jours, celle que ses parents lui ont fait apprécier dès la plus tendre enfance.  » De nombreuses recettes figurant à la carte de la MuseumBrasserie, comme le tutsjespap (une purée de pommes de terre au lait battu) ou les anguilles au vert, me viennent directement de ma mère « , s’enthousiasme-t-il.

Les souvenirs foisonnent… Ah, les dimanches à la Côte et leurs inénarrables festins de cocktails de crevettes et de soles meunière que la famille Goossens partageait au Lusitania ou au Belgica, deux tables célèbres à Ostende ! A l’instar de son père qui pouvait effectuer un détour de trente kilomètres pour acheter du bon beurre de ferme, le chef 3 étoiles est intransigeant sur la qualité des produits.  » Notre boucher a pris sa retraite, confie-t-il. Il était le meilleur de la région. Le dimanche, avec un de mes amis, nous cherchons celui qui pourrait nous fournir une qualité similaire. Nous nous livrons à des dégustations, en achetant ici et là quelques spécialités. Le test infaillible est celui du haché de porc. En Flandre, on le déguste frais moulu, cru sur une tranche de pain de campagne, avec du poivre et du sel. S’il est mal élaboré, le gras est immédiatement rance.  »

On ne servira pas de haché de porc à la MuseumBrasserie. Mais on pourra savourer d’autres tartares au bar spécialement conçu à cet effet.  » Nous avons sélectionné les tartares de thon, de saumon, de langoustines et de b£uf, explique Peter Goossens. Pour ce dernier, j’ai choisi la viande belge. Du pelé, de premier choix, bien entendu.  » Le répertoire des recettes se veut volontiers canaille et familial, avec un velouté de tomates aux boulettes, une salade liégeoise aux foies de volaille, une côte de porc au pickles ou une bouchée à la reine améliorée, baptisée  » Feuilleté au poulet, ris de veau et crevettes  » !

 » Dans nos recettes, nous allons aussi intégrer des produits belges là où on ne les attend pas, s’enorgueillit Peter Goossens. La terrine de foie d’oie est confectionnée à la Rodenbach tandis que l’onglet de b£uf l’est aux échalotes et à la gueuze. La bière joue un rôle important. Mais il y a aussi la moutarde de Gand, l’anguille fumée, les crevettes épluchées à la main, les moules…  » Et pour la bonne bouche, le chef de la MuseumBrasserie confie, en exclusivité pour Weekend, son abécédaire gourmand composé de quinze de ses produits fétiches… aux couleurs noir, jaune, rouge.

Anguille

 » Cuite à 80 °C, puis débarrassée de ses arêtes, l’anguille fraîche est servie avec des herbes vertes. A déguster avec un vin blanc. Pour l’anguille fumée, on a prévu un beau toast, avec des £ufs brouillés. Mais l’accord le plus harmonieux consiste, comme pour tout poisson fumé, à marier l’anguille avec une grande gueuze artisanale : la Drie Fonteinen de Beersel, par exemple.  »

Beurre

 » On cuit tout au beurre : cabillaud, onglet, rognons, carbonades… J’aime le goût du beurre et surtout celui du beurre noisette. Imaginez une raie aux câpres et au beurre noisette ! On peut aussi monter du beurre à l’eau chaude avec poivre, sel et un peu de jus de citron.  »

Bulots

 » Pour les bulots, je suis partisan des cuissons courtes. On les plonge dans un bouillon, on attend la reprise d’ébullition et on coupe la flamme. L’assaisonnement du bouillon est primordial : de la livèche, du cayenne, du sel, du piment d’Espelette.  »

Chicons

 » Crus, il faut les couper en rondelles de 7 à 8 mm de largeur et les assaisonner d’une mayonnaise bien moutardée, avec poivre et sel. Cuits, ils seront bien meilleurs caramélisés. Pour ce faire, il faut d’abord soigneusement les colorer, au beurre. Ensuite couvrir et laisser infuser lentement, sans ajouter de sucre.  »

Crevettes grises

 » En été, je préparerai les crevettes, comme dans mon enfance : dans un verre, avec de la laitue ciselée, des crevettes et de la sauce cocktail, c’est-à-dire une mayonnaise avec un peu de ketchup, un peu de Tabasco, de la sauce Worcestershire, un trait de whisky et de gin.  »

Fromage blanc

 » Vive le platte kaas ! J’aime son caractère onctueux. En fait, dans notre fromage blanc, on ne goûte pas le lait. On le sert avec poivre, sel, ciboulette et même un peu de radis haché.  »

Moules

 » Nous les cuisons à la vapeur. Nous les disposons dans un bac perforé, au-dessus d’un autre plein. Avant cela, nous les mélangeons avec du céleri et de l’oignon émincés et sués au beurre. Le jus de moule recueilli constitue une base formidable pour les sauces ou les soupes de poisson. S’il en reste, on peut le congeler.  »

Moutarde

 » La moutarde de chez Tierenteijn, à Gand, est assez forte. Elle donne un bon goût de moutarde à la mayonnaise, ce que j’aime. Nous l’utilisons aussi dans la carbonnade aux joues de porc. Dès qu’elles sont colorées, nous ajoutons les oignons, puis la moutarde et la bière.  »

îufs

 » J’adore l’£uf entier, le blanc cuit et le jaune cru ( NDLR : Kruishoutem, là où est installé le Hof van Cleve, est la capitale belge de l’£uf). En été, ma mère prépare un £uf entier, très froid. Il est battu à la fourchette avec poivre et sel. On le déguste avec des bâtonnets de pain beurré.  »

Pain

 » En hiver, je préfère un pain rustique, à base de levain, d’épeautre et de seigle. Mais en été, j’apprécie un pain plus blanc, plus léger et croustillant, avec de grosses bulles à l’intérieur.  »

Pain d’épices

 » Le pain d’épices, je le préfère le matin avec beaucoup de beurre. Et du café. Légèrement toasté, on peut aussi le servir avec du fromage. Au dessert, il se marie bien avec le chocolat.  »

Pickles

 » J’en consomme avec du haché de porc, avec les frites aussi. Comme la moutarde, mon préféré vient de chez Tierenteijn, à Gand : il est légèrement liquide. Nous le servons avec une bonne côte de porc. Après la cuisson, nous ajoutons un peu d’échalotes, de la bière blanche, le pickles et un peu de crème fraîche !  »

Poire

 » Je pense à la Doyenné du comice, un fruit pareil à nul autre, juteux en bouche. On peut la pocher dans un sirop sucré aromatisé avec vanille, badiane, cannelle et des zestes d’oranges ou de citron.  »

Pomme de terre

 » Je les adore en purée, au beurre. J’aime aussi les frites avec du pickles et de la mayonnaise… et des carbonades !  »

Sirop (de Liège)

 » C’est un produit  » superbelge  » à base de jus concentré de poires. Il faut le choisir le plus artisanal possible. Délectable avec le fromage de Herve, par exemple !  »

Carnet d’adresses en page 77.

Reportage : Jean-Pierre Gabriel

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content