A la tête de plusieurs restaurants dédiés au Maroc, l’Anversoise parle avec beaucoup de saveur des traditions culinaires de son pays d’origine, transmises de mère en fille et d’une incroyable richesse.

C’est en 1997 que Fatima Marzouki a ouvert dans le quartier anversois du Zurenborg son premier restaurant marocain, El Warda, suivi en 2002 du resto-buffet Bizanaat. En Flandre, cette maman de quatre enfants est toutefois surtout connue du grand public pour ses livres de cuisine et pour ses apparitions télévisées, sur VTM, aux côtés du chef Wout Bru dans le programme Junior MasterChef, où elle a eu l’occasion de coacher les jeunes cordons-bleus. En sus des formations qu’elle organise dans son atelier culinaire, elle a trouvé le temps de développer sa propre gamme de mélanges d’épices en collaboration avec la firme Verstegen et ouvrira tout prochainement une petite épicerie-traiteur sur le Meir, dans un luxueux complexe commercial. Autant dire qu’elle connaît comme personne (ou presque) toute la diversité et la richesse de la cuisine traditionnelle de ses ancêtres !

Alors que la cuisine du Maroc passe pour être très variée, les restaurants marocains installés en Belgique donnent l’impression de proposer toujours le même répertoire…

C’est exact ! La tradition culinaire classique, qui recouvre la cuisine familiale, festive et intime, se compose de plats divers et très raffinés. Certains demandent toutefois énormément de travail et sont donc réservés aux grandes occasions. Ils seront généralement préparés à l’avance… ce qui est compliqué et absolument pas rentable dans un restaurant. Pour un événement, on servira par exemple des beignets en pâte filo farcis de poulet, d’amandes, de viande ou de poissons fins et de nouilles, suivis en plat principal de viandes longuement marinées et mijotées, de poulets bio farcis, cuits au four et nappés d’une sauce au safran, citrons confits et olives, de pastillas au pigeon ou au poisson accompagnés de fruits de mer et de poivrons confits… Les mets de tous les jours, eux, reposent plutôt sur des recettes saines et sans chichis – principalement des préparations mijotées à base, par exemple, de haricots, de céréales, de légumes ou de pommes de terre. Cette cuisine intime est adaptée à chaque situation. Pour un malade, une maman pourra préparer un plat au fenugrec, une épice au goût puissant qui possède des vertus purifiantes. Après un accouchement ou pour se redonner le moral quand il pleut, il y a la madhoussa des grands-mères – un plat composé de fines galettes, de viande et de bouillon qui prend près de quatre heures à préparer. Le kadid, une viande séchée épicée à l’odeur pénétrante qui remonte à l’époque où les frigos n’existaient pas, est utilisé dans les ragoûts au riz ou au couscous que l’on sert aux proches également.

Cette fabuleuse tradition culinaire est-elle l’apanage exclusif des femmes ?

Disons que les traditions se transmettent de mère en fille. Plus la cuisinière est âgée et expérimentée, plus elle est respectée de son entourage. Aujourd’hui encore, les femmes mariées passent souvent la journée ensemble… et elles en profitent notamment pour parler cuisine et partager leurs expériences.

Quels sont les ingrédients les plus utilisés ou les plus typiques ?

La cuisine marocaine se distingue tout particulièrement par ses épices. Les plats chauds contiennent presque tous de la poudre de gingembre et du curcuma qui leur donne la couleur du soleil. Quand un repas doit être particulièrement raffiné, on y ajoute du safran. Parmi les autres ingrédients très utilisés, je citerais l’huile d’olive Kalamata, le sel au piment et au cumin, la poudre de cumin, la coriandre, les citrons confits, les carottes, les navets, la semoule et la viande d’agneau.

Existe-t-il des styles distincts en matière de gastronomie marocaine ?

On distingue trois tendances principales. A côté de la cuisine berbère traditionnelle, avec ses plats mijotés à base de céréales et de légumineuses, on trouve aussi des préparations d’influence mauresque (souvent marquées par des contrastes sucré-salé et par l’utilisation de miel, de cannelle, d’amandes et de pâte filo) et des influences arabes, perceptibles dans les recettes parfumées à la fleur d’oranger et les délicieuses pâtisseries comme les ghriybas. Il existe également de nombreuses spécialités locales : tel village est réputé pour ses navets séchés, d’autres pour leur klila, un fromage à base de babeurre cuit, caillé, suspendu et égoutté puis mis à sécher au soleil. C’est vraiment un ingrédient qui donne de la profondeur aux mets et je regrette qu’il soit inconnu chez nous !

El Warda, 4, Draakstraat, à 2018 Anvers. www.elwarda.be

Bizanaat, 3, Kleine Hondstraat, à 2018 Anvers. www.elwarda.be/bizanaat

Fatima’s Kookatelier, 26, Grote Beerstraat, à 2018 Anvers. www.fatimaskookatelier.be

PAR PIETER VAN DOVEREN / PHOTOS : KRIS VLEGELS

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