De la technique du sous-vide aux machines dernier cri, la cuisson à basse température est le nouveau Graal des chefs du monde entier. Mais vous aussi, dans votre cuisine, avec les moyens du bord, vous pouvez prendre part à cette révolution qui n’a qu’une obsession : la magnificence du produit.

Elle a drôlement jauni, l’image d’Epinal du maître queux perlant de sueur, remuant ses casseroles en cuivre au-dessus d’un incendie de forêt. Certes, il est encore un peu tôt pour déclarer les rôtissoires, sautoirs, poêles à frire et woks en voie d’extinction, mais force est de reconnaître que le feu vif est sourdement contesté par une révolution de velours en marche depuis quelques saisons : la basse température. Le slogan est lâché. Sur les menus des restaurants, dans les livres de recettes, au rayon professionnel des matériels de cuisine, il se brandit partout. Avec un idéal en toile de fond : le respect total des aliments.

Souvenez-vous : déjà, avec la  » nouvelle cuisine « , dans les années 1970, Henri Gault et Christian Millau pourfendaient la cuisine au lance-flammes, le matraquage des poissons, le flambage des viandes, en proclamant le commandement :  » Tu ne cuiras pas trop « . Aujourd’hui, on revendique carrément la naturalité radicale des produits, et les cuissons caressantes sont devenues des alliées indispensables pour préserver leurs textures, leurs couleurs, leurs arômes et leurs qualités nutritionnelles.

La science a grandement contribué à l’épanouissement de ce nouveau dogme. En tête, le Français Hervé This, le plus toqué des physico-chimistes. Il montrait, en 2000, qu’un £uf dur cuit à 62 °C présente un blanc beaucoup plus tendre, moins caoutchouteux qu’un £uf plongé dans une eau bouillante à 100 °C. Sous le microscope, la coagulation se traduit par des protéines qui forment les mailles d’un filet piégeant les molécules d’eau.  » Pour les viandes et les poissons, c’est la même chose, confie le chercheur. Le mélange d’eau et de protéines à l’intérieur de leurs fibres musculaires se comporte comme le blanc d’£uf. Plus une viande est cuite à feu vif, plus elle devient dure. D’où l’intérêt gustatif des bases températures… « 

Nos grand-mères n’ont pas attendu les conclusions de nos savants fous pour pratiquer empiriquement les braisages (à l’origine, la cuisson d’aliments sur de la braise à feu doux et à couvert) et les agneaux de sept heures. Pas plus que les Japonais, qui, selon la coutume de l’onsen tamago vieille de mille cinq cents ans, faisaient cuire leurs £ufs dans des sources chaudes pour obtenir une souplesse incomparable. De la technique du sous-vide aux machines dernier cri, le high-tech facilite désormais la tâche des chefs. Un jour, vous pourrez, vous aussi, profiter dans votre cuisine des avancées technologiques. Pour l’heure, il vous reste les réjouissances d’un saumon cajolé par les vapeurs d’un lave-vaisselle ou d’une mangue vêtue de film alimentaire prenant un bain de jouvence dans une bouilloire, entre autres expériences ludiques et faciles que nous vous proposons. Du système D à mi-chemin du dada et de MacGyver… en attendant le progrès.

Création et réalisation des recettes : Sophie Brissaud.

Photos : Pierre-Louis Viel.

Merci à Frédérick E. Grasser-Hermé, Laurent Pourcel, Carlo Crisci, Emilie Sanson (De Dietrich), Marie-France Munoz (Staub).

François-Régis Gaudry

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