Sélectionné pour représenter la Belgique à la Biennale d’architecture de Venise, fin août prochain, les jeunes Bruxellois de l’ASBL Rotor ont fait des rebuts de l’industrie et des chantiers de construction la matière première de leur réflexion.

d’entrée, le ton est donné :  » Nous sommes six dans le collectif Rotorà Difficile de mettre en avant l’une ou l’autre personnalité. Chez nous, les idées de chacun n’ont pas de valeur en soi, c’est ce qu’on en fait collectivement qui compte.  » Tristan Boniver et Michaël Ghyoot, deux des membres du groupe, acceptent néanmoins de se prêter au jeu de l’interview. Looks décontractés, mines concentrées, attablés dans leur QG de la rue de Laeken, à Bruxelles, ils se lancent dans une tentative de définition.  » Rotor, c’est un groupe de personnes curieuses des flux de matériaux qui s’opèrent dans le secteur de l’industrie, de la construction et du design.  » Mais encore ? A chaque phrase, ils pèsent leurs mots, s’arrêtent, regardent l’autre pour voir s’il approuve ce qui va être dit. Un flash-back s’imposeà

Tout commence le jour où Tristan, alors étudiant en architecture, et Maarten Gielen, tout juste sorti de l’école secondaire, se découvrent une fascination commune : lorsqu’ils passent, en rue, à côté d’un container, ils ne peuvent réprimer l’envie de voir ce qui se passe dedans ! Peu à peu, cet intérêt impulsif pour les déchets et  » les surprises qu’ils recèlent  » se mue en engagement citoyen. Ayant constaté que les industries se débarrassent régulièrement de chutes de découpes, de pièces obsolètes et de matériaux déclassés, les deux  » amateurs de containers  » prennent contact avec elles et dressent un listing de tous ces déchets disponibles. Ils tentent alors de mettre cette base de données à disposition du monde associatif bruxellois, des designers, etc. En 2006, ils fourniront notamment les matériaux des chars et costumes de la Zinneke parade, cette manifestation bruxelloise qui rassemble de nombreuses associations socioculturelles dans un défilé festif.

De fil en aiguille, d’autres Bruxellois intéressés par  » ces surplus dont personnes ne veut  » rejoignent le groupe. Et Rotor prend son envol.  » Au départ, on allait en camionnette chercher la matière première à la source. On devenait magasiniersà On s’est dit qu’il fallait passer à autre chose et l’arrivée de personnes comme Michaël et Lionel a permis de développer un contenu plus théorique à notre projet « , se souvient Tristan. C’est ainsi que l’équipe décide de ne plus être simple fournisseur de matériaux mais d’investir elle-même une parcelle abandonnée, rue de Flandre, pour y construire, à partir de chutes industrielles, un petit lieu temporaire d’événements. Un an plus tard, le module est démonté, laissant derrière lui à peine quelques mètres cubes de détritus. Ce qui ne devait être qu’un défi entre copains fait le tour des journaux et s’invite même dans la presse professionnelleà

Depuis, les projets concrets n’ont cessé de se multiplier : expos, installations temporaires – notamment à l’occasion du KunstenFESTIVALdesarts -, cycle de conférencesà Et bien sûr, le pavillon belge pour la Biennale d’architecture de Venise qui se tiendra du 29 août au 21 novembre prochain. Rotor a en effet été sélectionné par la Communauté française pour représenter notre pays lors de cette grand-messe dédiée à l’art de l’espace. Et pourtant, Tristan et Michaël, désormais diplômés, ne se revendiquent pas comme spécialistes de la discipline. D’autres membres ont par ailleurs des formations très différentes. Tout juste estiment-ils tous  » évoluer dans des sphères non conventionnelles périphériques à l’architecture « .

Artistes, alors ?  » Encore moins ! réagit Michaël. Notre discours est très pragmatique. Il parle des processus industriels, de la vie de la matièreà Même les architectes sont plus artistes que nous.  » Rotor serait donc un collectif qui vogue entre engagement citoyen, design et conception spatialeà Et nous amène à réfléchir, tout un chacun, sur le mode de fonctionnement de notre société surconsommatrice.

Fanny Bouvry

Chez nous, les idées de chacun n’ont pas de valeur en soi, c’est ce qu’on en fait collectivement qui compte.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content