Barbara Witkowska Journaliste

C’est une « perle » de l’Océan Indien au nom fascinant et mythique. Zanzibar… où les influences arabes, indiennes, perses et africaines ont forgé une atmosphère unique.

Il fait grand bleu sur Zanzibar. Le matin, à la fine pointe de l’aube, une chaleur très douce flotte dans l’air. La campagne, verte et éclatante, est magnifique. Dans la terre riche et généreuse, des centaines de bananiers et de palmiers s’épanouissent avec exubérance, offrent protection et ombrage au chapelet de maisons qui s’égrènent vers l’infini. Leurs structures en bois de mangrove sont entourées de murs en terre et recouvertes de toits en chaume. On est dans un autre monde, dans un autre siècle. Le long des routes, des femmes avancent en file indienne. Des écolières vêtues toutes pareil, de longues jupes bleu marine, de chemises et de foulards crème, font penser à de sages et discrètes religieuses. De jeunes paysannes, drapées dans des khangas, paréos et fichus aux couleurs vives, se dirigent, pioche en main, vers les champs. Silhouette altière, grâce féline, certaines sont très belles et n’ont rien à envier aux plus célèbres top models. D’autres élégantes s’en vont vaquer en ville, parées de saris chatoyants ou vêtues de bai bui, longue et pudique robe noire, accompagnée d’un foulard noir.

La première impression de Zanzibar ? Ce métissage coloré et volubile, fascinant, plein de gentillesse et de joie de vivre. Des paroles de bienvenue en kiswahili  » jambo, habari gani ?  » ( » salut, comment ça va ? « ) fusent de toutes parts. Des sourires éclairent les visages des petits et des grands, qu’ils soient indiens de Goa, perses de Shiraz, arabes d’Oman, africains de Tanzanie ou chinois. Sertie dans l’océan Indien, à quelques encablures de Dar-es-Salaam, la  » perle  » des îles exhale tous les mystères d’Orient en terre africaine.

Des siècles avant l’ère chrétienne, les marchands grecs, phéniciens et arabes (ces derniers baptisèrent l’île Zenji Bar, la  » côte des noirs  » venaient déjà échanger l’ivoire, les épices et les esclaves contre les perles de verre et les textiles. Longtemps, le commerce d’esclaves, appelé  » bois d’ébène  » a fait la richesse de Zanzibar. Peu de vestiges rappellent ce passé douloureux. Sur l’ancien marché d’esclaves de Stone Town, la capitale, se dresse, aujourd’hui … une église anglicane, histoire d’implorer le pardon du Dieu. A Mangapwani, plus au nord, il existe bel et bien des caves où, après que cette pratique honteuse fut devenue hors la loi, les derniers trafiquants malhonnêtes entassaient les esclaves, toujours réclamés par l’Orient. Mais ici, on préfère évoquer un passé plus glorieux, parfumé au clou de girofle. En 1832, le sultan Sayyid Saïd (les Omanais sont alors les maîtres de l’île) transfère la capitale du sultanat à Zanzibar et y fait venir les premiers girofliers de l’île Bourbon (la Réunion). C’est le coup d’envoi d’un formidable boom économique qui fait de Zanzibar le premier producteur au monde de clous de girofle. Aujourd’hui, cette place enviable revient à l’Indonésie, mais Zanzibar peut toujours revendiquer le titre d’île aux épices. Des fermiers compétents se feront une joie de vous initier à tous les secrets de la vanille, du gingembre, de la cardamome, du poivre, de la cannelle et du curry.

Plus au sud, on pénètre dans la plus grande forêt de l’île. A perte de vue, rien que du vert. Cocotiers, pommiers, amandiers, fougères et arbres à pain, il y a tout cela à Jozani. Mais il y a surtout les cocobus, ces singes rouges que l’on ne trouve nulle part ailleurs. Le matin, ils sont en super-forme et déploient des trésors d’imagination pour amuser les visiteurs. Plus loin, on se hasarde sur d’interminables ponts en bois, au milieu d’une impressionnante forêt de mangroves, ces arbres magnifiques qui ne s’épanouissent que dans l’eau de mer et dont le bois est très utile aux Zanzibarites pour la construction de leurs maisons, effectuée avec un soin minutieux.

Ce même soin attentionné et patient, on le retrouve à Nungwi, village de pêcheurs, toujours privé d’électricité. Dans le mini-chantier naval, le bois se travaille toujours comme autrefois, à la main. Trois mois d’efforts conjugués et de gestes précis sont nécessaires à la construction d’un solide boutre aux lignes fluides. Il pourra ramener des baracudas, des langoustes et des thons pour tout le village.

Retour en ville, à Zanzibar City. Les Zanzibarites sont fiers de leur capitale qui, petit à petit, se relève de ses ruines et retrouve doucement le souvenir des fastes de la dynastie omanaise qui, pendant plus de deux siècles, a régné sur l’île. Les demeures raffinées, disséminées dans Stone Town, la vieille ville, ont été abandonnées, en hâte, lors de la révolution de 1964. L’Etat s’est emparé de ce magnifique patrimoine et l’a mis en location. Absorbés par d’autres préoccupations, les locataires n’ont pas su défendre les belles demeures contre les aléas du temps. La sonnette d’alarme a retenti au début des années 1980. Depuis lors, avec le soutien financier de l’Unesco, les restaurations avancent. Il faut prendre le temps de flâner dans les ruelles, de s’arrêter devant un balcon ouvragé, de repérer un temple hindou ou une mosquée et, surtout, de contempler les célèbres et magnifiques portes, synonymes d’aisance et de richesse.  » Dis-moi quelle porte tu as, je te dirai quel rang social tu occupes « . Subtilement ouvragées, décorées de rosaces, de fleurs et d’oiseaux, elles seraient, à Stone Town, environ 300.

Face à l’océan, on découvre le palais des sultans d’où ils ont été chassés en 1964 (leurs descendants vivent aujourd’hui à Londres). Dans les chambres en enfilade, un extraordinaire bric-à-brac de mobilier arabe, chinois, indien et… européen des années 1950 ! Ce qui prouve que les sultans suivaient de près les tendances en décoration. Dans la chambre de la princesse Salme flotte un parfum de scandale et de mystère. Sacré numéro, cette princesse ! Libre, rebelle et insoumise, la fille du sultan Sayyid Saïd, le roi du clou de girofle et d’une esclave circassienne, est passée dans l’histoire en tombant amoureuse d’un homme d’affaires allemand. Enceinte, elle a scandalisé la bonne société de Zanzibar. Il a fallu fuir, se marier en hâte, pour éviter, de justesse, un grave conflit diplomatique…

A deux pas, le Palais des Merveilles, résidence du sultan Bargash (fils de Sayyid Saïd) est un admirable exemple d’architecture coloniale de la fin du XIXe siècle, alliant l’acier et la pierre. Fraîchement restauré, il abrite le musée, très intéressant, dédié à l’histoire de Zanzibar. Il faut monter tout en haut, faire le tour du palais par les terrasses. De là, toute la ville s’offre à vous : l’océan Indien, ce  » désert liquide « , si cher à la princesse Salme, les belles demeures le long de la côté et, enfin, une vue panoramique sur toute la ville, océan mouvant de toits en tôle ondulée, rythmés çà et là par un minaret, la tour d’un temple ou d’une église. C’est vraiment magique !

Guide pratique en page 94.

Barbara Witkowska

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