Assagi, le vestiaire masculin de l’hiver prochain se concentre sur ses essentiels mais ose le mix des codes streetwear et formels. Le confort prime. Et les looks féminins, omniprésents, donnent le ton. Compte rendu des Fashion Weeks, en images.

Le thème masculin-féminin est un grand classique des défilés Femme, celles-ci ne se privant pas de s’approprier les pièces phares – du bien nommé boyfriend jeans à la chemise blanche en passant par le trench ou le caban – du dressing de leurs partenaires. Pour l’hiver prochain toutefois, ce sont elles qui semblent donner le ton, en envahissant les catwalks de marques pourtant pas ou peu coutumières du fait comme Dsquared2, Dirk Bikkembergs, Damir Doma et même Raf Simons. Chez Prada, où on dénombrait pas moins de vingt filles pour trente garçons sur le podium, plutôt que d’exacerber les différences, on s’emploie encore à rechercher les points communs entre les deux vestiaires pour imaginer des looks assortis, à défaut d’être interchangeables, déclinés dans des tons sombres et sobres, presque glaçants. Chez Gucci, en revanche, le tout nouveau directeur artistique Alessandro Michele (lire par ailleurs) avait choisi de se jouer lui aussi de la représentation des deux sexes mais de manière beaucoup plus ambiguë. Dans le choix du casting déjà – des garçons androgynes aux traits plus fins et aux cheveux plus longs que ceux des filles défilant à leurs côtés – mais surtout dans celui du stylisme où les attributs féminins – des blouses en soie et en dentelle transparentes, des lavallières nouées au ras du cou, des sacs à main de  » dame  » – étaient portés par des hommes, les femmes se réservant les tenues les plus  » viriles  » de la collection. Chez Saint Laurent aussi, la majorité des créations auraient pu être portées indifféremment par les jeunes gens d’une minceur extrême ou les nombreuses jeunes filles arpentant le podium, tous chaussés de bottillons à talons hauts. Un show inspiré par l’univers d’une nouvelle génération de musiciens et musiciennes parisiens se revendiquant eux-mêmes de la scène française des années 70. Non contents, pour certains d’entre eux regroupés sous le nom du collectif Mystère, de signer la bande-son originale du défilé, ils viennent aussi d’intégrer le club très fermé du Saint Laurent Music Project, aux côtés d’icônes comme Daft Punk, Marilyn Manson et Courtney Love. Concrètement, tout ce beau monde prend la pose dans des pièces intemporelles et permanentes de la maison, devant l’objectif d’un Hedi Slimane redevenu photographe. Dans un registre nettement plus classique, Giorgio Armani avait également choisi de faire défiler des silhouettes jumelles d’hommes et de femmes, vêtus à l’identique de vêtements fluides aux lignes adoucies et de maille dans laquelle il semblait doux de se lover.

REQUIEM POUR UN SHOW

Il y a toujours quelque chose d’un peu plus théâtral qu’ailleurs dans les défilés de Thom Browne. Fasciné par les rituels funèbres, le créateur américain avait cette fois imaginé un scénario mettant en scène la vie et le trépas – le suicide méticuleusement préparé diraient même certains – d’un garçon nommé Michael, honoré sur son lit de mort par ses proches vêtus de noir – des hommes mais aussi des femmes  » jouées  » par des modèles masculins – venus s’incliner devant sa dépouille sous une pluie de cendres au son de la lancinante Sarabande de Haendel, un thème choisi aussi par Kubrick dans Barry Lyndon. Un show d’une lenteur étouffante, comme pour mieux faire écho à la tension post-attentat qui pesait sur Paris pendant toute la Fashion Week.

DIOR CONNAÎT LA MUSIQUE

A voir l’armée de jeunes gens en costumes sombres gardant le rideau noir qui scindait la salle en deux, les invités du défilé Dior Homme – parmi lesquels on a pu entrevoir Pierre Niney, Francis Huster et Lambert Wilson – se doutaient bien que Kris Van Assche leur réservait une surprise de taille. Derrière le velours, une formation de trente-deux musiciens classiques assurait la bande-son – une étrange version philharmonique d’un morceau électro signé Koudlam – d’un show s’ouvrant, une fois n’est pas coutume, sur des pièces du soir, le côté formel des looks étant contrebalancé par des casquettes résolument sportwear et des pin’s épinglés au revers des smokings et des queues-de-pie. Un mix que domine à merveille depuis plusieurs saisons le directeur artistique de Dior Homme qui n’a à nouveau pas hésité à juxtaposer jeans bruts et imprimés fleuris, redéfinissant ainsi les codes d’une maison où il se sent de plus en plus chez lui.

TOUS SUR LE ZIZI

Cela fait belle lurette que plus personne ne s’émeut de voir pointer un bout de sein lors d’un défilé féminin mais il suffit qu’un – oui, un seul… – pénis sorte du bois pour enflammer la Toile. Rick Owens n’est pas un bleu, en faisant défiler son modèle sans sous-vêtement, il cherchait le (bad) buzz et il l’a eu, au détriment peut-être du reste d’une collection somme toute assez classique où dominaient de belles pièces en cuir dont il a le secret.

MARTIN QUI ?

La changement n’a pas fait l’objet d’une communication officielle mais la griffe aux trois M s’est désormais affranchie du prénom de son créateur pour devenir tout simplement Maison Margiela avec l’arrivée de John Galliano à sa direction artistique. En 2012, Yves Saint Laurent avait subi le même sort, muant en Saint Laurent Paris. Une pratique plus courante qu’il n’y paraît – Fratelli Prada tout comme Guccio Gucci ont eux aussi vu leur nom raccourci par souci d’efficacité – qui permettrait de pérenniser la marque une fois que le fondateur n’est plus aux commandes. Lors du dernier défilé Homme MM, John Galliano n’est pas montré, signe sans doute de sa très faible implication dans cette collection d’inspiration seventies.

FAMILLE JE VOUS LIKE

Dans la droite ligne de leur nouvelle campagne mettant en scène des mammas siciliennes, Domenico Dolce & Stefano Gabbana avaient choisi de rendre hommage à la famille en imaginant un étonnant tableau vivant dont les héros – des proches de tous âges des deux créateurs, le plus jeune ayant à peine quelques mois – photographiés la veille, voyaient leurs portraits imprimés sur certaines pièces du défilé. Sur d’autres vêtements, des dessins et des slogans de type  » amour toujours  » ou  » famille je vous aime  » en anglais ou en italien répondaient au hashtag #DGFamily créé pour l’occasion. Difficile d’imaginer qui pourrait avoir envie d’arborer ainsi sur son tee-shirt la photo d’une autre famille que la sienne – à l’exception peut-être de celle mettant en scène une copie conforme de Claudia Cardinale dans Le Guépard – mais le show rythmé par des classiques de la chanson italienne a au moins réussi à donner le sourire à tout le monde à la sortie. Un  » feel good moment  » qui ne se refuse pas par les temps qui courent.

UN NOUVEAU DIRECTEUR DE LA CRÉATION CHEZ GUCCI

La nature a horreur du vide. La mode aussi, d’ailleurs. Le départ précipité de Frida Giannini avait fait courir les plus folles rumeurs quant à son remplacement à la direction artistique de Gucci. On murmurait les noms de Hedi Slimane, Riccardo Tisci, voire Tom Ford, prétendument prêt à revenir à la tête de la maison italienne. La nouvelle est tombée quelques jours après un défilé bouclé à l’arraché en moins d’une semaine par le studio de design. C’est Alessandro Michele (photo), l’ex-bras droit de Frida, qui assumera à l’avenir  » l’entière responsabilité créative de toutes les collections de la marque et de l’image de la maison Gucci « , a fait savoir le groupe Kering, propriétaire de la griffe. Un garçon qui ne manque pas d’humour puisqu’il avait choisi comme bande-son de son premier défilé un extrait de la musique du film A Single Man… réalisé par Tom Ford. Autre annonce, mais chez Carven Homme cette fois, où Barnabé Hardy remplacera Guillaume Henry parti chez Nina Ricci.

TOUJOURS BON À LIRE

Walter Van Beirendonck n’a pas peur des mots. Encore moins de l’effet qu’ils pourraient avoir sur un public traumatisé par le souvenir des terribles attaques qui ont frappé Paris début janvier dernier. Son slogan Stop Terrorising Our World brandi en ouverture de défilé ne s’adressait pourtant pas explicitement aux meurtriers mais plutôt aux  » censeurs  » bien-pensants qui s’en étaient pris physiquement à Paul McCarthy et à son sapin gonflable en forme de plug anal érigé en octobre dernier sur la Place Vendôme, à deux pas de l’hôtel particulier dans lequel le directeur de la section mode de l’Académie d’Anvers montrait sa collection. Remarqué aussi chez Kenzo, le tag d’entretien des vêtements revisité – en lieu et place des consignes de lavage habituelles, on pouvait lire en grand les mots Love Respect Others Irony – qui trouvait tout à coup une autre résonance dans un Paris sous la haute surveillance du plan Vigipirate.

LA LOI DU CONFORT

A l’aise. A coup sûr l’autre mantra de l’hiver prochain défendu par Fendi, Giorgio Armani, Hermès et Bottega Veneta (photo) où les créateurs ont pu démonter par le choix des formes – des pulls et des pantalons plus larges, voire des joggings chics – et des matières – des lainages moelleux, de la soie, de la flanelle de cachemire et même du velours côtelé – qu’il fera bon flâner avec élégance. Rejetant l’idée d’un vestiaire tiré à quatre épingles  » où tout se doit d’être assorti ou d’avoir l’air neuf « , Tomas Maier pour Bottega Veneta préfère de beaux vêtements  » témoins d’une vie bien vécue « . Des pièces faites pour durer donc, à user et conserver.

LE COSTUME SUPERSTAR

S’il reste incontestablement l’apanage des maisons italiennes, dont Ermenegildo Zegna, Canali, Corneliani (photo) mais aussi Brioni qui signait cette saison son retour dans le calendrier des défilés, le costume s’impose en basique incontournable de l’hiver prochain. Démonstration chez Dior Homme, Lanvin, Paul Smith et Givenchy, bien sûr, mais leitmotiv identique pour des marques plus jeunes comme Julien David, dont la collection opportunément baptisée Strictly Business mêlait sans états d’âme les codes formels du costard-cravate à des accessoires plus streetwear – casquettes, vestes en jeans…

INVASION TRIBALE

Si le retour du costume est le fashion statement de ces deux semaines de défilé (lire par ailleurs), il n’empêche pas la fantaisie, comme en témoignent les collections de Dries Van Noten (photo) et de Givenchy. Dans les deux cas, les créateurs ont cherché l’inspiration dans d’autres cultures. Celle des tribus chinoises Miao pour l’Anversois, qui a choisi d’assumer pleinement son désir d’embellissement de la silhouette masculine avec ces broderies bijoux jouxtant des bandes de gros grain rappelant celles, réfléchissantes, appliquées sur les uniformes de travail. Celle des Amérindiens pour Riccardo Tisci. A l’en croire, il s’agissait bel et bien de sa collection masculine la plus personnelle, inspirée une fois encore par son obsession pour le catholicisme de son enfance et à n’en pas douter le Diable, évoqué dans les maquillages gothiques et les  » bijoux de bouche  » de l’artiste Dolly Cohen, dont les grillages crochus scellaient violemment les lèvres de trois mannequins.

DEUX RAPPEURS SINON RIEN

On n’a pas tous les jours 20 ans. C’est très certainement ce qu’ont dû se dire Dean et Dan Caten, les jumeaux créateurs de la griffe Dsquared2 (1.), en s’associant à Mary J. Blige pour clôturer la présentation de leur collection anniversaire – une certaine vision du Canada passant par la chemise de bûcheron grunge aux tenues de biker et aux chapkas en fourrure – dans un hangar transformé en galerie d’art pour accueillir l’oeuvre monumentale – d’immenses piliers de béton – de l’artiste allemand Anselm Kiefer. Le lendemain, Philipp Plein (2.) s’offrait Snoop Dogg en guest star d’un show comme toujours drôle et décalé, ayant la boxe pour toile de fond.

RETOUR À LA NATURE

Stefano Pilati est allé jusqu’à déplacer des tonnes de terre pour recréer, chants d’oiseaux à l’appui, une forêt luxuriante grandeur nature comme théâtre de sa collection pour Ermenegildo Zegna (photo). A coup sûr l’une des plus abouties depuis son arrivée à la tête de la maison italienne en 2013, pour laquelle il s’est même essayé à des expériences avec des matériaux recyclés. Dans un registre beaucoup plus poétique, Sergio Corneliani avait provoqué l’enchantement en faisant neiger sur un tronc d’arbre noueux, comme sorti d’une forêt magique. Et c’est dans un décor d’arbres mouvants, en parfaite harmonie avec les tons rouille et kaki qui dominaient sa collection pour Ferragamo, que Massimiliano Giornetti a fait défiler ses modèles emmitouflés dans des écharpes XXL.

PAR ISABELLE WILLOT

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