Dans Casse-tête chinois, actuellement à l’affiche, Romain Duris joue le quadra désemparé sous l’oeil de Cédric Klapisch. C’est que cette période de transition peut, parfois, s’avérer compliquée. Mode d’emploi d’une potentielle crise… ou du moins d’un passage obligé.

Dans Casse-tête chinois, le troisième volet de la trilogie de Cédric Klapisch après L’Auberge espagnole (2002) et Les Poupées russes (2005), Romain Duris, alias Xavier, et sa bande se débattent avec les affres de l’existence complexe des quarantenaires. Dans la vie du (plus si) jeune homme : une ex, deux enfants, un couple de lesbiennes, un mariage blanc, une famille recomposée… Le tout dans le Chinatown new-yorkais. Un bon cocktail pour lui faire perdre pied et d’excellents ingrédients pour un  » feel good movie  » drôle et intelligent…

De son côté, Florence Foresti s’exclamait récemment sur sa page Facebook officielle :  » Dernier jour sur la planète trentenaire. Oh mon Dieu ! « . S’en suivaient une centaine de commentaires exhortant l’actrice à passer ce cap le plus sereinement possible. Quand on interroge nos propres amis Facebook sur l’existence ou non d’une crise de la quarantaine, les réactions sont diverses :  » C’est ce qu’on nous fait croire, mais en fait, il y a des crises à tous les âges « , explique Anne, qui a déjà franchi ce seuil avec sagesse. Isabeau, la presque-quadra joyeuse, renchérit :  » Je pense que c’est une légende urbaine. On nous en parle tellement que les gens s’y préparent peut-être… On a des crises (ou pas) tout au long de sa vie, mais dès qu’on approche de la quarantaine, on la met sur le compte du décompte.  » Ou enfin,  » Ma soeur a fait une grosse crise à 40 ans, pendant laquelle elle a remis en question tous les domaines de sa vie : son couple, sa famille, son travail, ses amis… Cela a duré cinq ans. Elle est maintenant à nouveau avec l’homme qu’elle avait quitté « , témoigne Mathieu, du haut de ses 36 ans.

Sommes-nous tous destinés à y passer ou cet obstacle relève-t-il du fantasme ? Pour Marie Andersen, psychologue clinicienne belge et auteure de Faire le choix du bonheur (1), le terme de  » crise de la quarantaine  » est à nuancer, parce que nous avons vite tendance à coller des étiquettes. La subtilité pourrait venir du concept anglais de  » midlife crisis « , pointé par le psychologue Elliott Jaques dans The International Journal of Psychoanalysis, en 1965 déjà. Il désignait par là, l’état dans lequel se trouvent de très nombreux adultes lorsqu’ils prennent conscience de leur propre mortalité et du temps qu’il leur reste théoriquement à vivre. Marie Andersen confirme :  » Je préfère parler de « crise du milieu de vie », parce que ce terme est plus représentatif du phénomène. Ce n’est pas un mythe ! Plus de la moitié des personnes que je vois en consultation viennent « juste » faire le point, remettre en question le chemin parcouru, les priorités, les souhaits, les besoins. Cela ne débouche pas forcément sur une crise intense, parfois même sur rien, mais il y a toujours une interrogation. Pourquoi à ce moment-là ? Parce que l’énergie déployée depuis la vingtaine pour se construire – gagner sa vie, avoir un toit, être en couple, fonder une famille, s’épanouir au travail… – est dépassée, que, tout à coup, notre rythme de vie ralentit et qu’on peut sortir la tête du guidon.  » Un coup d’oeil en avant, un coup d’oeil en arrière et sur les côtés pour prendre la mesure de ce qui nous a, ou de ce qui pourrait nous échapper. Pour confronter notre vie aux valeurs de nos 20 ans, histoire de tenter d’ajuster le tir.

LONGUE VIE À NOUS

 » La crise de la quarantaine, dit Christophe, commercial de 48 ans, c’était avant, quand on était vieux à 40 ans !  » Vrai. Et faux. Car force est de constater, dans tous les cas, que l’allongement de l’espérance de vie augmente la fréquence et les opportunités de remise en question. D’une part, nous vivons plus longtemps, et notre  » midlife  » se déplace plutôt vers les 45-50 ans. On fait des enfants ou on se marie plus tard, et on se remet donc en question ultérieurement aussi. D’autre part, c’est bien parce que notre longévité augmente que nous nous autorisons cette mise au point et un éventuel changement de vie :  » A 40 ans, nous nous sentons encore assez jeunes pour divorcer, fonder une famille, assez énergiques pour prendre une autre voie professionnelle, assez forts pour tout plaquer et ouvrir une chambre d’hôtes à l’étranger. Après, petit à petit, les soucis de santé ou la perte des parents, par exemple, commencent à nous faire percevoir l’horizon au bout de la route. On sent naturellement qu’il nous faut plus de sérénité et garder la vie qu’on a pour la rendre meilleure « , explique Marie Andersen.

ATTITUDE NOMBRILISTE ?

La transition du milieu de vie est néanmoins un concept existentiel profondément occidental, qui a pu se développer dans une société dont la richesse permet ces questionnements. Et laisse envisager des réponses… La psychologue le proclame haut et fort :  » Oui, il y a la crise économique, mais celle-ci se résume pour beaucoup à un brouillard de morosité plus qu’à autre chose… Objectivement, le fait est que nous ne vivons aucune crise de survie et que nous sommes très confortablement installés sur la planète, par rapport à d’autres. On peut remercier nos ancêtres de s’être battus pour nous laisser un monde pacifié, des femmes émancipées qui travaillent, qui votent et qui ont un compte en banque.  »

Cécile, 50 ans et maman de Pascaline et Laetitia, se souvient :  » A 42 ans, j’ai pris la décision de quitter mon travail dans les assurances pour ouvrir mon restaurant. J’ai également quitté mon mari. A ce moment-là, j’avais l’impression que ma vie m’étouffait et j’ai ressenti le besoin de penser à moi, avant tout. Je ne pouvais pas faire autrement.  » Et si cette crise du milieu de vie n’était finalement qu’une manifestation excessive d’une société individualiste ? Pour Marie Andersen,  » réduire ce phénomène à un événement uniquement narcissique est un cliché de résistance pour ceux qui se voilent la face. C’est caricatural et faux : on se remet souvent en question pour mieux vivre avec les autres, être plus humains dans nos relations, dans notre travail. On veut retrouver du sens, des valeurs… C’est un moment de maturité qui nous incite à vivre en fonction de celles-ci.  »

(1)Faire le choix du bonheur, par Marie Andersen, Ixelles Editions. www.marieandersen.com

PAR STÉPHANIE GROSJEAN

 » Dernier jour sur la planète trentenaire. Oh mon Dieu !  »

 » Remettre en question le chemin parcouru, les priorités, les souhaits, les besoins.  »

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