Foin d’esbroufe et de performances bling-bling : le retour à l’authenticité est sur la bouche de tous les chefs. Mais comment s’attaquer, chez soi, au bon produit de saison sans risquer de se planter ? Entrée en matière avec Jean Mailian, fondateur du Marché des chefs, à Bruxelles.

Il ne paie pas de mine, le Marché des chefs. Installé au fond d’une petite cour un brin décatie, non loin de l’avenue Louise, cette adresse est pourtant l’une des plus prestigieuses de Bruxelles pour les gourmets exigeants. Depuis plus de vingt ans, le maître des lieux, Jean Mailian fournit la fine fleur des produits de saison aux toutes bonnes tables de Belgique (Bon Bon, Le Coq aux champs, Okià). Et, depuis quelques années, gâte également les particuliers.  » C’est même devenu du 50/50 entre ces derniers et les restaurateurs « , explique avec une inimitable gouaille ce Parisien d’ori-gine arménienne, débarqué en Belgique dans les années 1970. A qui l’on doit d’ailleurs quelques-uns des plus beaux succès de l’Horeca de l’époque : La Cravache d’Or, Le Café de Paris, le Village Gourmand et le Carlton (où officiait alors Alain Passard, devenu le magicien du triplement étoilé L’Arpège, à Paris).

Au fil du temps, Jean Mailian a nourri de précieux contacts avec des producteurs de petites merveilles. Cela va des aliments les plus simples comme les fruits et légumes embarqués à l’aube à Rungis jusqu’au caviar d’Iran. En passant par la truffe noire du Périgord, le veau de lait de Corrèze ou encore le homard breton. Véritable prosélyte de la bonne bouffe, saine et respectueuse des agriculteurs, le Jean-Pierre Coffe d’Ixelles était l’expert tout trouvé pour nous présenter cinq de ses produits coup de c£ur de saison. Et, surtout, pour apprendre aux sous-doués des fourneaux qu’en moins d’une demi-heure, et très simplement, on peut facilement troquer le plat préparé quotidien contre un met savoureux et garanti sans horreurs chimiques. Pour pas si cher que ça, en sus. Son credo :  » Il n’y a pas de grande et de petite cuisine. Il y a un grand et un mauvais produit. Le tout est de le traiter avec justesse, c’est-à-dire simplement. Deux ou trois aliments par plat, maximum donc. De manière à ce qu’une synthèse se fasse entre eux tout en n’altérant pas le goût de chacun « .

Carnet d’adresses en page 80.

La tomate

Inratable :  » Vous coupez très finement votre tomate, en carpaccio. Vous l’habillez d’un petit filet d’huile d’olive vierge extra, de quelques goutes de vinaigre balsamique de Modène et de parmesan. C’est tout. C’est une entrée magnifique. A déguster d’avril à fin septembre.  »

Prix : 2,50 euros par personne pour 250 g de tomate

L’hérésie :  » Acheter des tomates low-cost, farineuses. C’est tout simplement immonde.  »

L’asperge

Inratable :  » Vous faites cuire un £uf dur par personne. Jusque- là, ça va ? Vous l’écrasez. Vous ciselez du persil sur l’£uf. Vous ajoutez une petite pincée de noix de muscade. Vous faites bouillir de l’eau dans laquelle vous plongez les asperges. Vous faites fondre 100 g de beurre dans une poêle. Vous mouillez l’£uf avec un peu de jus de cuisson de l’asperge, vous allongez avec le beurre fondu. Sel, poivre, ça, c’est 20 minutes de boulot.  »

Prix : 7 euros par personne pour 300 g d’asperges vertes de Lauris (Languedoc) ou blanches de Malines.

L’hérésie :  » Mélanger l’asperge avec de la mayonnaise en tube. La mayonnaise en tube est bourrée de conservateurs et revient très cher, parce que, finalement, avec un jaune d’£uf, de la moutarde et un peu d’huile vous faites un bon gros bol de mayo. Vous en avez plus en bouche et c’est beaucoup plus savoureux. Un autre blasphème, c’est d’acheter des asperges en hiver. Elles viennent du Pérou ou de je ne sais où et n’ont d’asperges que le nom. Autre avantage à les acheter en saison : on ne doit pas les éplucher outre mesure.  »

Les fraises

Inratable :  » Vous les lavez à l’eau claire. Voilà, c’est prêt. Je suis très sérieux : avec les fraises Ciflorette que j’importe directement de Carpentras dès le mois d’avril, il n’y a pas besoin d’ajouter de sucre, elles sont sucrées naturellement. C’est comme celles de Wépion en juillet, on peut les manger devant la télé comme des bonbons.  »

Prix : 5,30 euros pour 250 g.

L’hérésie :  » Ajouter du sucre. A la limite, vous pouvez les napper d’un peu de crème fraîche, mais ce n’est pas nécessaire : la fraise Ciflorette, c’est un plat pour les gourmands qui veulent garder la ligne. La fraise est un des fruits qui a le moins de calories.  »

La côte de veau de lait

Inratable :  » Pour deux personnes. Vous préchauffez votre four à 50 °C. Vous poêlez votre côte de veau, à feu vif, au beurre. Le temps qu’elle se colore. Vous la retirez. Vous jetez le gras. Vous ajoutez un peu de beurre et vous prolongez la cuisson de la côte de veau à feu doux, 4 à 5 minutes de chaque côté. Vous enfournez la viande à 50 °C pour qu’elle reste chaude. Le temps de déglacer le jus de cuisson avec du fond de veau dans lequel vous laissez réduire un bon morceau de beurre. Vous nappez la viande de cette sauce, un peu de sel de Guérande, quelques tagliatelles et buon appetito.  »

Prix : 11 euros par personne pour 250 g de côte de veau de lait de Corrèze.

L’hérésie :  » Acheter du veau gonflé aux hormones qui perd 25 à 30 % de flotte dans la poêle. Un bon indice : le veau doit avoir le même poids cuit que cru.  »

Le cabillaud

Inratable :  » Vous demandez au poissonnier de vous couper des pavés de cabillaud avec la peau. De 200 grammes par personne. Vous les faites revenir à poêle, dans du beurre, côté peau. Quand ils commencent à blanchir sur les côtés vous les retournez et les laissez encore cuire une grosse minute. Vous décorez avec quelques câpres, sel, poivre, une pointe de citron ou quelques gouttes de vinaigre balsamique de Modène. Vous servez avec des pommes de terre cuites en robe des champs et quelques feuilles d’épinard.  »

Prix : 3 à 5 euros par personne pour 200 g de cabillaud de Bretagne.

L’hérésie :  » Pour 5 euros, vous achetez un plat préparé de poisson surgelé : vous écopez d’un emballage cher et polluant et de moins de 100 g de cabillaud de qualité médiocre.  »

Baudouin Galler

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