Fleuve majestueux, nature intacte et villes conjuguant arts et gourmandise… Il fait bon séjourner dans la Belle Province, entre bien-vivre et savoir-recevoir.

Montréal ? C’est un peu un morceau de France en Amérique du Nord. On s’y promène à l’américaine en se divertissant à la française. On vient y respirer le grand air au parc Jean-Drapeau, visiter l’étonnante basilique Notre-Dame aux décors baroques où s’est mariée Céline Dion, se recueillir dans la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours, la plus ancienne église de la ville, immortalisée par Leonard Cohen dans sa chanson Suzanne ou flâner aux alentours de la Place des Arts, complexe culturel extralarge, le plus important du Canada. Animations, spectacles, concerts, expositions et performances y abondent. Mais on retient aussi un certain engouement pour les nourritures terrestres. Montréal ne se contente plus des brunchs qui font le bonheur des touristes américains. De nouveaux lieux de gourmandise ont poussé comme des champignons et se sont regroupés dans les environs du boulevard Saint-Laurent, plus connu sous le nom de la Main (rue principale). Pendant des siècles, la plus célèbre des artères montréalaises partageait symboliquement la ville : on parlait anglais à l’ouest et français à l’est. Aujourd’hui, une population multiculturelle et branchée s’y mélange pour envahir concept stores, restaurants funky, bars trendy et galeries pointues.

Dans le quartier Petite Italie, on fait un tour au marché qui porte le nom de Jean Talon, intendant (le bras droit du gouverneur) de la Nouvelle France au XVIIe siècle. C’est lui qui a importé les premiers chevaux au Canada. On s’arrête à la boulangerie Première Moisson pour goûter la spécialité : le croissant aux amandes et au chocolat. On passe devant des montagnes de fruits et de légumes artistiquement mis en scène, on écoute les explications des marchands de tomates anciennes et de pommes variées, en se régalant au passage de leur délicieux accent et on se dirige vers les spécialités : fromages, desserts et produits du terroir. Dans sa jolie boutique à l’enseigne des Saveurs du Québec, Suzanne Bergeron propose la tourtière de canard des Fougères, le cidre Minot des Glaces, le vinaigre de canneberge, ainsi que 400 sortes de fromages et 390 bières artisanales différentes. Les fromagers Hamel, eux, vendent des pâtes québécoises au lait cru.

Dans le quartier juif, une visite à la charcuterie hébraïque est incontournable. C’est le haut lieu de la viande fumée, fondée en 1928 par Schwartz, un juif roumain. Le décor n’a rien d’exceptionnel, mais il y a toujours une queue devant le magasin qui est aussi fréquenté par les stars : Jerry Lewis, Nana Mouskouri, Halle Berry, Angelina Jolie, les Rolling Stones. Céline Dion, qui raffole de cet endroit, l’a même racheté en mars dernier. La viande séchée de b£uf ou d’orignal (élan d’Amérique dont la chasse est très contrôlée) est succulente. À goûter, aussi, un sandwich medium-fat : frites, cornichons aigres-doux, coleslaw (chou fermenté) et poivre rouge. Le tout arrosé d’un soda à la cerise.

On ne peut pas quitter Montréal sans avoir testé les fameux bagels. Dans le quartier Myland, on pousse la porte de la boulangerie Saint-Viateur Bagel où toute la fabrication se fait, depuis 1957, de façon artisanale et à la main. Des bagels au sésame, au pavot, à la cannelle, au blé entier, avec des graines de lin, il y en a pour tous les goûts ! Bref, le visiteur européen qui croyait venir ici pour  » magasiner  » se prend vite au jeu des mille saveurs.

Pour prendre une bonne bouffée d’oxygène et aller à la découverte des vastes espaces canadiens, on prend le train du Massif de Charlevoix, attraction touristico-culinaire imaginée par Daniel Gauthier, co-fondateur du Cirque du Soleil. On monte à bord près de la ville de Québec, au pied de la chute Montmorency, moins médiatisée que les chutes du Niagara, mais une fois et demie plus haute ! Le convoi est composé de deux locomotives diesel et de huit wagons Pullmann qui circulaient dans la banlieue de Chicago dans les années 60. Il ne reste plus rien de l’ancien aménagement en duplex. Les mezzanines ont été supprimées et les fenêtres agrandies pour jouir du magnifique paysage. Le blanc domine partout, réchauffé par le vert pâle des banquettes.

Sur le trajet entre Québec et La Malbaie dans Charlevoix (3,5 heures dans chaque sens) le train roule en moyenne à 10 km/heure et longe le fleuve Saint-Laurent. Aucune route à l’horizon, nous sommes pris en sandwich entre les falaises et l’eau. Chaque table a son iPad pour animer le voyage avec des photos et vidéos. À l’aller, on brunche, au retour, on se régale d’un dîner gastronomique quatre services. Détail amusant : lors de la traversée d’un tunnel, plusieurs bougies s’allument sur l’écran de la tablette et on a l’impression de dîner aux chandelles. Pour varier les plaisirs, on peut descendre à mi-chemin et faire une croisière en zodiac. Parfois, on peut apercevoir des baleines. Et même si ce n’est pas le cas, il y a cette lumière extraordinaire du fleuve, large comme la mer.

ÇA, C’EST QUÉBEC !

Si c’est bien Jacques Cartier qui a découvert le Québec, il n’a fait qu’y passer en coup de vent. Le capitaine malouin a débarqué le 24 juillet 1534 sur la pointe de Gaspé, y a planté une croix, un écusson représentant trois fleurs de lys et un écriteau portant l’inscription : Vive le roi de France ! Mais il avait d’autres préoccupations. Avide de richesse, il cherchait la Chine et ses précieuses épices. De surcroît, les Iroquois l’ont déçu et il a donc poursuivi son chemin. D’autres explorateurs français se sont montrés ensuite plus motivés. Samuel de Champlain, par exemple. C’est lui qui donne le coup d’envoi, en 1608, à la construction de la future ville de Québec. Le petit bourg est situé à un endroit où le Saint-Laurent se rétrécit. Important sur le plan stratégique, il suscite des convoitises, surtout de la part des Anglais.

Au fil des siècles, il faudra batailler ferme pour préserver cette terre francophone. Les Français y parviennent, en construisant une solide citadelle et d’imposantes fortifications, payées par le trésor royal. Elles encerclent toujours le Vieux-Québec sur 4,5 km et on s’y promène avec plaisir pour admirer le système défensif de la  » seule ville fortifiée au nord du Mexique « , comme aiment à répéter les guides. La ville ? Une sorte d’Europe en résumé, avec ses petites maisons de brique à l’anglaise, ses parcs proprets, ses rues pittoresques et ses demeures d’un autre temps qui imitent le Vieux Continent et singulièrement Paris. De cité belliqueuse, elle est devenue carrefour ouvert et cosmopolite, mais fière de sa mémoire préservée, classée au patrimoine de l’Unesco.

On ne se lasse pas de déambuler dans ses ruelles piétonnes et de papoter avec des artistes et des artisans : le quartier Petit Champlain rappelle Montmartre. Pour reprendre des forces, rien de tel que de s’installer à une terrasse et de commander une  » poutine  » : des frites et du cheddar, le tout copieusement enrobé d’une sauce épaisse à base de ketchup… Roboratif. L’autre spécialité incontournable ? Le sirop d’érable. Pour le top du top, il faut se rendre chez Dany, dans sa cabane à sucre, située à mi-chemin entre Montréal et Québec. On peut y manger matin, midi et soir (fèves au lard, soupe aux pois, jambon à l’érable, crêpes au sirop d’érable…), visiter la sucrerie, écouter de la musique traditionnelle et se promener dans les bois. Le passage à la boutique se solde évidemment par quelques emplettes de produits de l’érable pour la route.

PAR BARBARA WITKOWSKA

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