Ce n’est qu’un instantané mais il résume plutôt bien la polymorphie du personnage : ce 7 février sont simultanément sortis un Metro commenté par Lagerfeld, rédacteur en chef d’un jour de toutes les éditions du quotidien gratuit, et le nettement plus glam Elle UK, où l’on parle de lui sur six pages glossy. À ce grand écart parfait s’ajoutait, au même moment, un triple axel remarquablement maîtrisé. On apprenait en effet que le directeur artistique de Chanel cosigne un ouvrage sur la petite veste noire, icône de la griffe, illustré par plus de cent de ses propres photos et qui engendrera une expo à Tokyo… tandis qu’un autre communiqué de presse révélait qu’il scénographiera la XXVIe Biennale des antiquaires, à Paris.

Après avoir poussé la sulfureuse Zahia – jusqu’alors plus connue pour ses passes avec l’équipe française de foot – à y présenter sa ligne de lingerie, après l’avoir transformé en banquise avec vrais icebergs importés, en fonds marins avec coquillage botticellien d’où émergeait Florence  » and the Machine  » Welch, en palace de maharadjah ou en cabine d’avion, le Kaiser de la mode va donc habiller une fois de plus le Grand Palais. Même pas peur : quand on fait de la pub pour Volkswagen, Coca-Cola ou les glaces Magnum, quand on crée pour Hogan ou Fendi tout en dirigeant ses collections en nom propre et celles de la rue Cambon sans pour autant s’interdire des incartades du côté de la mode populo, l’ubiquité est une seconde nature.

En cela, Lagerfeld, dernier titan de la génération de couturiers dont l’unique job consistait à dessiner des vêtements, est l’archétype du directeur artistique multifonctions des années 2010 – avec lui, le paradoxe n’est jamais loin, et c’est tant mieux. Tout comme un Marc Jacobs glisse sans heurts de sa marque perso à Vuitton, avec détour par une expo aux Arts décoratifs dès ce 9 mars, l’homme au catogan s’autorise des crossovers tout en incarnant Chanel, à qui il a offert, par sa personnalité forte, une nouvelle jeunesse. C’est que, lorsqu’il en a repris les rênes, il y a près de trente ans, la maison s’étiolait, rappelait-il à Anne-Françoise Moyson.  » Dix ans après la mort de Chanel, avant que je n’arrive, ils donnaient dans le respect, eh bien, il n’y avait plus un chat dans les boutiques. Parce qu’un truc qui tue, c’est le respect.  » On évite donc de tirer notre chapeau à Karl L. Mais on n’en pense pas moins.

PLUS DE KARL LAGERFELD SUR LEVIFWEEKEND.BE

DELPHINE KINDERMANS RÉDACTRICE EN CHEF

L’ARCHÉTYPE DU DIRECTEUR ARTISTIQUE MULTIFONCTIONS DES ANNÉES 2010.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content