Nichée dans une douce campagne wallonne, merveilleusement lisse, limpide et linéaire, cette superbe maison bardée de cèdre est signée par Philippe Frère. Il a obtenu le premier prix d’architecture (bois) 1999, organisé par l’ASBL Bois & Habitat.

L’agglomération de Visé n’est pas loin. Ici, la campagne est silencieuse et reposante. Les vastes prairies et les arbres dépouillés de feuilles se parent de leur habit hivernal: de subtils camaïeux verts et gris. Puis surgit à l’horizon ce splendide et long vaisseau, bardé de cèdre. De par sa silhouette, de par ses proportions et de par ses couleurs, il se fond parfaitement dans le paysage. Sa présence est tellement évidente, qu’elle donne l’impression de se trouver ici depuis toujours. Or sa construction remonte à 1998. Philippe Frère a donc admirablement réussi son pari.  » Il faut toujours veiller à une insertion parfaite dans l’environnement, explique l’architecte. J’aime un style minimaliste et dépouillé, sans tapage, très élementaire et qui va de soi. Notre rôle consiste à équilibrer les choses. Si tout est juste, bien en place, le résultat est naturellement beau. « 

Une maison en bois, tel était le souhait des maîtres des lieux… Un casse-tête pour l’architecte qui ne voulait pas tomber dans le cliché du chalet suisse. Un bon compromis a été trouvé : une maison dotée d’un certain cachet (mission accomplie !), construite autour d’un patio. Or le terrain choisi, un véritable paradis vert, répond déjà à cette quête d’intimité. La maison s’étire sur toute la longueur du jardin (34 mètres au total) pour bien différencier la partie privative, située au sud, de la partie professionnelle, reléguée vers le nord. Toutes les fenêtres sont pareilles et animent les façades d’un rythme très logique. Les deux pignons latéraux, entièrement vitrés, inondent l’intérieur d’une luminosité extraordinaire qui pénètre très loin de chaque côté. Ces pignons transparents sont habilement dissimulés par des murs débordants. L’ensemble gagne ainsi en légèreté, tout en étant bien protégé contre les vents et les regards indiscrets.

Tel un metteur en scène, Philippe Frère a conçu sa maison comme une suite de plans ou de séquences visuelles. Sa démarche, expressionniste et sensualiste se veut une découverte progressive, un enchaînement de sensations que l’on éprouvera en parcourant le bâtiment. L’approche se fait tout en douceur en guettant la porte d’entrée. Discrète et invisible au premier coup d’oeil, elle est dissimulée, en fait, par un imposant mur de pierre, une manière symbolique d’affirmer le passage. Le concept de découverte se retrouve aussi dans le toit. Pour alléger son débordement, important, Philippe Frère a imaginé cette composition en plusieurs strates, dont la lisibilité se fait progressivement. Pour accentuer la légèreté, le toit a été posé sur des châssis et donne l’illusion d’un détachement complet.

Tous les matériaux sont superbes et cohérents. Le  » mur  » extérieur, réalisé en pierre de Vinalmont, contraste admirablement avec le cèdre non traité. Les châssis des portes et des fenêtres sont également réalisés en cèdre ce qui ajoute beaucoup de limpidité et de fluidité à l’ensemble. Tous les éléments métalliques sont en acier inoxydable, choisi pour sa légèreté et son  » entretien zéro « . L’ardoise naturelle habille le toit. A l’intérieur, le sol du rez-de-chaussée est recouvert de petit granit adouci foncé, provenant de la vallée de l’Ourthe. Dans le séjour, la salle à manger et dans les chambres, on foule de belles planches en érable.  » En vieillissant, l’érable garde sa teinte blonde et ne devient pas tabac « , souligne l’architecte. Un détail sympathique : le plancher, posé sur lambourdes et non collé, résonne agréablement et donne l’impression d’habiter une maison ancienne. A l’étage, un lino de couleur anthracite, légèrement marbrée, offre une solution pratique et originale; sa surface évoquant un plan d’eau…

Dans le hall d’entrée, le visiteur est accueilli par cet escalier spectaculaire en érable, important, imposant, et pourtant si aérien et léger. Il sépare la zone de nuit, côté levant, de la zone jour, côté couchant. Face à l’escalier, le mur forme une courbe.  » Pour symboliser un accueil maternel et chaleureux « , note Philippe Frère. La première marche est en réalité une plateforme, assez profonde, en pierre bleue. On retrouve le contraste pierre-bois, la symbolique de franchissement de frontière, de passage entre deux mondes, celui du dehors et celui du dedans. Derrière l’escalier, l’architecte a prévu une terrasse enclavée. Elle évoque ce patio que souhaitaient tant les propriétaires. En dessous de l’escalier, une ouverture importante indique la descente vers les caves.  » Sa lecture en noir et blanc constitue un frein suffisant d’où le renoncement aux garde-fous « , précise Philippe Frère.

Dans la partie jour, les portes sont absentes.  » On ne pénètre pas brutalement dans les pièces, explique l’architecte. Des passages longeant les façades intérieures permettent de s’enfoncer lentement dans l’intimité.  » L’aménagement des pièces à vivre s’inspire du concept du loft. Seule la cuisine est quasi entièrement isolée par des murs. La salle à manger et le salon sont des espaces ouverts, séparés au milieu par une cloison qui accueille la cheminée.

Dans la partie nuit, à l’extrémité de la maison, la chambre des maîtres des lieux, vaste et lumineuse, offre une vue somptueuse sur un étang artificiel, créé à côté de la terrasse en bankiraï.

Au premier étage, la zone située au-dessus des chambres est dédiée aux activités professionnelles. L’autre partie associe les fonctions loisirs et… méditation. Les deux pièces, abritées derrière les murs percés d’ouvertures horizontales, servent de salle de jeux et d’espace télé. Au milieu, une passerelle symbolique conduit vers cet espace extraordinairement  » zen  » et serein, situé face à l’ouest et meublé sobrement de deux fauteuils et d’une petite table. Ici, la communion avec la nature est unique. Les hauts arbres ont été coupés légèrement pour que le regard puisse se perdre dans l’horizon lointain…

Carnet d’adresses en page 128.

Barbara Witkowska Photos : Sven Everaert

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