Ce guide américain envahit la planète : Zagat Survey n’emploie pas de professionnels, mais collecte les votes de centaines de milliers de gastronomes passionnés. Et peut-être aussi les vôtres… En Belgique, Bruneau et Comme chez Soi recueillent les faveurs du grand public. La qualité des saveurs : un label universel !

A New York, ils sont  » la  » marque de référence. Les petits autocollants bordeaux en devanture d’un restaurant ou d’un club font toujours la différence. Dans ces lieux certifiés, on entre les yeux fermés puisque les meilleurs critiques sont passés par ici et ont adoré. Qui a déniché ces trésors, petits et grands ? Des quidams comme vous et moi, qui ont en commun le plaisir de s’asseoir à une bonne table, quelle soit décontractée ou ultrachic. Zagat Survey ou le  » sondage Zagat « , c’est la parole offerte à la majorité, la confiance donnée au sens populaire, une forme de démocratie participative du bon goût. Imaginé à Manhattan il y a vingt-sept ans, le concept fait maintenant fureur tout autour du monde. A l’automne dernier est sorti le guide Zagat 2006 des meilleurs restaurants européens. La Belgique figure en bonne place avec pas moins de 24 restaurants de notre capitale dans son top des tables européennes.

Une idée toute simple

Zagat, c’est l’histoire d’une idée toute simple. En 1979, deux jeunes avocats américains – Tim et Nina Zagat – se prennent de passion pour la bonne chère lors d’un séjour à Paris, pendant lequel Nina suit des cours à la célèbre école de cuisine des Cordons-Bleus. Lors d’un dîner entre amis, l’un de convives s’en prend aux critiques gastronomiques publiées dans les journaux et les magazines. Toute la table s’accorde pour dire que ces critiques sont non seulement incorrectes, mais aussi bien souvent incompréhensibles.

Dans la foulée, Tim et Nina proposent de recueillir l’avis de leurs proches sur leurs restaurants favoris. Les gastronomes amateurs se prennent au jeu et chacun donne son opinion. De là naît une petite lettre qui recense les bonnes tables et épingle les mauvaises. Trente ans plus tard, la feuille de chou est devenue un best-seller.  » Notre guide se base sur l’opinion de passionnés, qui aiment dîner à l’extérieur et partager leurs expériences « , nous affirme Nina Zagat. Nous les interrogeons sur les plats, le décor, le service et l’addition. Nous recueillons aussi leurs commentaires. Zagat constitue donc une source fiable, honnête et large.  »

Avec le succès de leur premier guide Zagat des restaurants de New York, en 1979, ce qui n’était qu’un hobby se transforme en business. Mais le principe fondateur est resté le même. Tim et Nina Zagat le définissent comme du  » bouche-à-oreille organisé « . Pour le couple d’entrepreneurs, l’opinion de milliers de consommateurs partageant une somme d’expériences vécues vaut mieux que l’avis d’un ou deux experts professionnels. Leur entreprise publie donc des formulaires mis au point selon des standards  » maison « , repris sur son site Internet (http://www.zagat.com). Tout un chacun peut alors s’inscrire et devenir l’un des 250 000 critiques amateurs, donner une note à l’établissement de son choix et laisser un commentaire. Un programme informatique spécial compile ensuite tous les votes. Des éditeurs résument les extraits des commentaires les plus représentatifs. Il en résulte de petites bibles personnalisées et rigolotes à lire, pas du tout consensuelles.

Dans les années 1980, les Zagat étendent la gamme de leurs enquêtes aux hôtels, aux spas, aux golfs, aux spectacles, aux attractions touristiques, aux films, au shopping, et plus récemment, aux boîtes de nuit et à tout ce que l’on trouve d’épiceries fines et de marchés à New York. D’un format élégant, celui d’un agenda se glissant facilement dans un sac, le guide Zagat se consulte très facilement. Chaque classement est composé de quatre notes de 1 à 30 – pour la nourriture, le décor, le service et le prix – par personne pour un repas du soir incluant une consommation et le pourboire. Les commentaires repris entre guillemets sont compilés sous la forme de petits textes. Selon Nina Zagat, c’est la variété des  » critères  » et la diversité des  » entrées  » qui fait la richesse du livre.  » Lorsque vous sortez, vos envies et votre humeur sont toujours différentes, souligne-t-elle. Avec Zagat Survey, vous allez dénicher de tout, du petit resto de quartier à l’adresse la plus huppée. Parfois, vous êtes à la recherche de la meilleure qualité dans l’assiette sans vous soucier du décor. Vous trouverez aussi cela dans Zagat.  »

Authenticité et pureté

Rien qu’à New York, le guide 2006 des meilleures tables recense 2 003 restaurants, testés par 31 000  » goûteurs  » amateurs et classés par ordre alphabétique. Le Zagat New York 2006 s’ouvre sur un listing des lieux favoris, classés selon trois principes : la popularité, l’excellence et les bonnes affaires. Au firmament des restaurants new-yorkais, la  » très sophistiquée  » Gramercy Tavern remporte la palme de la cuisine  » la plus innovante  » dans un décor  » rustique  » et  » raffiné « . Côté tendance, l’édition 2006 du Zagat Survey New York note la disparition des nappes, même sur les tables les plus sélectes.  » La mise à mort de toute formalité peut s’observer chez BED et Duvet, deux adresses new-yorkaises en vue où l’on dîne couchés sur des matelas « , peut-on lire. Mais qu’on ne s’y trompe pas, Zagat vous emmène aussi en dehors des sentiers battus, à la découverte des coins sympas où l’on ne serait jamais entré sans la recommandation d’un ami.  » Ce serait vraiment une grave erreur que de passer à côté de l’authenticité et la pureté des cuisines locales « , avertit Nina Zagat. Dans New York, Babel des cultures par excellence, Zagat ne répertorie pas moins de 90 types de cuisines différentes :  » Que vous soyez à New York, à Shanghai, à Tokyo ou encore à La Nouvelle-Orléans, le plus excitant est de dénicher ces petits restaurants typiques que vous ne trouverez nulle part ailleurs « .

Les Zagat poursuivent inlassablement leur tour du monde des meilleures adresses de loisirs. Les petits guides bordeaux sont incontournables aux Etats-Unis, où plus de 200 000 personnes testent les restaurants de 45 villes, dont New York, San Francisco, Los Angeles, Chicago, Boston, Miami, Philadelphie et Washington. Londres et Paris ont leur édition du Zagat depuis une dizaine d’années, ainsi que le Japon. Le premier guide des meilleures tables de Shanghai est sorti en 2004, et cette année, Moscou a été ajoutée au listing européen. La société travaille actuellement à étoffer son édition canadienne pour y inclure Montréal, après Vancouver et Toronto.

Zagat s’invite en Belgique

Chez nous, la dernière édition consacrée aux villes européennes vient de sortir, recensant pas moins de 1 372 restaurants parmi les plus réputés d’Europe, basés dans 27 grandes villes. Pour établir sa critique, Zagat Survey a fait appel à 12 477 habitués des enseignes de prestige, qui se sont sacrifiés en passant à table pas moins de 2,3 millions de fois ! Bruneau et Comme chez soi se partagent la première place du podium belge, avec une note de 28/30.  » La cuisine de Jean-Pierre Bruneau est  » exceptionnelle  » et assortie d’un  » excellent  » service et d’une carte des vins  » extraordinaire « , proposés dans de charmantes salles ou dans le jardin d’été « , note la critique. Ou encore :  » Comme chez soi, le  »  » Sublime  » établissement belge de Pierre Wynants et de son beau-fils Lionel Rigolet est  » un des meilleurs restaurants du monde « . Son service est  » très attentif sans être dérangeant « . La mise en scène Art déco est  » fantastique « . Suivent La Truffe Noire, Le Sea Grill et La Maison du Cygne. Au rayon restos les plus populaires, Aux Armes de Bruxelles et Belga Queen figurent en excellente position, rappelant si besoin en était encore, que notre royaume est aussi l’antre de tables qui n’ont rien à envier à celles de nos voisins français se présentant souvent comme les rois de la gastronomie.

A la pointe de l’innovation, le contenu des guides Zagat est disponible sur le Web, les Palm OS, les ordinateurs de poche et les téléphones portables. Dans son ouvrage  » Made in USA : Regards sur la civilisation américaine  » (éditions Fayard), l’essayiste français Guy Sorman décrit très bien cette forme positive de  » tyrannie de la majorité  » qu’il n’y a pas lieu de confondre avec conformité ou médiocrité.  » En Europe, en particulier en France, des inspecteurs qui détiennent la connaissance infuse notent les restaurants et leur attribuent des étoiles ; peu, chez nous, contestent cette hiérarchie des experts. Aux Etats-Unis, c’est l’inverse : le guide gastronomique le plus répandu, le Zagat, classe les restaurants en fonction des préférences des clients. Le consommateur-citoyen sait mieux que l’expert : la popularité du restaurant l’emporte sur on ne sait quel critère européen de qualité objective. Le guide Michelin est aristocratique, le Zagat est démocratique. La cuisine américaine n’en est pas moins convenable, et le service souvent plus attentionné qu’en France.  » Exemple avec le très branché Hôtel Costes, rue Saint-Honoré, chroniqué dans le guide Zagat 2002 des restos de Paris :  » Un service parfois snob et froid  » à moins d’être Bruce Willis « !  » Et si les critiques du dimanche étaient en fin de compte plus sévères que les professionnels ?

Elodie Perrodil

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