À 79 ans, l’acteur de La chèvre entame actuellement la tournée belge de son dernier spectacle. Il y évoque ses souvenirs et le temps qui passe. Avant de retourner à ses vignes.

Il nous a fixé rendez-vous chez lui, à Paris. Un appartement dans le très chic XVIe arrondissement, non loin d’où François Truffaut vécut ses dernières semaines. A peine arrivé, il nous propose un café, s’excuse de ce mégot de cigarette qu’il achève d’une ultime bouffée.  » Ce n’est pas un joint « , dit-il, prévenant.

Pierre Richard est un pudique qui pratique l’humour par peur d’ennuyer. A commencer par lui-même. Il a 79 ans depuis l’été dernier. Déjà ? Malgré les cheveux blancs et la barbe hirsute qui lui donnent un air de Robinson Crusoé qui n’aurait jamais quitté son île, on retrouve sans peine la dégaine du Grand blond qui mit en son temps le box-office à ses pieds. Son personnage d’éternel étourdi qui se cogne aux réverbères lui a assuré la célébrité et l’argent. Dans Pierre Richard III, le spectacle autobiographique qu’il joue seul en scène, ce 18 octobre, à Liège, et prochainement à Bruxelles et Huy (1), le  » déséquilibriste  » ne se vautre pas à terre mais convoque ses souvenirs et ses compagnons de route. Bernard Blier, Jean Carmet, Gérard Depardieu ou Yves Robert qui, le premier, l’a encouragé à devenir ce qu’il est, à défaut d’avoir le soutien de sa famille.

 » J’ai grandi dans le milieu de la grande bourgeoisie avec château et serviteurs. Mon grand-père paternel voulait que je devienne polytechnicien « , raconte-t-il. De son éducation bien sous tous rapports, Pierre Richard, né Defays, a conservé le goût de l’exactitude :  » Je suis bordélique mais ponctuel « , analyse ce kinésithérapeute de formation qui se frotta au métier de comédien en courant le cachet et les cabarets du Quartier latin.

Aujourd’hui, on ne compte plus les fans. Même les intellos ont fini par adouber ce fils naturel de Buster Keaton qui s’enfonce dans les sables mouvants et se prend les portes vitrées.  » Il a fallu attendre trente ans pour que je sois reconnu par la critique. A l’époque j’étais systématiquement descendu par la presse. Libération, j’étais pas leur tasse de thé, cela me navrait.  » Ceux qui faisaient la grimace louent aujourd’hui la singularité de ses films des débuts, tournés dans un esprit anar.  » Mes trois premiers longs-métrages en tant que réalisateur étaient dénonciateurs. Je tapais sur la pub, sur l’abêtissement des jeux télévisés et sur le cynisme des marchands d’armes. Je regrette de ne pas avoir continué dans cette veine. J’ai manqué de foi « , juge-t-il. Entre deux grosses productions où il interprète les maladroits timides, il a quelques fois tiré le gouvernail vers le cinéma d’auteur sans concessions, comme pour Les naufragés de l’île de la tortue (1976) de Jacques Rozier, une oeuvre improvisée qu’il tourna pour rien et que les amateurs de la Nouvelle Vague considèrent comme ce qu’il a fait de mieux.  » Mes deux fils aussi « , lâche-t-il.

Il partage aujourd’hui son temps entre les tournages, le théâtre, les voyages et ses vignes du Languedoc. L’aventure viticole s’est présentée à lui, de manière fortuite. Comme souvent.  » Je suis un suiveur. L’autre jour, le neveu de mon pompiste, qui fait du rap, m’a invité à le voir en concert. J’ai adoré. Ce sont les gens qui me font aimer les choses.  » Même la mode ?  » J’essaie de faire semblant de m’y intéresser « , reconnaît celui qui partage depuis vingt ans la vie de Ceyla Lacerda, ex-mannequin d’origine brésilienne.  » Cela m’amuse de porter une jolie veste Kenzo mais comme je ne suis pas très à l’aise, je ne peux pas m’empêcher de l’assortir avec des chaussures dégueulasses.  » Incorrigible.

(1) Pierre Richard III, ce 18 octobre, au Trocadéro, à Liège, les 28 et 29 novembre prochains, à Wolubilis, à Bruxelles, et le 30 novembre au centre culturel de Huy.

PAR ANTOINE MORENO

 » Ce sont les gens qui me font aimer les choses.  »

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