Lové dans l’État du Mato Grosso do Sul, à la frontière de la Bolivie et du Paraguay, le Pantanal recèle une nature vierge et une faune extravagante. Découvrir ce paradis écologique, qui se transforme de décembre à mars en un immense marais, ressemble à un voyage aux origines du monde.

Tout beau voyage se mérite. Le Pantanal n’échappe pas à la règle, c’est même un must du genre. Car découvrir cette région méconnue du Brésil pourrait bien s’apparenter à un entraînement pour le prochain Koh-Lanta. Le calme et la discrétion en plus. D’emblée, les locaux annoncent la couleur :  » Pour se faire baptiser par l’énergie du Pantanal, il faut se baigner dans ses rivières.  » Celles-là mêmes où rôdent caïmans et piranhas. Et ce n’est pas le seul exploit demandé au visiteur. Il lui faudra aussi plonger dans les eaux transparentes au milieu des loutres géantes et des anacondas, rouler en 4 x 4 la nuit en traquant les jaguars, suivre les traces des tamanoirs au look préhistorique. Et, surtout, avoir en permanence les yeux et les oreilles en alerte pour guetter le mouvement d’un singe ou le battement d’ailes d’un ara bleu cobalt. Ce perroquet, en voie d’extinction – vedette du dessin animé Rio -, n’est visible qu’au Pantanal. Il est un des trésors, parmi de multiples autres, que cache cette contrée perdue aux confins de la Bolivie et du Paraguay.

Connu comme le  » réservoir  » du Brésil (on y trouve trois millions de têtes de bétail et c’est la première production de soja du pays), le Pantanal est surtout la zone inondable la plus grande de la planète. De décembre à mars – la saison humide -, ses kilomètres de plaines sont ensevelis par l’eau. La région, reconnue Réserve mondiale de biosphère par l’Unesco, se remplit pour devenir un marais de la taille de la Grande-Bretagne. Le niveau atteint 130 mètres au-dessus de celui de la mer. Les Jeep sont alors troquées contre les bateaux à moteur. Les habitants se baladent les pieds dans l’eau, comme si de rien n’était.

 » Chaque année, à la même période, le paysage se métamorphose, la nature et les animaux s’adaptent à ce nouvel écosystème, raconte Mauricio Copetti. C’est comme si tous les six mois il fallait tout reconstruire.  » Ce trentenaire, téléobjectif en bandoulière, a beau avoir grandi au Pantanal, la montée des eaux prend toujours pour lui des allures de miracle. Pendant la saison sèche, le Refugio da Ilha (le refuge de l’île), la pousada de ses parents, devient l’un des meilleurs spots d’observation de la zone. Cet écolodge, près de Miranda dans l’État du Mato Grosso do Sul, est bordé par la rivière Salobra et un lac qui attirent tous les animaux et les oiseaux en quête d’eau. Il suffit de se balader autour de la maison pour faire connaissance avec le voisinage. Les singes agitent les branches des arbres dans de grands froissements de feuilles. Les martins-pêcheurs, hérons, buses et autres aigrettes sillonnent le marais pendant que les caïmans montent la garde, stoïques. À la nuit tombée, il n’est pas rare de rencontrer au sortir de la maison un groupe d’une dizaine de capivaras (le plus gros des rongeurs), postés comme des statues en bordure du marais, le regard braqué vers la lune.  » Il arrive d’en croiser 50 à la fois, ils ne se déplacent qu’en bande, c’est la nourriture préférée des jaguars « , souffle le guide Sergio Marques.  » Les nuits de pleine lune, les animaux sont difficiles à voir car ils se cachent pour éviter les prédateurs « , poursuit-il. Ce beau gosse de 65 ans a traversé le monde entier et vécu dans plusieurs monastères bouddhistes avant d’élire domicile au Pantanal. Aujourd’hui, il connaît ce bout de terre presque aussi bien que les Pantaneiros, les locaux. Comme Zé, cet enfant du pays, qui ne quitte jamais ni son chapeau de cow-boy, ni son grand couteau à la ceinture. Au Pantanal, il y a toujours un obstacle ou une surprise sur la route. Dans les rivières, les pires ennemis ne sont pas les animaux, mais les racines des jacinthes d’eau qui bloquent le passage des bateaux.

Celles-ci ferment les portes des rivières. Comme pour rappeler qu’ici l’homme n’est qu’un des éléments d’une longue chaîne de vie. De la nature, maîtresse des lieux, les Brésiliens ont fait leur religion. Au Pantanal, le respect de l’environnement est l’affaire de chacun. Depuis 1974, la pêche est partout interdite pendant la saison humide, le braconnage quasi inexistant. La plupart des fazendas (fermes) et pousadas pratiquent l’écotourisme. Les expéditions sur rivières n’excèdent pas trois bateaux à la fois, pour limiter la pollution. À la frontière sud du Pantanal, près de Bonito, le rio Sucuri n’est ouvert aux nageurs que sous escorte de guides spécialisés et par groupe de neuf personnes maximum. Cette rivière fait partie des diamants bruts de la région. On y plonge en combinaison, équipé d’un masque et d’un tuba, et on se laisse emporter par le courant pour quarante minutes d’un voyage aquatique digne d’un film fantastique. L’eau est d’une clarté saisissante.  » Il faut imaginer que pendant des millions d’années le Pantanal était le fond de la mer, la beauté de cette rivière en témoigne encore, son eau fait partie des plus pures du Brésil « , rappelle Sergio Marques.

Un tapis de sable immaculé, des coquillages nacrés, des rubans de lianes comme d’immenses cheveux verts, des poissons multicolores composent ce jardin d’Eden sous-marin. On y flotte, les yeux éblouis, tout en percevant les sons de la forêt, les cris des singes, les chants des oiseaux. Longtemps on se souviendra de cette expérience sensorielle aux sources du monde.

PAR MARION VIGNAL

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