Récupérateur de matières en tout genre, Régis bricole des objets poétiques. Avec la lutte contre le gaspillage pour fil conducteur.

Son appartement pourrait aussi bien être son show-room, tellement la récupération fait partie de son mode de vie. Fixée à la porte d’entrée, une plaque de plastique rouge, vestige d’une fête, annonce la couleur. Et c’est avec un sac en bâche de camion pendu au bras qu’il arrive, un peu en retard, au rendez-vous. Quelques minutes de battement suffisent pour réaliser qu’ici on s’assied sur des chaises et on mange sur des tables fabriquées à partir de résidus de plastique industriel. Ces plaques colorées qu’il trouve, en l’état, dans des usines de recyclage, sont le reliquat de la purge des cuves lors des changements de moule ou de couleur. Chaque jour, il en sort des centaines de kilos. Il suffirait de se baisser pour les ramasser si un important travail de sélection n’était pas nécessaire au préalable.

Mais ce n’est pas tout. Chez Régis – son prénom est devenu sa signature -, on s’éclaire avec des bidons translucides et des bouteilles de détergent transformées en poétiques insectes volants. Les appliques sont des sculptures de plastique et les lustres, des amas de bouteilles d’eau d’Evian acrochées au plafond, hommage explicite aux suspensions lumineuses en bouteille de verre de Droog design ( NDLR : le label hollandais qui rassemble une multitude de designers indépendants particulièrement novateurs et originaux). Pour passer d’une pièce à l’autre, inutile de pousser des portes, il suffit de traverser une ribambelle de fils suspendus auxquels sont accrochés capsules, crayons, gadgets… En plastique, bien sûr. L’air passe et fait virevolter ces mini-mobiles. C’est léger, simple comme bonjour et pourtant plein d’esprit et de talent.

Sur fond de récupération, de détournement et de recréation, une telle démarche rejoint celle de tous les créateurs qui réfléchissent, à l’heure de la surconsommation, aux moyens de créer sans gaspiller. Pour Régis, il s’agissait au départ d’une forme d’engagement politique et social. Aujourd’hui, c’est devenu son leitmotiv : il ne se voit plus exerçant son métier de créateur sans ce fil conducteur qui donne une identité et une cohérence à chacun de ses projets. S’attaquer à un matériau pauvre (et non à des pièces d’antiquité, par exemple, d’une valeur évidente aux yeux de tous) est aussi une façon de démontrer que chaque objet, même s’il sort d’une poubelle, a une valeur.

Vendu à Toronto, Londres, Paris et New York, dans des lieux atypiques ou classiques – voire chargés d’histoire comme les jardins du château de Barbirey, en Bourgogne, parce que, dit-il,  » le décalage est toujours intéressant…  » -, Régis ne risque pas de s’arrêter en si bon chemin. Enthousiasmé par sa collaboration avec le designer Pierre Pozzi pour un modèle de porte-crayon et de plateau en papier, il a récemment travaillé sur une collection de luminaires avec Sophie Larger qui a été présentée au dernier salon  » Maison et Objets « , à Paris. En attendant d’autres expositions de ses créations. Affaire à suivre…

Carnet d’adresses en page 117.

Marie Lorrain

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