Tenues d’exception, shows spectaculaires, abondance de matières précieuses et de détails somptueux… Une fois de plus, la haute couture a mis les petits plats dans les grands pour présenter un été 2004 aussi chatoyant que fastueux. Panorama.

(1) Cette somme comprend notamment la location de la salle, le salaire des ouvrières, celui des mannequins, les broderies et autres apports exclusifs aux différentes tenues. Source : Le Monde du mercredi 21 janvier 2004.

(2) L’exposition  » Anne Valerie Hash, avant-scène  » se déroule au 63, Corso Magenta, à 20123 Milan du 26 février au 2 avril prochain.

Elles étaient 24 voici quinze ans, elles ne sont plus qu’une dizaine aujourd’hui à défiler deux fois par an sous le signe du luxe, de l’émotion et du savoir-faire d’exception. Avec, de par le monde, quelque 200 clientes prêtes à s’offrir une tenue si joliment griffée. Il n’empêche, les maisons de haute couture encore existantes ont livré, pour l’été 2004, un exercice de style spectaculaire où l’opulence des uns û un défilé exige de 700 000 à 1,2 million d’euros (1) û rencontre la sobriété des autres.

L’un des défilés les plus remarquables fut sans conteste celui de Dior par John Galliano : en s’appuyant comme de coutume sur des moyens pharaoniques, le créateur britannique, qui s’est pris pour Cecil B. DeMille, a livré sa vision mégalomane de l’Egypte ancienne. Robes-momies en bandelettes de mousseline blanche, tenues  » sarcophages  » en métal très Paco Rabanne, fourreaux longilignes, robes peintes à la main de hiéroglyphes ou de fleurs de lotus, débauche d’ors, de turquoises, de peaux de reptile ou de léopard, talons vertigineux en forme de pyramide renversée… Le séjour en Egypte de Galliano, en novembre dernier, a laissé de profondes traces dans son imagination plus fertile que les rives du Nil.

Inspiré par le Japon et les samouraïs, Jean Paul Gaultier a imaginé des robes-armures, des vêtements-cuirasses et des corsets lamellisés où règne le contraste des matières rudes et des textures luxueuses. Même s’il voyage dans l’Orient extrême, Gaultier n’oublie pas de consacrer la Parisienne via des tailleurs près du corps aux proportions impeccables. Pour Chanel, Karl Lagerfeld ne lâche pas ses classiques qu’il revisite chaque saison avec brio. Coiffures androgynes, effets graphiques et jeux de volumes à l’appui, l’esprit de la Grande Mademoiselle flotte sur les robes tailleurs aux tons poudrés rebrodées de diamants, sur les vestes de tailleur à épaules strictes et les jupes aux lignes nettes que viennent, à peine, déranger des blouses en tulle volanté.

Flamboyante comme à son habitude, Donatella Versace a conçu des fourreaux de sirène et des mini-robes en résille de cristal pour des Barbie poids plume aux cheveux platine qui dégringolent sur les reins. Au programme, cascade de perles et de strass, mélange de soie, de cuir et de daim remettent à l’honneur tout le glamour hollywoodien. Quant à son compatriote Valentino, il célèbre la féminité absolue à l’aide de robes-bijoux aux broderies somptueuses mais subtiles. Petit manteau précieux, robes du soir volantées dans le bas, tailleur pseudo-strict à imprimé façon galuchat… La femme Valentino traverse la journée entière dans un tourbillon d’élégance suprême, tandis que pour le Libanais Elie Saab, l’opulence orientale est un maître mot qui se traduit par de la mousseline imprimée, des broderies richissimes et des incrustations de dentelles. Christian Lacroix, lui, renoue avec une féminité piquante et fraîche à coups d’imprimés acidulés, de chaussures écarlates et de collants aux tons vifs portés par de jeunes femmes au chignon sixties. C’est ludique, pimpant et chic. Du côté d’Emanuel Ungaro, qui défilait, comme dans le temps, en ses salons, la mousseline et la soie colorée jouent les évanescences autour de silhouettes que l’on penserait touchées par la palette d’un peintre. Loin de tout tape-à-l’£il, la collection d’Adeline André fait la part belle aux robes taillées dans le biais où, au fil de couleurs délicates (carmin, émeraude, algue…), pointent quelques détails fantaisie.

Membre invité de la Chambre syndicale de la Haute Couture, la brillante Anne Valerie Hash, dont le travail sera bientôt exposé au Centre culturel français à Milan (2), détourne les coupes et les tissus de la garde-robe masculine dans des créations qui s’apparentent davantage au prêt-à-porter de luxe qu’à la couture. Draps de laine, tweed et doublures de veste avoisinent ainsi la mousseline et la dentelle arachnéenne pour un effet contrasté tout en sensualité.

Qu’elle soit excentrique à l’extrême ou infiniment classique comme pour les créations du Belge Gerald Watelet qui s’est exercé notamment avec talent à l’art du trench, du manteau, du tailleur et du pantalon fluide pour une collection sagement inspirée d’ Yves Saint Laurent, la haute couture sert décidément un seul but : susciter le ravissement, voire l’étonnement chez un public qui ne demande qu’à rêver et rêver encore devant cette  » vitrine  » vivante où tout est permis.

Marianne Hublet

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